En 1942, aux Pays-Bas, Wilhem Kolff traitait avec succès la première patiente atteinte d'insuffisance rénale aiguë par un système de dialyse extra-corporelle. Aucune commission d'éthique aujourd'hui n'accepterait les conditions de l'époque : pas d'expérimentation animale préalable et seule la 18e patiente a survécu, probablement malgré la dia-lyse...En 1953, durant la guerre de Corée, des soldats américains atteints de nécrose tubulaire aiguë ont été les premiers à être traités de routine par cette même technique.Dès 1960, grâce à l'invention du shunt artério-veineux par Scribner, il fut possible d'envisager ce traitement pour des patients atteints d'une insuffisance rénale chronique. L'hémodialyse chronique était lancée.Au cours des trente années suivantes, le traitement de l'insuffisance rénale terminale s'est développé de manière progressive et harmonieuse. Une intégration entre hémodialyse, dialyse péritonéale et transplantation rénale s'estmise en place à travers le monde occidental. Les progrès technologiques, pharmacologiques et une meilleure connaissance de la physiopathologie ont permis d'obtenir une réhabilitation maximale de ces patients.Toutefois, le constat que l'on doit faire aujourd'hui est accablant (cf. p. 416). L'incidence et la prévalence de l'insuffisance rénale terminale ne se stabilisent pas mais continuent à croî-tre dans l'ensemble des pays occidentaux alors que la réhabilitation obtenue ne cesse au contraire de diminuer du fait des différents facteurs de co-morbidité associés à l'insuffisance rénale chez la majorité des patients. Plus de la moitié des patients traités dans certains centres de dialyse sont atteints d'une néphropathie diabéti-que de type II. Ces patients qui jusqu'à présent décédaient de complications cardiovasculaires avant le développement d'une urémie, peuvent grâce à une meilleure prévention et traitement de leurs complications car-diovasculaires, arriver au stade de l'insuffisance rénale termi-nale. Toutefois à ce moment, les facteurs de co-morbidité associés rendent leur réhabilitation souvent illusoire.A partir de ce constat, quelles mesures mettre en place ? Une meilleure prévention des maladies rénales s'impose. A titre d'exem-ple, une étude récente fai-te dans notre division a permis de montrer que l'interdiction de la vente libre de phénacétine, il y a vingt ans, a abouti à une nette régression de la néphropathie par abus d'anal-gésiques. La réinstitution des critères de sélection plus stricts quant à la prise en charge en dialyse chroni-que n'est pas aujourd'hui socialement ou éthiquement défendable. Il faut dès lors viser à mettre en place les mesures thérapeutiques qui permettent d'offrir la meilleure réhabilitation possible, tout en limitant le coût pour la société. Dans ce contexte, le développement de la dialyse péritonéale, en particulier sous la forme d'une dialyse péritonéale automatisée nocturne apparaît comme la voie immédiate la plus prometteuse. En attendant qu'une transplantation rénale, sans limitation en ce qui concerne le donneur, plus sûre en ce qui con-cerne le patient et avec de meilleurs résultats à long terme en ce qui con-cerne le greffon, ne vienne diminuer drastiquement la problématique actuelle.Ce numéro de Médecine et Hygiène consacré à la néphrologie estdédié à la mémoire du Pr Hervé Favre.La néphrologie romande est en deuil. Le décès du Pr Hervé Favre nous a tous profondément marqués.Au cours d'une carrière brillante, il avait réussi de manière exemplaire à combiner activité clinique et académique : clinicien clair et précis, directeur d'un laboratoire de recherche néphrologique de haut niveau, enseignant reconnu, président de la Commission d'éthique du Département de médecine, président du Conseil de l'Université de Genève puis de son Conseil académique, autant de jalons qui témoignent des qualités exceptionnelles d'Hervé Favre.Fin octobre 1999 à Porrentruy, à l'occasion de la Rencontre annuelle des centres romands de dialyse, Hervé et moi avions encore programmé une série de projets communs. A la sortie de la réunion, il a été terrassé par une maladie aiguë qui devait l'emporter quatre semaines plus tard.Avec le Dr Pierre-Yves Martin, nommé médecin-chef ad interim de la Division de néphrologie de Genève, nous mettons en pratique plusieurs projets initiés avec Hervé Favre : des colloques communs réguliers, des échanges de chefs de clinique, des programmes de formation et des étu-des scientifiques communs. Tout se fait et se fera dans l'esprit qu'Hervé Favre avait voulu y définir.Le fait que tous les néphrologues romands étaient présents à Genève ce triste vendredi de fin novembre, témoigne de l'estime et de l'amitié qu'Hervé Favre avait unanimement acquise parmi ses collègues.Que son épouse Isabelle et ses trois enfants trouvent ici encore la marque de notre sympathie.