L'année 1999 n'a pas donnélieu à une révolution sur le plan thérapeutique dans le domaine de la psychiatrie. L'amisulpride (Solian ®) est un neuroleptique original plus ancien en fait que les neuroleptiques atypiques récemment introduits en Suisse. Son mécanisme d'action dopaminergique sélectif en fait un produit intéressant particulièrement pour les symptômes négatifs de la schizophrénie. La mirtazapine (Réméron ®) arrivera sur le marché suisse dans quelques mois. Son mécanisme d'action large, complexe et original ainsi que son profil de tolérance l'annoncent comme un enrichissement de la palette thérapeutique dans le traitement des troubles dépressifs.
Nous avons sélectionné pour les médecins et lecteurs de Médecine et Hygiènedeux nouvelles thérapeutiques pharmacologiques. L'une vient enrichir le domaine des neuroleptiques. L'an dernier, nous avions déjà présenté deux nouveaux neuroleptiques atypiques, l'olanzapine et le sertindole. Ce dernier a été retiré du marché en attendant la levée d'un doute concernant un risque cardiaque. Dans ce domaine qui va s'enrichir encore dans les années à venir, l'amisulpride occupera une place originale notamment pour son effet dans la schizophrénie déficitaire. La mirtazapine est un antidépresseur avec un mécanisme d'action inédit et représente une innovation sur le plan pharmacologique même s'il s'agit toujours d'une action centrée sur la régulation de l'activité sérotoninergique et noradrénergique centrale.
L'amisulpride est un neuroleptique commercialisé en France depuis plus de dix ans et qui a été introduit en Suisse au début de l'année l999, sous le nom de Solian ®.
L'amisulpride est une benzamide substituée et appartient à la même classe que le sulpiride (Dogmatil ®). L'amisulpride est un antagoniste des récepteurs dopaminergiques D2 et D3 et présente très peu d'affinité pour les autres sous-types de récepteurs dopaminergiques ou d'autres neurorécepteurs (adrénergiques, sérotoninergiques, histaminergiques, cholinergiques). En outre, on note une sélectivité pour les récepteurs dopaminergiques méso-limbiques impliqués dans la symptomatologie psychotique par rapport aux récepteurs dopaminergiques situés dans le système nigro-strié qui sont eux impliqués dans les symptômes extrapyramidaux.1Enfin, des études effectuées chez l'animal ont montré qu'à faibles doses l'amisulpride bloque préférentiellement les récepteurs dopaminergiques présynaptiques empêchant ainsi la recapture de la dopamine et augmentant la disponibilité de celle-ci dans la fente synaptique, ce qui pourrait jouer un rôle dans le traitement des symptômes négatifs. A fortes doses, l'amisulpride bloque également les récepteurs dopaminergiques post-synaptiques agissant ainsi à la manière des neuroleptiques classiques.
L'administration d'amisulpride entraîne deux pics plasmatiques une heure et trois heures après la prise. La liaison aux protéines plasmatiques est faible (16%) et la demi-vie se situe entre 12 et 19 heures. L'amisulpride est peu métabolisé et ses deux principaux métabolites sont inactifs.2Il est éliminé en majeure partie sous forme inchangée, principalement par voie rénale et par voie biliaire. En outre, l'amisulpride n'a pas d'action inhibitrice sur les cytochromes P 450 entraînant de ce fait un très faible risque d'interaction médicamenteuse. Chez le sujet âgé et chez le patient souffrant d'insuffisance rénale, l'élimination rénale est réduite.
Dans le cadre des schizophrénies chroniques avec une prédominance des symptômes négatifs, la posologie conseillée se situe entre 100-300 mg/j. La posologie optimale se situant la plupart du temps autour de 100 mg/j.
Lors d'un épisode aigu d'une schizophrénie avec symptômes positifs prédominants, l'amisulpride sera prescrit à une posologie se situant entre 400 et 800 mg/j.3Celle-ci peut être augmentée jusqu'à 1200 mg/j. L'amisulpride est administré en deux prises par jour. Il devrait par ailleurs, du fait de sa forte élimination rénale, être administré de manière prudente en cas d'insuffisance rénale modérée ou sévère.
L'efficacité de l'amisulpride 600-1000 mg/j a été comparée dans le traitement des poussées de schizophrénie aiguë, à l'halopéridol 15-20 mg/j, au flupentixol l5-25 mg/j et à la rispéridone 8 mg/j.4,5 De manière générale, l'amisulpride s'est montré aussi efficace que les produits de référence qui ont été prescrits à des posologies relativement élevées. A la posologie de 200 à 800 mg/j, il se serait même montré plus efficace que l'halopéridol dans une étude ouverte sur douze mois chez des patients chroniques avec des symptômes positifs ou mixtes.6
L'investigation de l'action d'un neuroleptique sur les symptômes négatifs de la schizophrénie est difficile. En effet, on doit distinguer parmi les symptômes négatifs, les symptômes négatifs primaires des symptômes négatifs secondaires. Ceux-ci peuvent être dus aux effets secondaires des neuroleptiques (effets extrapyramidaux, somnolence), à des symptômes dépressifs ou être secondaires à des symptômes positifs de la schizophrénie. L'amisulpride 50 à 300 mg/j a été étudié dans plusieurs études contre placebo7,8,9 chez des patients souffrant de schizophrénie chronique et présentant une prédominance de symptômes négatifs et un minimum de symptômes positifs. Les patients sous amisulpride ont présenté une amélioration significative notamment en ce qui concerne les symptômes négatifs primaires tels que l'émoussement affectif, l'alogie, l'aboulie, l'anhédonie, l'apathie, le retrait social et les troubles de l'attention.1
Comparé aux neuroleptiques de référence donnés à une posologie relativement élevée (halopéridol l5-20 mg/j, flupentixol l5-20 mg/j et rispéridone 8 mg/j) l'amisulpride est de manière générale bien toléré à une posologie comprise entre 400 et 1200 mg/j. Les effets secondaires principaux sont les syndromes extrapyramidaux, qui sont dépendants de la dose, les troubles du sommeil, la sécheresse de la bouche, l'agitation psychomotrice, l'anxiété, ainsi que les troubles endocriniens secondaires à une augmentation de la prolactinémie pouvant entraîner un syndrome aménorrhée-galactorrhée, une gynécomastie ou des troubles sexuels. Les autres effets secondaires cliniques qui ont été rapportés sont la prise de poids, l'asthénie, et l'irritabilité. La tolérance cardiovasculaire est bonne, sans tendance à l'hypotension orthostatique. Sur le plan hématologique, l'amisulpride n'expose pas à un risque particulier de leucopénie. Une augmentation des transaminases hépatiques modérée a été rapportée. A faibles doses (50-300 mg/j), l'amisulpride est aussi bien toléré que le placebo.
La mirtazapine est un nouvel antidépresseur au mécanisme d'action original qui va être introduit en Suisse dans les mois à venir sous le nom de Réméron ®.1,2Il est d'ores et déjà présent sur le marché européen et nord-américain.
La mirtazapine a une structure chimique proche de celle de la miansérine (Tolvon ®) qui est commercialisée par le même laboratoire. Toutefois, si ces deux molécules ont certaines propriétés pharmacologiques en commun, l'ensemble du profil de la mirtazapine est tout à fait inédit. La mirtazapine est définie comme un antidépresseur noradrénergique et sérotoninergique spécifique.1,2 Le singulier de l'objectif spécifique s'applique à l'action de la sérotonine et l'ensemble de cette définition doit être distingué de celle de produits comme la venlafaxine qui est un inhibiteur spécifique de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. En effet, la mirtazapine n'agit pas sur les mécanismes de recapture de ces neuromédiateurs, mais à d'au-tres niveaux. Il s'agit d'une action complexe de blocage de récepteurs qui peut être décomposée en :
I une augmentation de la neurotransmission noradrénergique par blocage des autorécepteurs a2-adrénergiques ;
I une augmentation de la neurotransmission sérotoninergique par blocage des hétéro-récepteurs a2-adrénergiques ;
I une limitation des effets défavorables d'activation sérotoninergique (source d'anxiété et de nervosité, de troubles digestifs et sexuels) par blocage des récepteurs 5-HT2 et 5-HT3 et corollairement activation plus spécifique des récepteurs 5-HT1 par lesquels passerait l'activité antidépressive de l'activation sérotoninergique.
La mirtazapine a par ailleurs une affinité relativement marquée pour les récepteurs à l'histamine.
La demi-vie moyenne est d'un peu plus de 20 heures et varie dans une fourchette de 20 à 40 heures. Il existe un métabolite dont l'activité pharmacologique est nettement inférieure à celle de la mirtazapine, la déméthylmirtazapine. Le métabolisme est hépatique. Le profil d'interactions pharmacocinétiques est encore mal connu mais la mirtazapine ne semble ni être un inducteur ni être un inhibiteur des différentes iso-enzymes du cytochrome P450. Compte tenu du métabolisme hépatique, une diminution de posologie doit être envisagée en cas d'altération importante de la fonction hépatique.
La posologie quotidienne est de 15 mg à 45 mg par jour en une prise unique, le soir. Malgré les effets sédatifs marqués du produit, il ne semble pas indispensable de commencer la prescription par des posologies plus basses : l'effet sédatif antihistaminique serait moins bien contrebalancé par les effets activants noradrénergiques lors de basses posologies.2
La mirtazapine a démontré son efficacité par comparaison au placebo et à différents antidépresseurs y compris tricycliques, dans le traitement de dépressions de sévérité modérée à marquée.3,4 Elle a aussi montré son efficacité comme traitement de consolidation pour prévenir le risque de rechute précoce après obtention de la rémission5 et comme traitement de maintenance en vue de la prévention des récidives au-delà de la phase de traitement de consolidation.5
Le profil des effets secondaires6 semble surtout lié aux effets antihistaminiques et sont du registre de la sédation, l'augmentation d'appétit et la prise de poids. L'augmentation de poids pourrait toutefois être moins fréquente que celle observée avec un antidépresseur tricyclique tel que l'amitriptyline.5 Par contre, on ne retrouve pas les problèmes cardiovasculaires ou anticholinergiques que l'on peut observer avec les antidépresseurs tricycliques (avec peut-être une petite nuance pour la sécheresse de bouche plus fréquente sous mirtazapine que sous placebo). Grâ-ce au blocage de certains sous-types de récepteurs sérotoninergiques (5-HT2 et 5-HT3), la mirtazapine ne présente pas les effets secondaires dus à l'activation sérotoninergique (anxiété, agitation, troubles digestifs tels que nausées et diarrhées) qu'il est classique d'observer avec un inhibiteur spécifique de la recapture de la sérotonine (avec une nuance pour les céphalées qui sont plus fréquentes sous mirtazapine que sous placebo). La tolérance sur le plan sexuel serait tout à fait bonne, de nouveau là encore probablement du fait du blocage des récepteurs 5-HT2. Globalement, la tolérance est bonne et si l'on se réfère à l'indicateur du taux de dropout en cours de traitement observé lors des essais thérapeutiques préliminaires, ce taux est moins élevé que celui observé avec les tricycliques et du même ordre, voire même plus bas que celui observé avec les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine.
Le potentiel d'induction de crises comitiales est faible. La tolérance chez les personnes âgées est satisfaisante. Il n'y a pas lieu d'envisager une diminution de posologie chez les personnes âgées.
En cas de surdose massive, le risque de décès paraît beaucoup plus faible qu'avec les tricycliques.