Dans la colite ulcéreuse, la ciclosporine doit représenter une alternative offerte aux patients avec colite ulcéreuse sévère avant de poser une indication définitive à une colectomie. Dans la maladie de Crohn, les anticorps anti-TNF (infliximab) confirment leur grande efficacité dans les formes corticorésistantes etdans les formes avec fistules ; leur usage compassionnel est maintenant possible en Europe.
Quelques revues de la littérature ont été publiées et méritent d'être signalées : traitement des maladies inflammatoires intestinales (Rutgeerts, 1998 ; Robin son, 1998), place de l'azathioprine dans les maladies inflammatoires digestives (Lamers, 1999), nutrition et maladies inflammatoires intestinales (Geerling, 1999), ostéoporose et mala-dies inflammatoires (Valentine, 1999). Enfin, un numéro complet de Clinics in Gastroenterologyest paru et fait le point sur pratiquement tous les sujets essentiels (Lichtenstein, 1999).Parmi les innombrables études publiées, rappelons que nous citons principalement celles qui nous paraissent les plus significatives et les plus originales.
La colite ulcéreuse (ou rectocolite ulcéro-hémorragique) est classée en fonction de son étendue (rectite, rectosigmoïdite, colite gauche, colite étendue jus-qu'à l'angle droit, colite totale) et de sa sévérité : colite légère, modérée ou sévère. Une corrélation existe en général, mais pas toujours, entre l'étendue des lésions et la sévérité clinique. Les formes les plus fréquentes sont les colites touchant le rectosigmoïde et les colites gauches. Les colites sévères surviennent principalement dans les cas de colite totale.Les traitements principauxutilisés dans la colite ulcéreuse peuvent être, en fonction des connaissances actuelles, classés en :I substances efficaces : corticoïdes, budésonide, mésalazine, olsalazine, balsalazide, salazopyrine, ciclosporine, azathioprine, 6-mercaptopurine, nicotine ;I substances d'efficacité discutée : interféron, héparine, anti-TNF, interleukine, antibiotiques ;I substances probablement non efficaces : méthotrexate, zyleuton, nicotine dans la prévention.
Les corticoïdes et la mésalazine représentent les traitements classiques de la colite ulcéreuse. En cas de colite ulcéreuse légère, la mésalazine est souvent suffisante. Les corticoïdes sont le plus souvent nécessaires dans les formes modérées et le sont toujours dans les formes sévères. Un traitement par voie rectale est possible dans les formes rectales, rectosigmoïdiennes, en général cliniquement légères. L'association d'un traitement par voie générale et par voie locale est le plus souvent justifiée. En cas de première poussée et de diagnostic encore incertain, en particulier lors de poussées sévères, un traitement associant une quinolone et le métronidazole doit être discuté dans l'attente des recherches bactériennes et parasitaires.
La mésalazine (ou 5-ASA, ou mésalamine) représente la partie active de la salazopyrine. La mésalazine est préférée à la salazopyrine en raison de son efficacité comparable et de sa fréquence plus faible d'effets secondaires. Ces avantages justifient son utilisation malgré un coût plus élevé. La salazopyrine conserve sa place dans les cas de colite ulcéreuse avec manifestations rhumatismales associées. La mésalazine se présente sous différentes formes pharmacologiques à libération retardée le long du grêle et du côlon, ou sous forme de double molécule libérant la mésalazine au niveau du côlon seul (olsalazine, balsalazide). La mésalazine seule est souvent suffisante dans le traitement des formes légères de colite ulcéreuse, par voie rectale (suppositoires, lavements, mousses) dans les formes rectosigmoïdiennes, et par voie orale dans les formes au-delà du sigmoïde. Dans la colite gauche ou étendue, l'association d'une administration orale et rectale est supérieure à une administration seulement orale ou rectale (Safdi, 1997). La dose optimale de mésalazine n'est pas définitivement établie, mais il existe par voie orale une relation dose-efficacité jusqu'à 4 g. Par voie rectale, une telle relation n'existe pas, semble-t-il (Cohen, 1998 ; Cohen, 1998 ; Hanauer, 1998). Deux revues font le point sur l'utilisation de la mésalazine (Prakash, 1999 ; Riley, 1998).Il n'est pas établi qu'une forme particulière de mésalazine soit supérieure à une autre forme galénique actuellement disponible (Sutherland, 1997). La plupart des études montre une efficacité comparable des différentes préparations. La balsalazide, libérée dans le côlon, semble, dans une étude déjà citée, supérieure à la mésalazine, mais les doses utilisées, comme l'a remarqué Hanauer, ne semblent pas optimales (Green, 1998 ; Hanauer, 1999). Dans la rectite seule, l'administration locale est supérieure à la voie orale (Gionchetti, 1998).Aucune nouvelle étude fondamentale n'est parue cette année. La préférence doit être à notre avis accordée à la mésalazine par rapport à la sulfasalazopyrine malgré son coût plus élevé rappelé par certains (Leighton, 1999). Les effets secondaires de la mésalazine sont maintenant bien connus et ont été cités ces dernières années (Guyot, acquisitions thérapeutiques 1997-1998). Un bilan annuel de la fonction rénale avec créatinine, clairance à la créatinine, sédiment urinaire semble justifié (Hussain, 1998). Un cas de thrombocytopénie associée à la mésalazine a été décrit (Farrell, 1999).
Les corticoïdes représentent le traitement le plus souvent nécessaire des formes modérées et toujours des formes sévères de colite ulcéreuse. La prednisone et la prednisolone sont généralement utilisées. Le déflazacort est une alternative associée à un effet éventuellement moins défavorable sur le métabolisme osseux. La place du budésonide par voie locale est reconnue ; son utilité dans le traitement par voie orale n'est pas clairement définie. Le budésonide, largement cité ces dernières années, est un corticoïde d'action principalement locale et associé à une faible incidence d'effets secondaires, même si elle n'est pas nulle, en particulier sur le métabolisme cortico-surrénalien. Le budésonide a été mieux étudié dans la maladie de Crohn par administration orale. Le problème de la libération retardée de budésonide, en particulier au niveau du côlon gauche, n'est pas résolu. Par voie rectale, la dose minimale efficace du budésonide est de 2 mg et est nettement supérieure au placebo en termes de rémission. Il n'est pas utile d'augmenter la dose (Hanauer, 1998).Par voie locale, les corticoïdes et la mésalazine sont d'efficacité supérieure au placebo. Certaines études ont montré une supériorité de la mésalazine par rapport aux corticoïdes, de même qu'une méta-analyse (Marshall, 1997). En pratique, nous recommandons l'utilisation par voie locale d'abord de la mésalazine et en cas d'insuccès, d'essayer un traitement par lavements de budésonide.Les corticoïdes par voie intraveineuse sont le traitement de premier choix de la colite sévère. Les facteurs prédictifs d'une non-réponse au traitement corticoïdien sont en particulier la durée de la maladie avant l'épisode de colite sévère, la durée du traitement stéroïdien avant l'hospitalisation et la persistance de diarrhées et de rectorragies importantes après trois jours de traitement (Lindgren, 1998).
La ciclosporine par voie intraveineuse représente, dans les formes sévères de colite ulcéreuse, un traitement de dernière chance lorsqu'une colectomie en urgence est discutée, après cinq à sept jours d'évolution non favorable sous traitement corticoïdien. La ciclosporine permet soit d'éviter une colectomie en urgence, en retardant l'acte chirurgical qui peut être effectué dans de meilleures conditions, soit d'éviter une colectomie à moyen, voire à plus long terme. L'étude contrôlée originale fait toujours référence (Lichtiger, 1994). L'effet favorable de la ciclosporine, en particulier à long terme, est plus net chez les patients avec une première poussée initiale sévère et chez les patients n'ayant pas reçu auparavant de traitement corticoïdien à long terme. Elle a été également utilisée comme seul traitement dans les formes de colite sévère, avec un bon succès comme déjà cité (D'Haens, 1998). La suite du traitement par l'azathioprine semble maintenir cette rémission initiale (D'Haens, 1999). L'expérience avec la ciclosporine dans un important centre (Chicago) a été revue : à moyen terme, 62% des patients ont évité une colectomie, tous groupes confondus ; ceux ayant ensuite reçu un traitement immunosuppresseur, par exemple l'azathioprine, atteignent 80% de colectomies évitées ; ces résultats confirment la nécessité de discuter un traitement de ciclosporine dans les colites sévères avant d'envisager une colectomie (Cohen, 1999), même si les taux de succès peuvent varier d'une étude à l'autre (40% ; Hyde, 1998). L'utilisation de la ciclosporine à faible dose n'a pas fait l'objet d'étude contrôlée ; elle semble efficace dans des études ne regroupant qu'un nombre limité de patients (Bodegraven, 1998 ; Egan, 1999).Une revue a fait précédemment le point de façon utile et pratique sur les problèmes techniques de l'utilisation de la ciclosporine (Kornblut, 1997).
L'azathioprine, la 6-mercaptopurine, représentent les traitements alternatifs immunosuppresseurs de la colite ulcéreuse, cortico-résistante ou corticodépendante. L'azathioprine peut prolonger la rémission induite par un traitement stéroïdien, même si sa place n'est pas aussi clairement déterminée que dans la maladie de Crohn (Sandborn, 1998). Les analyses rétrospectives mettent en évidence une diminution du nombre de poussées de colite ulcéreuse sous azathioprine (Ardizzone, 1998 ; Domenech, 1998). Après traitement initial de ciclosporine, l'azathioprine est supérieure à la mésalazine pour maintenir la rémission (Actis, 1998). La 6-mercaptopurine semble également maintenir la rémission induite par la ciclosporine (étude non contrôlée) (Andreoli, 1999). Le méthotrexate ne semble pas efficace comme déjà cité (Oren, 1996).
La nicotine par voie transcutanée est un traitement alternatif efficace à considérer éventuellement en cas de colite ulcéreuse répondant mal aux traitements de mésalazine ou corticoïdiens. La nicotine améliore l'effet de la mésalazine (Pullan, 1994) ; elle est inférieure à la prednisone (Thomas, 1996), mais supérieure au placebo (Sandborn, 1997, 1998). Chez des patients présentant une rechute de colite ulcéreuse sous traitement de mésalazine, la nicotine semble aussi efficace que la prednisone pour retarder la prochaine poussée (Guslandi, 1998). Le rôle de la nicotine dans le traitement de la colite ulcéreuse fait l'objet d'une nouvelle revue (Sandborn, 1999).
Les antibiotiques n'ont pas de place clairement définie dans le traitement de la colite ulcéreuse active. Dans la colite ulcéreuse sévère, une antibiothérapie doit être évaluée en fonction des signes d'infection et est souvent indiquée. La ciprofloxacine est supérieure au placebo pour induire et maintenir la rémission d'une colite ulcéreuse active chez des patients répondant mal aux traitements habituels de stéroïdes et de mésalazine (Turunen, 1998). Cette étude a fait l'objet d'un éditorial critique (Present, 1998). Les traitements antibiotiques doivent à notre avis être considérés comme alternatifs, mais justifiés dans les cas difficiles répondant mal aux traitements usuels.Les probiotiques apparaîtront éventuellement dans le futur comme des traitements alternatifs ou complémentaires (Campieri, 1999). Les études disponibles actuellement ne suffisent pas, même si elles sont favorables, à justifier leur utilisation (Venturi, 1999).
De nombreuses substances originales sont régulièrement essayées dans le traitement de la colite ulcéreuse, mais le plus souvent dans le cadre d'études limitées et non contrôlées. Ces études sont parfois intéressantes sur le plan théorique, mais ne permettent en général pas de conclusions pratiques utiles cliniquement. Les acides gras n'ont pas fait la preuve de leur efficacité dans la colite ulcéreuse (Scheppach, 1996). L'adjonction de butyrates à la mésalazine semble cependant plus efficace que la mésalazine seule dans la colite ulcéreuse distale réfractaire (Vernia, 1999).L'héparine a fait l'objet précédemment de plusieurs études non contrôlées avec mise en évidence d'un effet favorable dans la colite ulcéreuse. Une nouvelle étude nous met en garde contre le risque, attendu, mais rarement signalé précédemment, d'hémorragie massive (Folwaczny, 1999).Les anticorps anti-intégrine (médiateurs de la migration leucocytaire) font l'objet d'une étude pilote non contrôlée avec une efficacité limitée (Gordon, 1999).Le recours aux médecines alternativessemble plus limité qu'on aurait pu le penser au vu des fréquentes difficultés rencontrées dans le domaine des maladies inflammatoires ; seule une petite minorité (7%) des patients ont recours à l'homéopathie et à l'acupuncture (Rawsthorne, 1999).
Le traitement préventifde la colite ulcéreuse est indiqué dans toutes les formes après l'obtention d'une rémission. Dans la première poussée d'une rectite seule, on peut admettre qu'un traitement préventif puisse être considéré seulement après la première récidive. La mésalazine par voie orale et locale est le traitement préventif de premier choix. La voie rectale dans les formes distales est supérieure à la voie orale seule. La dose de mésalazine par voie orale ne devrait pas être inférieure à 1,5 g par jour. Par voie locale, des doses alternées, tous les 2-3 jours, selon l'efficacité chez chaque patient, peuvent être proposées. Aucune nouvelle étude importante n'est pa-rue. La mésalazine en suppositoires est supérieure au placebo (D'Albasio, 1998). Le plantago ovata (fibres diététiques) semble aussi efficace que la mésalazine dans une étude contrôlée qui demande confirmation. Il s'agit d'une alternative envisageable chez des patients allergiques à la mésalazine (Fernandez Banares, 1999).
Les recommandations dans la surveillance et la prévention d'un cancer colorectal dans la colite ulcéreuse sont discutées. Nos propositions restent identiques à celles proposées les années précédentes :I colonoscopie annuelle avec biopsies étagées après 7-10 ans d'évolution de la maladie ;I colectomie totale en cas de dysplasie high-grade confirmée et de Dysplasia association lesion or mass (DALM).Ces recommandations doivent absolument être adaptées à chaque patient en tenant compte du contexte et du risque d'une intervention et ne doivent pas être appliquées sans réflexion approfondie. Il est recommandé qu'un second pathologiste confirme le degré de dysplasie, mais une fois la dysplasie clairement confirmée, il n'est pas recommandé de répéter les biopsies. Les difficultés surviennent cependant surtout lorsque le diagnostic de dysplasie est établi en muqueuse avec inflammation active ou lorsqu'un diagnostic de dysplasie est posé sur une seule des biopsies. Il est important de mettre en garde les praticiens contre des recommandations trop rigides (Lewis, 1999).Les patients avec cholangite sclérosante associée constituent un groupe à risque accru de cancer colorectal (Kornfeld, 1997). La notion selon laquelle toute lésion de type DALM justifie une colectomie est cependant mise en doute dans une étude rétrospective dans laquelle des polypectomies ont été effectuées avec une bonne sécurité sur de longues périodes (Rubin, 1999).
Les anticorps anti-TNF-a (infliximab) représentent incontestablement l'acquisition thérapeutique majeure de cette dernière année dans la maladie de Crohn. Il reste néanmoins de nombreuses inconnues (intervalle optimal entre les perfusions, tolérance, réactions allergiques tardives, effets secondaires à long terme, coûts, etc.) avant de proposer ce traitement en première intention. Actuellement, ce traitement reste réservé aux patients résistant aux traitements standards ou avec des fistules.Le traitement corticoïde reste la base du traitement de la maladie de Crohn en phase aiguë ; le budésonide peut être employé en première intention dans les atteintes peu sévères.La mésalazine est une alternative aux corticoïdes dans les formes modérées ; son action préventive pour les récidives reste controversée.L'administration d'immunosuppresseurs, notamment l'azathioprine devrait être proposée rapidement en cas de récidive ou de cortico-résistance.
Les glucocorticoïdes restent le traitement de première intention lors d'une poussée inflammatoire de la maladie de Crohn. Le budésonide, corticoïde fortement métabolisé lors du premier passage hépatique, permet une réduction significative des effets secondaires systémiques habituels de la cortisone. Dans les atteintes iléales et du côlon ascendant de sévérité modérée à moyenne (CDAI < 400), le budésonide à la posologie de 9 mg peut être considéré comme le traitement de première intention avec une efficacité compara-ble à 40 mg de prednisone (Campieri, 1997 ; Bar-Meir, 1998). Dans les formes plus sévères ou étendues, l'administration de prednisone (1 mg/kg/j) reste plus efficace (Lowry, 1999), en supprimant de façon plus prononcée l'activité inflammatoire des leucocytes et la libération de cytokines pro-inflammatoires (Tillinger, 1998). Selon une étude contrôlée chez 120 patients cortico-dépendants, un traitement de budésonide 6 mg/j permettrait un sevrage de la prednisone (83%) et une rémission à trois mois (68%) significativement supérieure au groupe placebo (59% et 35% respectivement) ; ces résultats à la fois encourageants mais étonnants nécessitent confirmation (Cortot, 1999).
Un grand nombre d'études réalisées ces dix dernières années dans la maladie de Crohn active avec différentes formes de mésalazine à des doses variées ont donné des résultats contradictoires, avec en général une efficacité moindre de la mésalazine par rapport aux glucocorticoïdes et au budésonide. Ce résultat se retrouve dans une nouvelle étude contrôlée qui confirme que l'efficacité de la mésalazine 4 g/j est inférieure au budésonide 9 mg/j après seize semaines de traitement pour l'induction d'une rémission dans la maladie de Crohn active avec atteinte iléale de sévérité moyenne ou modérée (Thomsen, 1998). Il n'y a en revanche pas de données qui démontrent que cette efficacité supérieure du budésonide confère un avantage à moyen ou long terme concernant le risque de rechute.Dans la maladie de Crohn avec une atteinte iléale ou iléo-cæcale modérée, une étude contrôlée a comparé une nouvelle préparation microgranulaire de mésalazine (4 g/j) à libération iléale à la méthylprednisolone (40 mg/j) et à la mésalazine en cp (4 g/j). La préparation microgranulaire s'est avérée aussi efficace que la méthylprednisolone et supérieure à la préparation standard de mésalazine. On peut s'étonner du taux de rémission inhabituellement élevé (73%) rapporté dans cette étude (Prantera, 1999).La mésalazine est généralement bien tolérée et à la posologie de 4 g/j reste une alternative à la corticothérapie pour une poussée inflammatoire modérée de la maladie de Crohn.
Anticorps anti TNF-a (infliximab)Le facteur de nécrose tumorale a (TNF-a), protéine pro-inflammatoire produite par les cellules immunes joue un rôle majeur dans la pathogenèse de l'inflammation chronique de la maladie de Crohn (Baert, 1999). L'augmentation de la sécrétion de TNF-a et d'interleukine 1b chez les patients en rémission est prédictive d'une récidive d'une poussée inflammatoire dans l'espace d'une année (Schreiber, 1999). Le blocage du TNF-a par des anticorps spécifiques a permis une amélioration spectaculaire dans certaines atteintes sévères de la maladie de Crohn (van Dullemen, 1995 ; Targan, 1997). L'ensemble des études publiées jusqu'ici justifient, pour une fois, un certain enthousiasme. De plus, les espoirs générés par les premières études ont été justifiés cette année par de nouveaux travaux parus, sous forme de publications ou d'abstracts. L'infliximab (Remicade ®) est un anticorps anti-TNF-a qui est administré par perfusion de 5 mg/kg en dose unique : chez des patients ayant résisté aux traitements usuels, avec une atteinte iléo-colique active, on observe une presque disparition des lésions endoscopiques et histologiques quatre semaines après le traitement (D'Haens, 1999 ; Baert, 1999). L'administration d'infliximab 5 mg/kg en trois doses sur six semaines s'est montrée significativement plus efficace que le placebo pour la fermeture de fistules entérocutanées (55% versus 13% dans le groupe placebo) (Present, 1999 ; Onken, 1999). L'administration de perfusions répétées semble permettre une rémission prolongée et une fermeture plus durable des fistules en particulier en cas d'administration concomitante d'azathioprine (ou de 6-mercaptopurine) qui semble devoir être vivement conseillée (D'Haens, 1999).L'administration de l'infliximab s'est également avérée efficace et bien tolérée chez des enfants ayant une maladie de Crohn réfractaire aux traitements standards (Baldassano, 1999).L'apparition d'une hypersensibilité retardée suite à la reperfusion d'infliximab a été considérée comme étant un problème important précédemment et a été rapportée chez 25% de patients ayant eu une reperfusion deux à quatre ans après un premier traitement. Cette hypersensibilité semble avoir été induite par le solvant utilisé initialement et ne sera, espérons-le, plus dans l'avenir un motif relativement important d'inquiétude (plus de cas rapportés chez 475 patients retraités) (Hanauer, 1999). Le retraitement par infliximab permet le maintien du bénéfice d'un premier traitement avec une faible incidence d'immunogénicité. La sécurité au long cours de traitements répétés doit toutefois encore être confirmée, car dans une étude, un cas de lymphome est rapporté (Rutgeerts, 1999).Depuis l'enregistrement accéléré de l'infliximab par la FDA aux Etats-Unis, plusieurs milliers de patients ont été traités, ce qui témoigne de l'intérêt suscité par ce traitement. Une demande d'enregistrement est en cours en Suisse et le traitement est actuellement disponible pour un usage «compassionnel». Son utilisation doit cependant être réservée aux patients non répondeurs à l'azathioprine et/ou porteurs de fistules car un certain nombre de questions ne sont pas résolues (efficacité au long cours ?, induction possible de lymphomes ?) et le prix d'une perfusion reste élevé.InterleukinesL'interleukine 11 humaine recombinante (ILhr-11) est une cytokine avec une activité thrombocytopoïétique et des effets anti-inflammatoires et protecteurs sur la muqueuse intestinale. La première étude contrôlée ayant étudié la tolérance et la sécurité de l'ILhr-11 chez des patients avec une maladie de Crohn active a montré qu'elle était bien tolérée (Sands, 1999). L'absence d'immunogénicité pourrait être un avantage par rapport à l'infliximab. D'autres études seront nécessaires pour préciser si cette molécule aura une place dans l'arsenal thérapeutique de la maladie de Crohn.
Le traitement au long cours de la maladie de Crohn par les glucocorticoïdes reste problématique en raison des nombreux effets secondaires de ce traitement. Le budésonide bien que mieux toléré ne s'avère malheureusement pas plus efficace que le placebo pour le maintien de la rémission au-delà d'une année (Ferguson, 1988).Le budésonide à 6 mg/j ne prévient pas la récidive postopératoire après résection chirurgicale en cas de sténose inflammatoire intestinale selon deux études contrôlées (Hellers, 1999 ; Ewe, 1999) ; un bénéfice modéré en ce qui con-cerne l'activité inflammatoire et le bien-être clinique est retrouvé seulement chez les patients opérés pour une activité inflammatoire sévère (Hellers, 1999). Au vu de ces résultats, l'emploi de budésonide à dose modérée chez les patients opérés ne peut être recommandé de routine.
L'efficacité de la mésalazine dans la prévention de la rechute de la maladie de Crohn a été démontrée par plusieurs études dont une méta-analyse (Camma, 1997). Malgré des résultats significatifs, l'efficacité demeure cependant en de-ça de nos attentes. Les patients qui bénéficient le plus de ce traitement sont ceux ayant une maladie de Crohn de longue durée, avec atteinte iléale et une rémission induite chirurgicalement.
Azathioprine (AZA) et 6-mercaptopurine (6-MP)L'utilisation d'AZA ou de 6-MP dans les for-mes cortico-dépendantes ou cortico-résistantes de la maladie de Crohn a considérablement augmenté ces dernières années, et ce traitement s'avère efficace et souvent bien toléré. La crainte de survenue de tumeurs induites par ce traitement s'est peu à peu estompée, bien que cette complication ait été rapportée. L'effet thérapeutique de l'AZA ne se manifeste généralement pas avant trois mois ; l'administration d'une dose de charge ne permet pas de réduire ce délai (Sandborn, 1999).Le mycophénolate mofétil (MMF), un inhibiteur de l'inosine monophosphate déshydrogénase qui supprime fortement la prolifération lymphocytaire (employé avec succès pour la prévention du rejet de greffes), pourrait être une alternative chez les patients intolérants à l'AZA ou en cas d'échec de ce traitement (Fickert, 1998). Le MMF a été comparé à l'AZA chez des patients ayant une atteinte inflammatoire modérée et forte, le MMF s'est avéré aussi efficace avec un délai d'action plus rapide chez les patients ayant une atteinte plus sévère (Neurath, 1999). Ces résultats devront être confirmés par des études contrôlées.MéthotrexateLe méthotrexate est une alternative à l'azathioprine pour les patients réfractaires aux stéroïdes (Feagan, 1995). En raison d'une absorption variable, son administration doit être intramusculaire (25 mg/semaine). L'efficacité du traitement au-delà d'un an reste incertaine.CiclosporineLa place de la ciclosporine dans la maladie de Crohn est moins bien définie que dans la colite ulcéreuse. Dans les formes péri-anales et les fistules, une rémission rapide a été rapportée dans des études non contrôlées (Lémann, 1998 ; Taylor, 1998). Une récidive rapide des symptômes après arrêt du traitement reste cependant un facteur limitant. Une étude pilote rapporte que l'addition de faibles doses de ciclosporine au traitement de méthotrexate et de prednisone chez des patients avec une maladie de Crohn réfractaire peut améliorer la qualité de vie des patients qui tolèrent cette combinaison thérapeutique (Egan, 1999).AntibiotiquesL'emploi empirique d'antibiotiques dans la maladie de Crohn a toujours suscité un intérêt et ceci malgré l'absence d'études contrôlées d'envergure. Deux nouvelles études contrôlées ont été publiées. La première a comparé la ciproflo-xacine 1 g/j avec la mésalazine 4 g/j chez 40 patients ayant une activité inflammatoire modérée. Les deux traitements ont une efficacité identique : 55% de rémission après six semaines (Colombel, 1999). Une autre étude a comparé la ciprofloxacine 1 g à un placebo pendant six mois chez 41 patients ; après un mois de traitement, le groupe sous ciprofloxacine avait une diminution significative de l'index de l'activité inflammatoire qui s'est maintenue durant les six mois (Arnold, 1999). Dans les formes de sévérité modérée, un traitement avec la ciprofloxacine peut être une alternative à la mésalazine ; la durée optimale de ce traitement n'est cependant pas déterminée.L'administration d'ornidazole semble permettre une diminution de la récidive endoscopique à un an de la maladie de Crohn après résection chirurgicale ; le taux de récidive reste néanmoins élevé ; 64% dans le groupe ornidazole et 94% dans le groupe placebo (Rutgeerts, 1999)L'absence d'efficacité d'un traitement antituberculeux a déjà été signalée précédemment (Thomas, 1998) ; une nouvelle étude contrôlée vient confirmer ces données (Goodgame, 1999).
La présence de polypes dysplasiques dans une zone de colite chronique est en principe considérée comme une indication à proposer une colectomie car la probabilité de la présence d'un carcinome sous-jacent est considérée comme très élevée. Cette attitude pourrait être réévaluée dans le futur au vu des résultats d'une équipe qui, au lieu d'un traitement chirurgical, a effectué une résection endoscopique puis un suivi endoscopique rapproché de tous les polypes dysplasiques chez 53 patients ayant une colite chronique (33 RCUH, 20 Crohn). Après un suivi moyen de trois ans, 30% des patients ont présenté de nouveaux polypes et aucun un carcinome (Rubin, 1999).Chez des patients ayant des fistules chroniques, la présence d'un carcinome débutant dans la fistule a été signalée, ce qui justifie une surveillance particulière dans cette situation (Korelitz, 1999).L'attitude concernant la surveillance régulière d'une maladie de Crohn après dix ans d'évolution reste controversée. Nos recommandations restent inchangées : pas de surveillance de routine après dix ans d'évolution comme dans la colite ulcéreuse, sauf pour des patients jeunes ayant des atteintes coliques étendues.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, une étude contrôlée ne montre aucun bénéfice évident de la psychothérapie qui n'améliore pas la prise en charge de la maladie de Crohn (Jantschek, 1998). L'exercice physique par contre est bénéfique, et même chez des patients sédentaires, une activité modérée provoque une amélioration physique et psychologique (Loudon, 1999).