Internet devient une source d'information majeure mais son utilité pour le médecin n'a pas encore été formellement démontrée. Sa principale faiblesse est l'extrême variabilité de la qualité de l'information disponible. Différentes méthodes sont proposées pour évaluer la qualité des sites Web. En attendant un standard uniformément admis,le médecin doit rester critique envers toute information provenant d'Internet. Il devra choisir avec soin les sites par lesquels il fera ses recherches afin d'obtenir des informations utiles et valides. En parallèle à Medline, les moteurs de recherche médicaux seront certainement les sites les plus utiles.
Si Internet est indéniablement un phénomène de mode, son utilité pour le médecin n'a pas encore été formellement démontrée. Pour les uns, Internet ressemble plus à une conversation de cocktail qu'à un outil d'information ou de décision médicale.1 Pour les autres, c'est la source d'information du futur.2
Mais comment juger une source d'information aussi hétérogène, qui produit le meilleur comme le pire, qui propose à la fois l'accès à des bases de données d'Evidence-based medicine3 et à des sites de pur charlatanisme ?4
Le problème se pose également pour le médecin qui se retrouve confronté à des «cyber-patients» qui arrivent en consultation avec des informations d'inégales valeurs glanées au hasard de leurs ballades sur Internet.
Pour être utile au médecin, une source d'information doit associer rapidité, utilité et validité. Internet peut être une source d'information rapide et ceci est particulièrement important pour le médecin qui n'a toujours que peu de temps au sein de sa consultation pour rechercher une information. Il faut pour accélérer l'accès à l'information disposer en premier lieu d'une connexion de qualité. Cet aspect technique, bien qu'essentiel, ne sera pas abordé dans cet article. Les informations présentes sur le site de l'Association suisse des internautes devraient permettre à chacun de choisir le type de connexion le plus adapté à ses besoins. Il est vrai qu'actuellement la lenteur du réseau est encore un obstacle à la recherche d'information. Mis à part cet aspect technique, la nature électronique d'Internet en fait une source d'information potentiellement extrêmement rapide.
Pour répondre à la question de l'utilité et de la validité d'Internet, ou de son interface graphique le World Wide Web (le Web), on doit évaluer la qualité de l'information disponible. Le Web devient une source d'information majeure mais son utilité est encore inconnue.5Parmi ses qualités potentielles, on peut citer l'accès à des informations régulièrement mises à jour et à des informations présentes uniquement sur le réseau, le prix relativement bas de l'accès à toutes ces informations et la possibilité d'y accéder au travers d'un seul outil. Mais ce qui était déjà vrai avant Internet le devient plus encore avec ce nouveau média : la difficulté pour le médecin est moins l'accès à l'information que de retrouver dans cette masse sans cesse croissante l'information qui lui sera utile pour mieux soigner son patient. Connaître le Web et être capable de l'utiliser avec efficacité sont deux choses distinctes.
La principale faiblesse du Web est l'extrême variabilité de la qualité de l'information disponible.6 L'information peut être d'excellente qualité, elle peut aussi être mensongère, promotionnelle ou simplement incomplète.
I Le Web regorge de sites médicaux mensongers. Le site Quackwatch les répertorie et permet de découvrir ces sites miracles : un site sur le traitement de l'infection VIH y est notamment présenté. On y apprend que le VIH est dû à un ver, qu'il est possible grâce à des herbes ou à l'utilisation d'une batterie 9 volts de type SyncroZap d'éliminer le virus et de devenir ainsi VIH négatif en six semaines. L'auteur du site a été condamné.
I L'exemple type d'un site promotionnel est un site soutenu par une entreprise pharmaceutique. Un tel site devrait toujours informer l'internaute de ce soutien et du caractère promotionnel de son contenu.
I Les sites incomplets (mais sur lesquels l'information publiée l'a été en toute bonne foi) peuvent être illustrés par le travail d'un groupe italien.7 Les auteurs ont évalué la pertinence des informations destinées au grand public pour la prise en charge à domicile des enfants fébriles. A l'aide de deux moteurs de recherche, ils ont retrouvé quarante et un sites traitant du sujet et ont évalué leur pertinence. Seuls quatre sites donnaient une information complète et précise. Un travail plus récent à la recherche d'information sur l'incontinence urinaire est cependant arrivé à des résultats plus rassurants, l'information retrouvée a été qualifiée d'excellente même si les performances des différents moteurs de recherche utilisés variaient.5
Plusieurs méthodes sont actuellement proposées pour évaluer la qualité des sites médicaux :6 attribution d'un label, calcul d'un score ou filtrage de l'information par un logiciel.
I Le label médical de qualité le plus connu est certainement celui de la fondation Health on the Net. Sa charte est composée de huit principes qu'un site doit respecter s'il veut pouvoir arborer le logo de la fondation. Cette charte demande notamment que toute information soit donnée uniquement par du personnel spécialisé du domaine médical et que la source des données diffusées soit explicitement présentée.
I Un site peut également être évalué par le calcul d'un score, des points étant attribués à la crédibilité du site, à son contenu, à la qualité de ses liens, à son design et à son interactivité. Le site de l'Health Information Technology Institute permet à chaque internaute de calculer en ligne le score d'un site donné. Il devrait permettre au médecin de démontrer à son patient que la qualité de l'information dont il dispose n'est pas toujours à la hauteur de ses espoirs.
I La dernière méthode actuellement proposée dérive des systèmes de filtrage empêchant les mineurs d'accéder à des sites pornographiques et consiste en un filtrage automatique de l'information par un logiciel.8
Le médecin doit systématiquement évaluer et critiquer les sources d'information qu'il utilise.9 Ce qui est vrai pour les sources d'information traditionnelles, notamment pour les journaux médicaux, l'est encore plus pour le Web où aucun système de revue par les pairs n'existe. En attendant qu'un standard de qualité soit internationalement reconnu,6 le médecin doit donc absolument garder un regard critique envers toute information publiée sur le Web. Tout site sur lequel ne figurera pas au minimum le nom de l'auteur et ses éventuelles affiliations, les références des informations publiées ainsi que les dates de publications et de mises à jour, devra être considéré a priori comme suspect.1
Le médecin qui utilise le Web comme source d'information peut utiliser différents types de sites. Mais rechercher une information sur Internet suppose de savoir très précisément ce que l'on cherche et avec quel outil on va effectuer sa recherche.10Différentes approches, qui vont être décrites brièvement, sont possibles.
En pratique, 85% des internautes utilisent un moteur de recherche pour localiser une information.11 Le plus souvent, ce sont des moteurs de recherche généraux, Altavista, HotBot et Google en sont des exemples. Les sites indexés par ces moteurs de recherche généraux le sont automatiquement par des «robots» informatiques qui indexent ainsi des millions de pages. Une requête par un moteur de recherche général aboutit donc souvent à un très grand nombre de réponses, de qualité variée. A l'utilisateur ensuite de les évaluer. Mais les performances de ces outils sont limitées : les meilleurs d'entre eux ne couvriraient que 16% du Web.11Qui plus est, il ne sera fait aucune distinction entre une information destinée au grand public ou aux professionnels de la santé. Les résultats d'une recherche sur un sujet donné risquent donc d'être à la fois peu sensibles et peu spécifiques. Une recherche par Altavista pour «hypertension» retrouve plus de 170 000 pa-ges. Bien qu'impressionnants de puissance et de rapidité, ces moteurs de recherche généraux, qui indexent plus de 100 millions de pages et effectuent leurs recherches en quelques secondes, seront plutôt utilisés par le médecin pour des recherches non médicales...
En utilisant un annuaire médical, le médecin pourra avoir accès à des informations de meilleure qualité, cliniquement uti-les.12 L'indexation des sites pour ces annuaires est le plus souvent faite manuellement par des professionnels de la santé ou de la documentation. Les sites retenus sont évalués et décrits. L'annuaire de l'Université anglaise de Nottingham, OMNI, indexe par exemple environ cinq mille documents : une infime fraction des cent millions de sites recensés par un moteur de recherche général. Une recherche dans OMNI pour «hypertension» retrouve 19 sites : parmi ces documents, plusieurs journaux médicaux traitant d'hypertension et dont les articles sont disponibles en version intégrale ainsi que le sixième rapport sur la prévention, la détection, l'évaluation et le traitement de l'hypertension artérielle publié par le National Heart, Lung, and Blood Institute US.13 Des documents de qualité. Corollaire de cette spécificité des recherches, certaines requêtes ne retrouvent aucun document : une recherche pour «hypotension» n'aboutit par exemple à aucun résultat. Medical matrix, le site de l'Association américaine d'informatique médicale, est également un site que tout médecin devrait connaître (fig. 1). Un enregistrement (gratuit) est nécessaire lors de la première connexion. Treize documents sont retrouvés pour «hypertension» chacun est décrit et évalué par un système d'étoiles, évaluation qui va de une à cinq étoiles. Pour l'hypertension, Medical matrix propose un seul document quatre étoiles : un excellent guideline de l'US Agency for healthcare policy and research.14 Il existe encore d'autres annuaires médicaux, chacun ayant ses spécificités. Cliniweb, le site de l'Université d'Oregon, a par exemple la particularité de réaliser une indexation extrêmement précise en indexant sur un site les pages Web individuellement. En français, outre le site déjà mentionné de la Fondation Health on the Net,il faut connaître le catalogue des sites médicaux francophones du CHU de Rouen. Ce site, d'une extrême richesse, est certainement le meilleur site médical francophone. Chaque annuaire a sa propre structure et sa propre syntaxe de recherche, particularismes que le médecin devra comprendre s'il veut pouvoir utiliser ces outils avec efficacité. Mais le moteur de recherche choisi dépendra à chaque fois de la nature de la question et du type d'information recherchée.
Le médecin peut également ne pas passer par un moteur de recherche et se connecter directement à un site. Le site le plus utile est certainement celui de la gigantesque base de données bibliographiques de la US National Library of Medicine. Medline avec ses 10 millions de citations est disponible gratuitement depuis juin 1997 en deux versions différentes : PubMed (fig. 2) et Internet Grateful Med. Le mode d'emploi de PubMed est disponible en français sur le site du CHU de Rouen. Sa lecture permettra au médecin de découvrir les fonctions de recherche avancées qu'offre PubMed. Outre l'utilisation bien connue des opérateurs logiques (AND, OR, NOT), il découvrira la puissance des outils disponibles sur ce site. Le MeSH Browser permet de préciser son sujet de recherche. Le module Clinical Queries facilite les recherches pour les questions se rapportant aux traitements, aux diagnostics, aux étiologies et aux pronostics. Enfin, le module de recherche avancée Advanced search permet par étapes successives des recherches extrêmement pointues. Une nouvelle version de PubMed est en préparation. Elle devrait être, avec son unique module de recherche, d'une utilisation simplifiée.
Internet Grateful Med donne accès à la même base de données Medline que PubMed. Sa particularité est de donner accès à d'autres bases de données de la National Library of Medicine (Aidsline, Aidsdrugs, Toxline,etc.). L'interface de recherche d'Internet Grateful Med est différente de celle de PubMed et propose par défaut l'utilisation de plusieurs mots-clés, des opérateurs logiques et des clés de recherche.
Le médecin peut également utiliser com-me sources d'information les sites des journaux médicaux. Les journaux présents sur le Web offrent des contenus variables. Des moteurs de recherche sont souvent présents sur ces sites et permettent ainsi facilement de localiser les articles traitant du sujet recherché. La situation la plus fréquente peut être illustrée par le site de Médecine et Hygiène. A noter que l'on retrouve sur la page d'accueil le logo de la fondation Health on the Net. La sélection de «dernier numéro» permet de découvrir le sommaire et les résumés des articles. La sélection du titre «Revue Médecine et Hygiène» aboutit sur un moteur de recherche grâce auquel il sera facile de localiser les numéros traitant du sujet recherché. A l'image de l'ACP Journal Club, certaines revues proposent dans chaque numéro l'accès intégral à une sélection d'articles. Le New England Journal of Medicine propose quant à lui un accès intégral aux médecins abonnés à sa version papier. Le British Medical Journal est le plus innovateur. Il ne propose rien de moins que son contenu intégral. Les grands journaux dans lesquels le BMJ voulait annoncer son accès gratuit ont refusé de passer sa publicité, quel que soit le prix payé...15Enfin, le médecin intéressé par l'Internet médical pourra consulter l'excellente rubrique Internet de la Revue du praticien Médecine générale.
Au fil de ses navigations, le médecin va découvrir des sites de qualité sur lesquels il pourra ensuite se connecter directement. Chacun créera ainsi son propre carnet d'adresses, en fonction de ses besoins et de ses intérêts, constitué des sites sur lesquels il ira chercher les informations dont il a besoin. Un médecin intéressé par la médecine fondée sur les preuves se connectera inévitablement sur le site du Center for Evidence-based medicine et sur le site de la collaboration Cochrane. L'infectiologue trouvera son bonheur sur le site du Centers for Diseases Control and Prevention. Le site du CDC propose des informations et des recommandations pour les voyages à l'étranger ainsi que des résumés con-cernant les maladies chroniques et le sida. Des livres sont également disponibles sur le Web : le Manuel Merck, ou pour la médecine préventive l'excellent Guide to Clinical Preventive Services, en sont deux exemples. Le médecin souhaitant trouver un guideline pourra directement se connecter sur le site de la National Guideline Clearinghouse où d'innombrables guidelines sont répertoriés. Avec le mot-clé «hypertension», ce site retrouve 112 guidelines liés à l'hypertension.
Il existe ainsi des centaines de sites de qualité. La difficulté est de les trouver. Le plus souvent, ces sites sont ceux d'institutions déjà réputées en dehors d'Internet et qui mettent leur contenu gratuitement à disposition.
Mais attention aux abus. L'utilisation excessive d'Internet est susceptible d'engendrer une dépendance. Cette mise en garde émane de l'Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies. Des expériences réalisées en Allemagne ont incité la clinique psychiatrique universitaire de Munich à ouvrir un service ambulatoire pour les personnes dépendantes d'Internet.16Les toxicomanes du réseau peuvent consulter le site Web de la clinique tout en débutant une psychothérapie par courrier électronique...
Même si l'utilité d'Internet n'a pas encore été formellement démontrée, force est de constater que le Web est une source d'information d'une grande richesse. Sa principale faiblesse est la qualité extrêmement variable de son contenu. Un appel a été récemment lancé à l'Internet Health Coalition pour que soient rapidement établis des standards de qualité pour l'information électronique, à l'image de ce qui a été fait pour les journaux médicaux par le Comité international des rédacteurs de revues médicales.17 En attendant ces standards de qualité, le médecin doit rester critique envers toute information provenant du Web.
L'utilisation d'Internet n'est pas facile et le médecin devra consacrer du temps s'il veut se familiariser avec cette nouvelle source d'information. Il devra apprendre à connaître les différents types de sites existants, découvrir leur contenu et leur fonctionnement. Le cyber-médecin devra se familiariser avec au minimum un moteur de recherche général, deux ou trois annuaires médicaux et une version de Medline. A partir de ces sites, chacun créera sa propre liste de sites favoris, liste qui s'enrichira au fil de ses navigations. Ainsi Internet deviendra peut-être pour le médecin une source d'information rapide, utile et valide.