Il faut rechercher des causes d’insomnie :
La première question simple à poser est :
« Qu’est-ce qui vous empêche de dormir ? »
La gêne ou l’inconfort lié à une dyspnée, une toux, une nycturie, un prurit, un reflux gastro-œsophagien ou une neuropathie sont faciles à identifier.
Le syndrome des jambes sans repos peut rendre l’endormissement difficile.
On connaît moins l’inconfort lié à un syndrome parkinsonien, avec une rigidité qui gêne le patient au moment de s’endormir.
Les conséquences de douleurs chroniques liées au cancer ou aux affections rhumatismales sont également importantes et parfois sous-estimées.
Un traitement symptomatique de l’insomnie est souvent nécessaire, le temps de régler le problème somatique. 33
Les troubles psychiatriques s'accompagnent de troubles du sommeil. Il convient de rechercher :
– les troubles dépressifs
– les troubles bipolaires
– les troubles anxieux généralisés
– les attaques de panique
– les troubles compulsifs
– la schizophrénie
– l’hypomanie
– l’anorexie mentale
– l’alcoolisme chronique
– la toxicomanie
En principe, l’amélioration du trouble psychiatrique devrait s’accompagner d’une normalisation des troubles du sommeil. Il est parfois nécessaire de donner un traitement symptomatique.
Les médicaments peuvent perturber le sommeil. En principe, vous connaissez les médicaments que prend votre patient.
La question simple à poser est :
« Qu’est-ce que vous prenez comme médicaments en plus de ceux que je vous prescris ? »
Pour ces médicaments, arrêter le traitement ou changer de molécule.
Les hypnotiques utilisés de manière inadéquate (usage prolongé) sont paradoxalement une cause d’insomnie. En effet, au bout de quelques semaines, ils perdent leur effet (accoutumance), mais de plus ont un effet néfaste sur le sommeil (réduction du sommeil lent profond, fragmentation du sommeil, réduction du stade paradoxal).
De nombreux patients prennent des somnifères tous les jours depuis de nombreuses années. Le plus souvent, ils sont persuadés de l’efficacité de leur médicament, car lorsqu’ils oublient de le prendre, ils ne dorment pas. Cette insomnie des jours sans somnifères est probablement liée au sevrage.
Il paraît souvent brutal et inutile d’imposer un sevrage à ces patients qui prennent ces médicaments depuis longtemps, et qui ne se plaignent pas de troubles du sommeil. Théoriquement, ils devraient mieux dormir après un sevrage, et il conviendrait de le leur proposer. En pratique, c’est très difficile et probablement inutile si le patient ne se plaint pas de son sommeil.
La situation est différente avec les patients qui viennent se plaindre de l’inefficacité de leur somnifère, et qui demandent une molécule « plus efficace ». Le sevrage de benzodiazépines est le seul traitement de cette cause d’insomnie.
Le sevrage d’hypnotiques permettra par la suite de les utiliser adéquatement, une fois qu’ils auront retrouvé leur efficacité (voir traitement symptomatique).
Il convient de pratiquer doucement, sur une période de minimum 6 semaines, en diminuant très progressivement les doses. La durée du sevrage peut s’étendre sur plusieurs mois chez des utilisateurs de longue durée. Un moyen de faire ceci consiste à demander à votre patient de compter le nombre total de comprimés pris par semaine (par exemple 7cp/semaine), puis de lui demander de ne prendre que 6 cp/semaine, en essayant de ne pas prendre d’emblée le somnifère en allant se coucher. On peut ainsi diminuer (par exemple) la consommation de 1 cp chaque 2 semaines, ce qui fait une durée de sevrage de 14 semaines.
Utiliser les traitements comportementaux en parallèle et voir le patient régulièrement pendant cette période de sevrage. Le sommeil était mauvais, il risque de devenir encore plus mauvais, jusqu’au sevrage complet.
Il existe deux catégories de troubles du sommeil d’origine comportementale :
La question simple à poser est : « Vous arrive-t-il de bien dormir lorsque vous dormez ailleurs que dans votre lit ? »
Il s’agit de patients qui ont eu à un moment donné des difficultés à dormir associées à des épisodes psychosociaux pénibles, et qui ont fini par associer leur lit à des difficultés à s’endormir. En revanche, ces difficultés disparaissent lorsqu’ils dorment ailleurs. Ce trouble perpétue une insomnie, même si la cause (divorce, accident, faillite, décès d’un proche…) est complètement oubliée. Le traitement repose sur le contrôle par le stimulus.
La question à poser est : « Que faites-vous lorsque vous n’arrivez pas à dormir ? »
Les patients, typiquement, s’efforcent à tout prix de trouver le sommeil, et par là même aggravent leurs difficultés. La réponse, c’est la relaxation. Recommander une période de calme de 20 à 30 minutes avant d’aller se mettre au lit. Enseigner au patient une technique simple de relaxation.
Attention
Plusieurs causes peuvent s’associer. Il est rare qu’un seul traitement étiologique puisse régler l’insomnie de votre patient. Il est pratiquement toujours nécessaire d’associer un traitement comportemental (contrôle par le stimulus, relaxation) aux autres traitements étiologiques. L’utilisation adéquate de somnifères (voir traitement symptomatique) reste tout à fait possible, lorsque ces somnifères ne sont pas en eux-mêmes la cause de l’insomnie.
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