Les inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole, lansoprazole, pantoprazole et rabépra-zole) restent le traitement de choix de l'sophagite peptique. La place de la chirurgie laparoscopique dans la prise en charge de l'sophagite se précise. Elle reste cependant plus chère que le traitement médical. La nature peu invasive du geste opératoire ne devrait pas modifier les indications pour la chirurgie anti-reflux, en particulier en présence de symptômes atypiques. Le traitement de l'infection à Helicobacter pylori ne doit pas être proposé de façon systématique en raison du risque d'aggraver la maladie de reflux. Les méthodes ablatives endoscopiques prometteuses telles que l'ablation thermique et la photo-thérapie dans la prise en charge de l'endobrachysophage sont encore en phase d'évaluation clinique.
A Michel Rodière qui m'a proposé cette «figure libre» pour un congrès de praticiens hospitaliers
Aux pédiatres
Dogmes et tabous en pédiatrie
* Il ou elle...
La pédiatrie est la médecine de l'enfant (qui n'est pas, première idée fausse, un adulte en réduction...), dont la demande verbale de soins est le plus souvent parentale... (et dans le pire des cas présentée par la grand-mère maternelle...). Elle est alors habituellement formulée derrière le «il ou elle, me fait... nous fait...» sous-tendant une demande d'assistance nutritionnelle, affective... voire parfois... «thérapeutique traditionnelle».
Dogmes et tabous sont alors exprimés dans cette singulière relation triangulaire pédiatrique «pour le meilleur» d'un enfant le plus souvent témoin et parfois victime.
* Sophismes en tous genres
Depuis des temps immémoriaux, médecins et autres guérisseurs ont prospéré, car ni leurs malades ni eux-mêmes n'étaient capables de distinguer clairement entre «association et relation de cause à effet». Conséquence de cette incapacité : l'expérience peut conduire à répéter les mêmes erreurs... avec de plus en plus d'assurance. Les logiciens appellent ce sophisme «post hoc ergo propter hoc » : «j'ai été malade, je suis maintenant guéri, donc le traitement que j'ai reçu a été la cause de ma guérison ».
Dans notre soif de comprendre, d'expliquer et de traiter, la tentation est grande de considérer une relation de continuité comme relation de cause à effet. En logique stricte, il n'est cependant jamais possible de prouver une relation de cause à effet à partir d'une simple association. Ainsi, à Dublin, la densité des an-tennes de télévision est nettement associée aux taux de natalité et à la mortalité infantile : la télévision n'est pas pour autant mortelle pour les nourrissons ; la densité des antennes ne fait que traduire les mauvaises conditions de logement, la surpopulation et la pauvreté qui sévissent dans cette ville.
Pourtant, n'est-ce pas dans ce type de sophisme qu'il convient d'inclure la fièvre, la bronchite et la diarrhée «dentaires». Quel nourrisson n'est pas épargné entre sept mois et un an (âge de sortie de ses premières dents) par des épisodes infectieux récidivants ? N'est-ce pas dans ce contexte d'association douteuse qu'il convient d'imaginer le pouvoir maléfique de la lune (peut-on l'empêcher de croître et de décroître dans le ciel) ou des vers, hôtes éternels au pouvoir de nuisance, ce d'autant qu'ils sont induits par la lune.... (selon le vermifuge du même nom).
C'est une spécificité de l'enfant que de grandir, mais la croissance staturale doit-elle être reliée à ces douleurs des membres inférieurs, souvent provoquées par les sollicitations musculotendineuses de son âge ou par quelques angoisses nocturnes ?
Comment surtout ne pas inclure les vaccins parmi ces sophismes, vaccins qui, dans leur calendrier rapproché chez le nourrisson, ne peuvent qu'être reliés de près ou de loin à n'importe quelle situation pathologique survenue inévitablement quelques jours plus tard... Comment ne pas évoquer aussi les antibiotiques exigés par la famille afin de réduire au plus vite une fièvre, les fortifiants dont l'efficacité sera d'autant plus nette que la période de vacances viendra conclure une période scolaire, et les immunomodulants susceptibles de réduire les infections récidivantes... «Avec le temps va...».
Le dernier né des sophismes est sans aucun doute le sophisme écologique. Il consiste à transposer à des individus des relations établies pour des populations en-tières. Il appartient à notre vigilance de reconnaître que le chemin d'une vérité normative n'est pas forcément rectiligne : «On peut être hors norme tout en étant normal ; dans la norme tout en ayant une anomalie, et il est bien sûr normal qu'il existe toujours des valeurs anormales puisqu'elles ont servi à définir des normes (Jean François Schved)». Enorme !
Autant de sophismes capables de charrier dans leurs eaux troubles dogmes et tabous perpétuellement répétés dans de tranquilles et stérilisantes certitudes... «Tout le monde le dit... et tant pis si personne ne le prouve».
* Au lit
Depuis Hippocrate, le lit, recommandé à tout adulte malade (donc fatigué), ne peut que l'être davantage en toutes circonstances pour le tout petit enfant malade, devenu pour l'occasion un adulte, non pas en réduction mais à multiplication des risques asthéniques.
Donc, au lit les rhinopharyngites, les otites, les an-gines, les hépatites virales, les éruptions fébriles ! Seuls les purpuras rhumatoïdes ont tenté une échappée.
Autour du berceau du nourrisson, mythes et tabous ont pu mener la valse des positions de couchage : à plat ventre, à plat dos, sur le côté, déclive, proclive, 30°, 40°, «à la broche». A ces indications actuellement justement médicalisées viennent s'ajouter les contraintes techniques actuelles : avec ou sans épingles (elles-mêmes avec ou sans sécurité), avec ou sans harnais ou autre système de contention dont on découvre les risques, devenus d'autant plus redoutables qu'ils sont susceptibles de devenir médico-légaux... Le dogme devenu justement dominant de la position médicalisée «dorsale» se heurte pourtant encore à son tabou complémentaire positionnel ventral lorsque le reflux gastro-sophagien s'en mêle...
* Au lait
Abandonné il y a peu encore aux nourrices, l'allaitement médicalisé a pu bénéficier de ses propres contrain-tes dogmatiques.
Refus d'un allaitement précoce estimé parfois coupable de constipation, d'indifférence au sein, voire de la mystérieuse interférence avec la perte de poids dite «physiologique». Tabous programmés vis-à-vis de laits non contrôlés, avec de lourdes menaces suggérées cardiovasculaires, digestives ou allergiques. Ainsi, derrière le modèle dogmatiquement justifié d'identification au lait maternel s'engagent des manipulations conduisant à des générations de nourrissons désodés, point trop caséinés et en quête d'acides gras essentiels... utiles au développement de leur intelligence : nouveaux dogmes lactés... pour des produits modernisés, haute sécurité, tout confort, anti-rejet, air bag et direction assistée.
* Au chaud
Les vérités s'expriment ici en termes brûlants.
Au chaud les nourrissons fébriles, même dans les pays à températures les plus élevées. Tous sont archaïquement et également surcouverts. Lutte contre les frissons, les virus, les microbes ? Moyen de faire rentrer quelques éruptions sévères ?
Fascinées par ces croyances populaires, les études récentes les plus brillantes tendent à confirmer les effets bénéfiques de la fièvre sur les stimulations immunitaires du rat impubère, du chiot anémique ou du lézard patraque...
A l'inverse, quel que soit le repère thermique, chiffré sur un thermomètre à mercure devenu récemment tabou ou par quelconque appareillage d'évaluation transtympanique (plus proche de l'hypothalamus, donc de la vérité), les prescriptions médicales antihyperthermiques restent curieusement soumises à une alternance d'indication pédiatrico-parentale de l'aspirine et du paracétamol, reléguant vers le tabou toute monothérapie, même à doses efficaces... Dans ce combat, la fièvre du nourrisson, plus soumise à l'intolérance parentale qu'à la propre intolérance de l'intéressé, finira par céder avec le temps, qui met un terme à toute «virose», et ce malgré les antibiotiques !
Croire ou ne pas croire ou bébé placebo
Lorsqu'on discute de l'effet placebo, on incrimine en général la crédibilité des malades (ici le plus souvent des parents) et on ignore souvent la façon dont les médecins risquent de s'illusionner eux-mêmes.
Ici intervient le recours à des composés plus ou moins actifs. Le prescripteur a très souvent conscience, en probabiliste, de leur faible potentiel d'efficacité. Les parents sont cependant aisément persuadés (mais est-ce un mal ?) que leur enfant reçoit un traitement approprié, et les médecins finissent alors par s'illusionner au point de croire que leurs ordonnances seront suivies d'effets spécifiques. Il en résulte une folie partagée, qui atteint les parents et le médecin et à laquelle l'enfant ne pourra guère échapper... Faut-il alors remettre en question le dogme «Plutôt croire à une absurdité thé-rapeutique que d'admettre ouvertement un échec» (Asher).
Faut-il aussi finir par admettre qu'un peu de crédibilité fait de nous de bons médecins, même si nous sommes de piètres chercheurs ? Que penser de ce pé-diatre éclairé, sincère et consciencieux qui indiquerait à la mère d'un nourrisson atteint de rhinopharyngite : «Je lui prescris un antibiotique, mais il sera sans effet car l'infection est virale ; j'ajoute un sirop contre la toux, mais sans composé actif (car toxique) à son âge, puis nous préviendrons les récidives par un immunomodulant dont l'efficacité est loin d'être prouvée...»
Il existe de toute évidence un conflit entre croire aveuglément (dogmes et tabous) et accepter son ignorance, entre la médecine considérée comme «art» ou selon les références, comme «religion», et celle évaluée comme «science».
Il convient cependant de ne pas reléguer au rang des tabous certaines attitudes apparemment irrationnelles. L'essentiel n'est-il pas de laisser les enfants et leur fa-mille en état d'impuissance face aux données de l'inconnu, dans ce chemin difficile et incertain, fait d'humilité et d'humanité, qu'est l'accompagnement des enfants.
Au nom de la médecine officielle, certains, tentés par le compromis, souhaiteraient montrer que cette antithèse n'a pas lieu d'être...
Nouveaux dogmes et tabous
* Revues en tous genres...
Les revues scientifiques comme les diffusions mé-diatiques les plus larges ont pu relayer les croyances populaires transmises par les grands-mères. Très paradoxalement le médecin, fût-il pédiatre et même pédiatre hospitalier, peut en être victime.
Les textes issus de ces revues, ayant l'aval d'un comité de lecture réputé sérieux, sont autant de certitudes susceptibles d'être acceptées avec confiance. Les vérités ainsi émises acquièrent un statut d'idées reçues d'autant plus intangibles que leur expression est anglaise. Les méta-analyses confortent davantage encore ces dogmes d'aujourd'hui, dussent-ils instituer dans leurs conclusions l'incertitude comme dogmatique. Ainsi, à propos des bronchiolites aiguës du nourrisson, s'en tenir aux données de la littérature, fût-elle américaine, pourrait, face à l'absence de paramètres fiables d'évaluation, permettre de conclure à l'inefficacité de toute thérapeutique et conduire beaucoup de nourrissons atteints en situation pré-réanimatoire.
Ces publications ont cependant l'autorité qui accorde les points (dogme : «impact point») susceptibles de faire nommer les futurs professeurs pédiatriques, sélectionnés pour accomplir leur mission prioritaire de re-cherche (seule digne de reconnaissance pour certains de leurs pairs), accessoirement d'enseignement (motivation non obligatoire) ou de soins (expérience et qualités en relation humaine selon cartographie du gène).
Entre Pasteur et Mère Thérésa, il conviendra au pédiatre de demain, héritier ou non des dogmes de ses aînés, de conserver l'écoute et l'humilité dont ceux-ci, avant «l'adversité», n'avaient pas eu l'idée de demander reconnaissance.
Aux revues scientifiques il convient moins sérieusement d'associer les diffusions médiatiques très porteuses à l'audimat. Le journal télévisé de 20 heures n'est-il pas actuellement le meilleur mode de comptage instantané et précis des méningites hivernales ?
Les revues à large diffusion concernant les parents «à propos des enfants», si ce n'est les enfants «à propos des parents», expriment à longueur de colonnes des conclusions définitives soulignant les contours les plus fins du développement très psychologique et très affectif de nos nourrissons et de leurs parents devenus soudain très vulnérables. «A aucun moment, les moyens d'acquisition et de diffusion des connaissances médicales, notamment pédiatriques, n'ont été plus variés ou multiples qu'aujourd'hui... et cependant, injuste (?) paradoxe, le degré d'estime et de respect dans lequel la profession médicale est tenue par les membres les mieux informés de la société et par le public dans son en-semble, n'a jamais été plus bas qu'aujourd'hui» (Black).
* CLIN
Le CLIN (Comité de lutte contre l'infection nosocomiale) est la phase ascendante du déclin. Le Directeur général de l'Assistance publique a rappelé lors de ses vux à ses administrés une mission première : «Lavez-vous les mains...». L'hôpital tue ; les mains propres sauvent.
N'était-il pas aussi écrit autrefois, sur les berceaux des nourrissons endormis, cette recommandation redoutable : «Ne m'embrassez pas». L'hygiène est maintenant modernisée aux couleurs Mac Donald. Les tabous sont l'hôpital et la crèche.
A l'hôpital, en entrant dans la chambre, «papa, maman, grand-père, grand-mère, chef de clinique, interne, étudiant, infirmière, aide soignante, kinésithérapeute», retiennent les grandes règles de la Loi : «masque, tu mettras, blouse tu porteras, mains tu laveras». En sortant de la chambre, les intervenants précédents mettront en application (s'ils ont pu les mémoriser) ces grands commandements appliqués en sens inverse : «blouse tu retireras, masque tu jetteras, mains tu laveras, porte tu fermeras»
Et pourtant l'accueil des consultations de certaines urgences pédiatriques médicales ne constitue-t-il pas un foyer «incontournable» de contaminations nosocomiales turbulentes ? Les épidémies hivernales ne contribuent-elles pas à l'infection nosocomiale virale, programmée dans tous services d'hospitalisation ?
Les crèches (y a-t-il vraiment toujours alternative ?) sont devenues le nouveau foyer des contaminations sociales nécessaires... Ne pourrait-on pas répliquer à ce nouvel et injuste interdit («il faut fermer les crèches») : «mais où va-t-on mettre les parents ?».
* Consensus
Le dogme actuellement le plus mature est indiscutablement celui des conférences de consensus.
Qui peut davantage transmettre les dernières lois de la sagesse que ces conférences issues de comités d'organisation, de coordinateurs, d'experts et de jurés, tous estimables et riches d'expériences, qui pourront assurer «un inventaire des données scientifiques éventuellement disponibles et proposer des conduites thérapeutiques rationnelles».
Il y a malheureusement parfois, depuis les salles de conférence jusqu'à la chambre de l'enfant, un certain nombre de données susceptibles d'être ignorées par les partenaires «réciproques». Imaginons la plainte d'une famille d'un nourrisson rebelle d'un rhinopharynx en-flammé à son pédiatre discipliné :
Docteur, il mouche purulent. L'antibiotique...
Impossible, le consensus a dit : «rhinorrhée purulente n'est pas surinfection, et peut être guérison».
Mais il tousse la nuit.
Le consensus a dit : toux nocturne veut dire «écoulement postérieur des sécrétions».
Il a de la fièvre à plus de 38,9° !
Le consensus admet qu'elle puisse dépasser 38°C, sans signifier pour autant une complication.
Il n'a pas d'appétit.
Refus du biberon n'est pas sévérité.
Il lui prend des douleurs dans le ventre comme des coliques (Molière). Il vomit quelquefois.
Reflux gastro-sophagien : voir consensus approprié.
Alors les parents implorant :
Au bout de combien de temps, s'il vous plaît, le consensus de la rhinopharyngite nous permettra l'antibiotique ?
Et le pédiatre reprendra citant les saintes références :
«Le septicisme est le bistouri qui libère la vérité des tissus morts que sont les croyances injustifiées et les désirs pris pour des réalités». A nous d'assurer la vigilance qui nous permettra de ne pas croire forcément et totalement aux nouveaux dieux (Sélection, Evaluation, Restructuration...) s'ils sont aveugles dans leurs commandements.
Le scientifique, s'il est guidé par son éthique, sait dire ce qu'il sait, en donnant aux incertitudes leur juste place.
L'avenir dira si, dans notre système de santé actuel, le patient n'aura pas à souffrir de l'emprise de l'économique sur l'éthique, du réglementaire sur le déontologique, de la précaution sur la responsabilité.
L'homme est naturellement dogmatique, le doute n'est pas naturellement à sa portée et il ne lui est pas facile d'abandonner facilement ce qu'il avait coutume de considérer comme assuré.
Le pédiatre généraliste est un «spécialiste de l'écoute». Face à tous ces périls, il est temps de l'écouter à son tour, sans dogmes ni tabous, en lui étant reconnaissant du temps qu'il a toujours su donner avec humilité, avec humanité et peut être encore avec confiance. W