Ce type d’opération majeure représente une surcharge cardiovasculaire importante. D’autre part, une dépression myocardique due aux anesthésiques inhalés peut être significative chez un patient insuffisant cardiaque présentant une hypovolémie suite à un traitement maximal. Il faut donc s’assurer que votre patient ait une « réserve » suffisante. Au moindre doute d’affection cardiovasculaire, demander un avis cardiologique pour évaluer la fonction cardiaque, voir « affections médicales connues ».
Pour le poumon, les anesthésiques inhalés provoquent une diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle ainsi qu’une diminution du transport mucociliaire et des réponses ventilatoires à l’hypoxie et à l’hypercapnie.
Une incision abdominale, surtout si elle est verticale, entraîne une diminution de la capacité respiratoire et une augmentation de la fréquence des atélectasies. Cet effet diminue nettement lors d’une incision abdominale basse qui s’accompagne de moins de complications pulmonaires postopératoires. L’effet d’une laparoscopie n’est pas encore bien connu, mais doit être considéré comme une laparotomie, étant donné le risque de passage d’une technique à l’autre. Il est donc important de bien « préparer » les patients qui présentent une affection pulmonaire.
Pour des opérations abdominales ou thoraciques, l’incidence des complications respiratoires est assez élevée. Une radiographie du thorax ne change pas la prise en charge peropératoire, mais pourrait aider à prendre en charge 50% des complications respiratoires post-opératoires. 7
Si le patient ne présente aucune anamnèse pulmonaire, ne tousse pas, ne crache pas et ne présente pas de dyspnée d’effort, il n’est pas nécessaire de pratiquer des examens complémentaires.
Dans les autres situations, pratiquer des fonctions pulmonaires simples :
– Mesure de la capacité vitale forcée (CVF), du volume expiratoire maximal en 1 seconde (VEMS), et du rapport de Tiffeneau VEMS/CVF.
Si le VEMS est > 2000 ml
pas de mesures particulières à prendre en-dehors de la maximalisation du traitement d’un syndrome obstructif modéré ou d’une bronchite chronique. Donner des antibiotiques si les crachats sont sales et commencer une physiothérapie de drainage avant l’opération.
Si le VEMS est < 2000 ml et que le rapport de Tiffeneau est abaissé
Il s’agit d’un syndrome obstructif pour lequel vous devez rechercher une réversibilité éventuelle aux broncho-dilatateurs, éventuellement avec un test à la prednisone, voir « Docteur, j’ai de la peine à respirer ».
Si vous ne pouvez pas obtenir ainsi un VEMS > 2000 ml, ou si le VEMS < 2000 ml et que le rapport de Tiffeneau est normal
Demander au spécialiste de pratiquer une gazométrie. En effet, une PACO2 > 6 Kpa (45 mmHg) est généralement considérée comme une contre-indication opératoire.
La résection de tissu pulmonaire est un cas particulier. Pour des opérations majeures, une mesure des fonctions pulmonaire peut donc être utile, surtout dans la situation où le patient présente une affection pulmonaire. 23-26
Dans cette situation, il convient de prévoir quels seront les patients qui supporteront la résection d’une partie de leurs poumons. Il s’agit souvent d’un cancer bronchique chez un tabagique chronique, souvent associé à une limitation fonctionnelle.
Pratiquer des fonctions pulmonaires simples :
Si le VEMS est > 2000 ml
Pas d’examens supplémentaires .
Si le VEMS est < 2000 ml et que le rapport de Tiffeneau est normal
Demander un avis spécialisé pour déterminer si le patient est opérable.
Si le VEMS est < 2000 ml et que le rapport de Tiffeneau est plus de 10% en dessous de la norme
Il s’agit d’un syndrome obstructif et vous devez essayer de déterminer s’il est réversible.
Si vous pouvez obtenir un VEMS > 2000 ml avec ce test de réversibilité
Maximaliser le traitement bronchique en donnant des antibiotiques en cas d’expectorations sales, continuer les bronchodilatateurs, et faire pratiquer une physiothérapie de drainage avant l’opération.
Si le VEMS est < 2000 ml, même après essai de réversibilité
Demander une gazométrie et une scintigraphie pulmonaire de perfusion dans un but quantitatif pour prédire le VEMS postopératoire.
Le VEMS postopératoire prédit est obtenu en multipliant le pourcentage de perfusion du poumon qui restera indemne par le VEMS actuel du patient.
Une gazométrie pathologique vous oblige à demander un avis spécialisé auprès de l’anesthésiste. Si la gazométrie est normale et si le VEMS post-opératoire prédit est > 800 ml, vous pouvez faire opérer le patient sans autres examens.
Si le VEMS postopératoire prédit est < 800 ml
Il faut pratiquer un test d’effort, avec mesure de la consommation d’oxygène maximale (VO2 max). Ce test est pratiqué par paliers de 10 watts chaque minute.
Si la VO2 max est de moins de 20 ml/kg/min
L’opération est contre-indiquée. Sinon, vous pouvez opérer votre patient, en maximalisant le traitement bronchique.
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