Les infections respiratoires constituent la complication la plus fréquemment observée dans la dilatation des bronches. Elles conditionnent le pronostic. La prise en charge anti-infectieuse des dilatations des bronches fait appel à une antibiothérapie qui peut être prophylactique ou réservée aux phases d'exacerbation, en exigeant, surtout dans les formes sévères, une documentation microbiologique sur les produits d'expectoration. Les infections à Pseudomonas aeruginosa peuvent relever des mêmes stratégies ou de cures trimestrielles systématiques, qui n'ont pas été encore validées dans cette indication, contrairement à la mucoviscidose. L'antibiothérapie doit être associée à un drainage des sécrétions bronchiques. Quant au contrôle de l'inflammation locale, il nourrit beaucoup d'espoirs.
Les infections respiratoires constituent la complication la plus fréquemment observée dans la dilatation des bronches. Leur caractère récurrent conduit même à les intégrer dans le tableau de cette affection. Elles conditionnent en partie le pronostic qui a été amélioré au fil des décennies grâce aux vaccinations et aux progrès de l'antibiothérapie.
Quel que soit l'agresseur initial de la muqueuse bronchique, les bronchectasies sont la conséquence de phénomènes essentiellement locaux. L'altération de la muqueuse bronchique est suivie d'une colonisation bactérienne et d'une réponse inflammatoire de l'hôte responsables de dommages tissulaires, d'une ciliostase et de l'accumulation de sécrétions purulentes. Le cercle vicieux de Cole1 est ainsi constitué.
La colonisation bactérienne survient sur des bronches préalablement altérées en particulier par des infections quelles soient bactériennes ou virales, éventuellement favorisées par un terrain particulier (génétique, immunitaire, etc.).2 Différentes substances (LPS, etc.) sécrétées par les bactéries peuvent altérer les défenses locales et favoriser la prolifération bactérienne.
Le relargage de facteurs chimiotactiques va favoriser le recrutement de polynucléaires neutrophiles au sein des voies aériennes. Ces polynucléaires vont avoir une action délétère en raison de la libération de protéases dont l'élastase neutrophilique3,4qui, en l'absence de neutralisation, en particulier par l'alpha-1-antitrypsine, ont une action néfaste sur les défenses locales favorisant ainsi la multiplication bactérienne. Ces protéases ainsi que les toxines bactériennes aggravent l'altération préexistante de la clairance mucociliaire, observée au cours des bronchectasies. Cette altération explique la rétention des sécrétions, l'encombrement et l'obstruction des voies aériennes.
Les germes les plus fréquemment rencontrés au cours de la dilatation des bron-ches sont par ordre décroissant Haemophilus influenzae, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus et Streptococcus pneumoniae. Ces bactéries cohabitent avec l'hôte, en s'adaptant aux conditions locales, ce qui nécessite quelquefois l'acquisition de nouvelles propriétés comme Pseudomonas aeruginosa qui peut se recouvrir d'une substance polysaccharidique (acide alginique) le protégeant des moyens de défense mis en jeu par l'hôte : ce sont les souches mucoïdes.
Parmi les autres agents infectieux citons Mycobacterium tuberculosis et les mycobactéries atypiques. L'infection à Mycobacterium avium intracellularedoit être suspectée devant l'association de bronchectasies et de nodules multiples au sein du même lobe.
Contrairement aux sujets sains, les voies aériennes sous-glottiques des patients atteints de bronchectasies ne sont pas stériles. La connaissance des germes par l'analyse cyto-bactériologique de l'expectoration est importante lors des phases d'exacerbation guidant ainsi l'antibiothérapie, mais aussi lors du suivi du patient afin de ne pas passer à coté du premier contact avec certains germes qui modifient le pronostic des patients qui en sont porteurs, en particulier l'agent Pseudomonas aeruginosa.
Les arguments biologiques développés par Cole démontrent qu'une activité chimiotactique élevée pour les polynucléaires circulants est observée dans les bronchectasies. Ce constat est maintenant bien établi.5 L'idée qu'une antibiothérapie au long cours permette de limiter la charge bactérienne et de ce fait le recrutement de polynucléaires avec leur charge élastasique est séduisante. Des traitements intermittents6 (3 g d'amoxicilline deux fois par semaine) permettent de réduire la concentration non seulement des souches d'H. influenzae mais aussi à un moin-dre degré de souches habituellement résistantes telles que P. aeruginosa. En même temps, une diminution de la purulence des expectorations est observée, ce qui suggère une diminution de la réponse inflammatoire de l'hôte en regard de la charge microbienne. Néanmoins, si une antibiothérapie prolongée permet de réduire la purulence des expectorations, leur charge bactérienne et l'activité élastasique, il n'a pas été démontré d'effet favorable en terme d'amélioration des paramètres fonctionnels respiratoires.7 L'impact en terme de morbidité ou de mortalité varie selon les auteurs.8De plus, la plupart des études n'ont pas été comparatives contre placebo, en double aveugle sur de longues périodes. Enfin, un traitement préventif peut faire craindre pour l'écologie bactérienne et l'acquisition de résistance.
Il repose autant que possible sur la connaissance du germe en cause et de sa sensibilité aux antibiotiques. En effet, en dehors de P. aeruginosa sur lequel nous reviendrons, il apparaît opportun de recourir autant que possible à des antibiotiques simples, dont la diffusion au sein des voies aériennes est bonne, la tolérance excellente et le coût faible. La fréquence des souches d'H. influenzae et la possibilité qu'elles puissent être sécrétrices de b-lactamases justifie l'examen cytobactériologique des expectorations afin de ne pas induire de traitement de longue durée, inefficace ou au contraire de traitement coûteux alors que la souche traitée est sensible à une simple amoxi-cilline.
Ceci ne dispense pas bien évidemment d'un excellent drainage bronchique qui est, au long cours, certainement la clé du traitement. En ef-fet, il est vraisemblable que les infections bronchi-ques sont très largement favorisées par la présence de sécrétions abondantes qui en font le lit. Il est possible d'y associer des bronchodilatateurs et des fluidifiants bronchiques.
Le rôle des macrolides n'est pas encore clair. Ils agissent certainement par une action anti-inflammatoire et non pas antibiotique. Leur efficacité à faible dose sur la fonction respiratoire et le volume d'expectoration, sur une courte période, semble démontrée mais des études prospectives sont encore nécessaires afin de préciser leur place dans cette indication au long cours.9
L'atteinte respiratoire de la mucoviscidose réalise un tableau de dilatation des bron-ches. Chez ces patients, la précocité de la colonisation à Pseudomonas aeruginosa constitue un facteur de mauvais pronostic.10 Ceci amène à en proposer une détection précoce dans l'espoir de retarder la dégradation des paramètres fonctionnels respiratoires.
L'intérêt d'un traitement antibiotique spécifique anti-pseudomonas sur les paramètres fonctionnels respiratoires par rapport à un traitement standard à base d'aérosols broncho-dilatateurs et de kinésithérapie respiratoire de drainage a été montré dès 1990.11
Certains auteurs, notamment scandinaves, qui considèrent que les signes d'exacerbation sont tardifs et que la diminution de la charge bactérienne ralentit la progression de la maladie, ont mis en place une stratégie thérapeutique utilisant des cures trimestrielles d'antibiothérapie anti-pseudomonas. Ces cures d'une durée de quatorze jours, ont permis d'améliorer significativement les paramètres respiratoires de ces patients avec un retour à l'état antérieur qui dure plusieurs semaines après la fin de la cure.12 Dans le même temps le taux de mortalité a chuté de façon significative, l'amélioration étant liée aux nouvelles modalités de l'antibiothérapie mais aussi aux progrès de la prise en charge globale de ces patients. Ce constat est à l'origine de l'utilisation de traitements itératifs trimestriels par certaines équipes.
En ce qui concerne la dilatation des bronches, non consécutive à une mucoviscidose, peu de travaux ont étudié l'impact de la colonisation à Pseudomonas aeruginosa sur la fonction respiratoire et le pronostic. Des études transversales ont permis de constater que les patients porteurs de Pseudomonas aeruginosa ont un profil clinique et radiologique plus sévère que les malades non colonisés.13,14 Ils sont aussi plus âgés. De plus, le fait d'être colonisé va être associé à une dégradation plus rapide de la fonction respiratoire.14 Il serait tentant de transposer les stratégies utilisées en matière de mucoviscidose dans le cadre plus large des dilatations des bronches colonisées à Pseudomonas aeruginosa. Cependant, l'effet sur la fonction respiratoire d'une telle stratégie n'a pas été évalué chez ces patients. Le choix est donc actuellement libre, faute d'argument scientifique incontestable entre le traitement des exacerbations, le maintien d'une charge antibactérienne par des aérosols ou le recours systématique à des cures trimestrielles.
Dans tous les cas, le traitement doit faire ap-pel à une association qui doit être rapidement bactéricide en raison du haut niveau de résistance naturelle et acquise. Les bêtalactamines, les aminosides, les fluoroquinolones représentent les grandes classes utilisées.
Le contrôle des infections dans les bronchectasies impose l'adaptation de l'antibiothérapie à l'écologie bactérienne du moment pour chaque patient, surtout dans les formes évoluées. Cependant, l'antibiothérapie ne constitue qu'un des aspects de la prise en charge anti-infectieuse. En effet, l'accumulation des sécrétions, qui favorise la colonisation bactérienne et une réaction inflammatoire intense, justifie un drainage bronchique quotidien. Quant aux phénomènes inflammatoires, les progrès observés dans leur compréhension nourrissent des espoirs légitimes pour la prise en charge de cette affection restée longtemps orpheline.