- Notion de perte de contrôle et de prise alimentaire excessive.
- Plus de 3 symptômes sur les 5 suivants :
- Le patient |
- ressent des douleurs abdominales après une crise de fringale |
- Plus de 2 crises par semaine sur moins de 6 mois.
Les patients souffrant d’un trouble du comportement alimentaire se retrouvent enfermés dans un mécanisme comportemental et psychologique qui s’auto-renforce. Faisant des efforts pour acquérir une image plus acceptable d’eux-mêmes, ils se focalisent sur leur poids, ce qui les amène à entamer des régimes drastiques. Ces privations favorisent encore plus les épisodes de compulsions et ainsi une prise de poids supplémentaire, ce qui aggrave le sentiment de culpabilité.
Pour traiter la compulsion alimentaire et les mécanismes sous-jacents qui l’entretiennent, c’est actuellement le modèle cognitivo-comportemental qui semble donner les meilleurs résultats. 24,26,28,30,31, , 23,25,29 27
Le traitement comporte deux phases :
Cette phase est comportementale et a pour but la réorganisation du comportement alimentaire :
– réintroduction des rythmes d’alimentation (3 repas, 3 collations)
– modification du contenu des repas (p. ex. diminuer les graisses cachées)
– lutte contre les aliments tabous (chocolat)
Lors de cette étape, il est important que le médecin ne prescrive pas de régimes restrictifs, ce qui accentuerait le trouble du patient. Ces séances permettent de mettre en évidence des habitudes alimentaires inadéquates, d’identifier les stimuli déclencheurs de crises et d’adopter les stratégies nécessaires.
La mise en évidence des déclencheurs des crises (tableau 1) va aider le patient à utiliser des stratégies (tableau 2) pour les différer ou les supprimer. Il est important que le patient recherche lui-même ses propres stratégies. De ce fait, il va apprendre à réduire l’association stimulus conditionnel et prise alimentaire.
tableau 1 : facteurs déclencheurs des crises alimentaires
tableau 2 : stratégies destinées aux patients lors d'une crise compulsive
Phase 1 en bref : 1. Eviter les régimes restrictifs. 2. Rechercher des stimuli déclencheurs de crises (tableau 1). 3. Modifier le contenu des repas, en chassant surtout les graisses. 4. Restructurer les rythmes d’alimentation (3 repas, 3 collations). 5. Utiliser des stratégies comportementales lors des crises (tableau 2). 6. Lutter contre les aliments tabous (chocolat). |
La seconde phase vise une restructuration cognitive en proposant au patient un travail sur ses pensées automatiques négatives et des pensées inadaptées, telles que :
– Je ne mange pas, donc je maigris.
– Si je mange, je grossis.
– J’ai mangé deux carrés de chocolat, je vais prendre un kilo.
– J’ai grossi d’un kilo, tout le monde le remarque.
La prise de conscience des pensées automatiques négatives, et plus particulièrement du lien entre cognition (monologue intérieur) et émotion, va permettre au patient de mettre ces pensées en question et de leur trouver différentes alternatives pour arriver à formuler des pensées réalistes.
Prenons l'exemple d'une patiente qui, se voyant très grosse sur une photographie, a eu les pensées automatiques négatives suivantes, induisant différentes émotions:
J’ai l’air d’un monstre --> Honte
Je n’y arriverai jamais --> Découragement
Tous mes efforts pour être autrement ne serviront à rien --> Impuissance
Je ne suis pas au bout de mes peines tant que je suis grosse --> Tristesse
Comment ai-je pu en arriver là ? --> Rage, colère
Je suis vraiment nulle et mauvaise -- > Désespoir
La modification de ces pensées automatiques négatives sera effectuée par une mise en question de ces pensées par le médecin. Il pourra par exemple poser les questions suivantes:
– Quelle est l’évidence que la pensée automatique soit vraie ou fausse ?
– Y a-t-il une explication alternative ?
– Que peut-il se produire de pire ?
– Que peut-il se produire de mieux ?
– Que devriez-vous faire dans ce cas ?
– Quel serait l’effet d’une modification de votre pensée ?
– Si un être cher se trouvait dans cette situation et avait cette pensée, que lui diriez-vous ?
Finalement, ce type de questions doit permettre d’induire chez la patiente la formulation d’une pensée réaliste du type : Actuellement, je suis en train du suivre un programme de perte de poids car j’ai décidé de m’occuper de moi.
Cette reformulation objective n’induit plus aucun désespoir chez cette patiente qui peut reprendre le contrôle sur sa pensée. L’utilisation des techniques cognitives vise à relativiser, nuancer et multiplier les pensées alternatives. On évite ainsi les pensées dichotomiques ( tout ou rien), les affirmations catégoriques ( je n’y arriverai jamais, je suis nulle), ou les généralisations abusives ( j’ai grossi d’un kilo, je ne vais plus m’arrêter).
Phase 2 en bref : 1. Aborder une restructuration cognitive 2. Continuer le travail de stratégies comportementales 3. Continuer un régime peu restrictif 4. Commencer la pratique d’un exercice physique L’apport des techniques comportementales et cognitives permet au patient de revaloriser son image, de reprendre le contrôle sur son alimentation et d’aborder plus objectivement et librement son problème de poids. |
Il est important de prévoir un suivi à long terme pour ces patients, une perte de poids ne pouvant se stabiliser sans un changement non seulement alimentaire mais également des habitudes de vie.
Une chirurgie gastrique (chirurgie bariatrique) est peut-être à proposer après 2 ans lorsque les traitements conventionnels n’offrent pas satisfaction et si le patient le demande.
Une telle démarche doit se faire avec une équipe interdisciplinaire médecin-chirurgien-psychiatre après de multiples discussions avec le patient et après une longue réflexion. Les opérations ne sont possibles que si l’IMC est supérieur à 40 kg/m² et si le patient souffre de 2 complications au moins. L’efficacité des opérations chirurgicales est très importante si un suivi est bien instauré, car les récidives totales sont possibles et plus fréquentes que l’on imagine. Une métanalyse récente montre que le bypass gastrique permet une perte de poids moyenne de 40 kg, l’anneau gastrique de 30 kg, et la diversion biliopancréatique de 50 kg. 32 L’opération la plus pratiquée est le bypass gastrique en raison d’un très bon rapport efficacité/effets secondaires/complications.
Le succès d’un programme de perte de poids par une approche conventionnelle non chirurgicale est de 3 à 10 kg et peut varier de 5 à 50% de succès à 5 ans.
1Pi-Sunyer X. A clinical view of the obesity problem. Science 2003 ; 299 : 859-60.
2James PT, Leach R, Kalamara E, et al. The worldwide obesity epidemic. Obes Res 2001 ; 9 : 228S-233S.
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4 Consensus sur le traitement de l’obésité en Suisse. Journal Suisse de Médecine 2007, in press.
5Masciangelo ML, Golay A. Poids de l’obésité, de l’épidémie aux coûts. Rev Med Suisse 2005 ; 1 : 807-13.
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Approche globale :
7Ybarra J, De Stefano M, Kammer A, de Tonnac N, Lehmann T, Golay A. Interest of prognostic score for optimal clinical management of obese patients. Diabetes Metab 2003 ; 29 : 418-23.
8Golay A, Buclin S, Ybarra J, Toti F, Pichard C, Picco N, de Tonnac N, Allaz AF. New interdisciplinary cognitive behavioural-nutritional approach to obesity treatment : A 5-year follow-up study. Eating Weight Disord 2004 ; 9 : 24-34.
9Elfhag K, Rössner S. Who succeeds in maintaining weight loss ? A conceptual review of factors associated with weight loss maintenance and weight regain. Obes Rev 2005 ; 6 : 67-85.
10Senekal M, Albertse EC, Momberg DJ, et al. A multidimensional weight-management program for women. J Am Diet Assoc 1999 ; 99 : 1257-64.
Approche spécifique en fonction de la personnalité :
11 Golay A. Maigrir selon sa personnalité. Ed. Payot, Paris, 2007.
12Golay A, Nicolet J, Hagon I. Assal JP. How to improve compliance in diabetic patients. Patient Education and counseling 1994 ; 23 : 109-11.
13 Golay A, Loup S, Ducommun V, et al. Efficacité des différents régimes selon la personnalité. Diabète éducation (journal du DELF) 2004 ; 14 : 50-3.
Traitements médicamenteux:
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18Sjöström L, Rissanen A, Andersen T, Boldrin M, Golay A, Kopperschaar HPF, Krempf M. Randomised placebo-controlled trial of orlistat for weight loss and prevention of weight regain in obese patients. Lancet 1998 ; 352 : 167-73.
19James WPT, Astrup A, Finer N, et al for the STORM study group. Effect of sibutramine on weight maintenance after weight loss : A randomised trial. Lancet 2000 ; 356 : 2119-25.
20Despres JP, Golay A, Sjöström L, Rimonabant in obesity-lipids study group. Effects of rimonabant on metabolic risk factors in overweight patients with dyslipidemia. N Engl J Med 2005 ; 353 : 2121-34.
Approche comportementale :
21Volery M, Golay A. Comment détecter des troubles du comportement alimentaire chez des patients obèses ? Med Hyg 2001 ; 2353 : 1467-71.
22 Golay A, Volery M, Rieker A, Fossati M, Nguyen Howles M. Approche cognitivo-comportementale. In : Médecine de l’obésité. Basdevant A, Guy-Grand B. Ed Médecine-Sciences Flammarion, 2004 : 246-52.
23Wadden TA, Berkowitz RI, Womble LG, et al. Randomized trial of lifestyle modification and pharmacotherapy for obesity. N Engl J Med 2005 ; 353 : 2111-20.
24Simon GE, Von Korff M, Saunders K, et al. Association between obesity and psychiatric disorders in the US adult population. Arch Gen Psychiatry 2006 ; 63 : 824-30.
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29Liao KL. Cognitive-behavioural approaches and weight management : An overview. J R Soc Health 2000 ; 120 : 27-30.
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Traitements chirurgicaux :
32Maggard MA, Shugarman LR, Suttorp M, et al. Meta-analysis : Surgical treatment of obesity. Ann Inter Med 2005 ; 142 : 547-59.