Cette brève synthèse résume la place croissante de la ventilation non invasive (VNI) dans l'arsenal de la pneumologie. Elle permet, en effet, de prendre en charge de manière plus précoce les patients, au sortir des unités de soins intensifs, lors d'une insuffisance respiratoire aiguë et, par ailleurs, peut dans certains cas, éviter une intuba-tion ou une trachéotomie.La VNI voit, en outre, développer ses indications dans des situations ambulatoires chroniques, après éducation dans l'unité de pneumologie.Les limites et les contre-indica-tions de la technique seront également brièvement évoquées.
La ventilation non invasive (VNI) est une technique de plus en plus utilisée en pratique clinique pneumologique. L'assistance ventilatoire permet, d'une part, de majorer la ventilation alvéolaire et, d'autre part, de mettre au repos les muscles respiratoires, réduisant ainsi le travail ventilatoire. Elle améliore dès lors les échanges respiratoires. La méta- analyse de Keenan1montre que son utilisation dans l'insuffisance respiratoire aiguë diminue de manière significative le recours à l'intubation endotrachéale et réduit la mortalité. Contrairement à la ventilation conventionnelle, cette approche préserve la parole, la salivation, la toux, l'humidification physiologique de l'air, n'induit pas de traumatisme trachéolaryngé et n'interfère pas avec l'escalateur mucociliaire, réduisant le risque d'infection des voies respiratoires basses. En pneumologie, la VNI a été appliquée avec succès tant dans les insuffisances respiratoires aiguës que chroniques. Dans le présent article, nous nous proposons de passer en revue les principales études qui ont évalué et validé la place de la ventilation non invasive dans ces pathologies respiratoires. Cependant, nous n'aborderons pas ici la place de la VNI dans le cadre des syndromes d'apnée du sommeil.
L'aide respiratoire non invasive s'administre via un masque nasal ou facial. On distingue deux modes d'administration ventilatoire. Le premier, appelé mode volumétrique, consiste à administrer un volume d'air défini en faisant varier les pressions d'insufflation en fonction des résistances de l'arbre trachéobronchique. Le second, appelé mode barométrique, consiste à apporter un soutien de pression défini dans le but d'augmenter le volume courant.
Le mode volumétrique est toutefois de tolérance plus délicate en raison des pressions inspiratoires élevées qu'il nécessite et des fuites qu'il engendre. La VNI en mode barométrique délivre une pression positive dont le niveau au cours du cycle respiratoire peut être constant (Pression positive constante (PPC) correspondant au terme anglophone «Continous Positive Airway Pressure ou CPAP») ou synchronisé sur les deux phases inspiratoire et expiratoire (Pression positive à deux niveaux de pressions (PPDP équivalant au terme «Bilevel Positive Airway Pression ou BIPAP»).
La PPDP fournit un débit continu de pression positive ajusté sur le cycle respiratoire propre du patient : pression positive élevée à l'inspiration (12 à 20 cm d'H2O), pression positive moindre à la phase expiratoire (0 à 6 cm d'H2O). Elle respecte donc la fréquence respiratoire spontanée.
Dans les détresses respiratoires aiguës d'origine intrathoracique, la VNI améliore, dès lors, les échanges respiratoires en restaurant la ventilation alvéolaire et en diminuant l'effet «shunt». L'apport de la VNI dans les pathologies restrictives chroniques s'explique par la mise au repos intermittente de muscles respiratoires chroniquement fatigués, par l'amélioration de la compliance thoracique et par la réexpansion de micro-atélectasies. Enfin, en prévenant l'hypoventilation alvéolaire nocturne, la VNI maintient la sensibilité du centre ventilatoire à l'hypercapnie. Une VNI de deux heures par jour améliore la sensation de dyspnée alors que quatre à six heures d'application quotidienne sont nécessaires pour améliorer les échanges respiratoires.
La décompensation respiratoire hypercapnique du patient BPCO représente, à ce jour, l'indication la mieux validée de la VNI. En comparaison des sujets traités conventionnellement, Kramer et coll. rapportent une réduction du nombre d'intubation de 67% à 9% chez les patients bénéficiant d'une PPDP.2 Une diminution de la fréquence des complications (16 versus 48%), du recours à la ventilation invasive (26 versus 74%), de la durée d'hospitalisation (23 versus 35 jours) et de la mortalité (9 versus 29%) chez les sujets sous PPDP par rapport aux sujets bénéficiant d'un traitement conventionnel est également retrouvée par Brochart et coll.3 La VNI est d'autant plus efficace qu'elle est débutée précocement4 et qu'elle est appliquée chez des patients peu hypercapniques.5 Il demeure impérieux de suivre l'état clinique et, en particulier, de s'assurer de l'amélioration de l'encéphalopathie hypercapnique dans les trente minutes suivant l'initiation de la VNI afin d'y substituer la ventilation mécanique si nécessaire.
La place de la VNI dans l'insuffisance respiratoire aiguë hypoxique cardiogénique reste débattue.6 Si la PPC comparée au traitement médical standard réduit le recours à l'intubation, améliore l'oxygénation et réduit l'hypercapnie sans réduction significative de mortalité, la PPDP n'a jamais été comparée au traitement standard. Par comparaison à la PPC, Mehta et coll. ont constaté que PPDP apportait une amélioration clinique plus rapide.7 Néanmoins, la PPDP a été associée à un risque accru d'infarctus du myocarde (71% versus 31%).7 L'absence de réponse d'une détresse respiratoire aiguë hypoxique cardiogénique à la PPDP, de même que la survenue de précordialgies ou d'une chute de pression artérielle, impose la mise au ventilateur pour une ventilation mécanique classique. Dès lors, dans l'état actuel des connaissances, la PPC est le mode ventilatoire de choix dans la détresse cardiogénique.
La décompensation respiratoire hypoxique non cardiogénique demeure un autre champ d'application potentielle de la VNI. Wysocki et coll. rapportent une réduction du nombre d'intubation, de la durée de séjour en réanimation, et une tendance à la réduction de mortalité sous VNI, et ce d'autant plus qu'une hypercapnie est présente.8 Par contre, Antonelli et coll.9 n'observent pas de bénéfice significatif en terme de mortalité.
L'état de mal asthmatique est une indication possible de la VNI parallèlement au traitement médical optimal. Meduri et coll. rapportent dans une étude non randomisée, que, dans cette urgence respiratoire, la VNI est bien tolérée, améliore la gazométrie sanguine, et aboutit à une amélioration clinique chez quinze patients sur dix-sept.10 Des études supplémentaires contrôlées sont encore nécessaires pour préciser la place de la VNI dans l'asthme grave en situation d'urgence.
La VNI peut être proposée en relais précoce à la ventilation mécanique après 72 heures de ventilation invasive chez le patient BPCO intubé pour une insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique, stable, non sevrable.11 Ce relais par la VNI augmente le nombre de sevrages de la ventilation mécanique, réduit la survenue des infections nosocomiales, réduit la durée du sevrage, et diminue la mortalité à soixante jours. De même, la VNI réduit les réintubations dans les détresses respiratoires hypercapniques survenant dans les 72 premières heures post-extubation.11
L'atteinte des muscles respiratoires est fréquente dans nombreuses pathologies restrictives, en particulier dans les maladies neuromusculaires et les pathologies de la paroi thoraciques, où elle aboutit in fine à une insuffisance respiratoire chronique, cause du décès. La VNI est fréquemment utilisée dans l'insuffisance respiratoire restrictive chronique et en améliore la qualité de vie ainsi que la survie.12,13 Elle réduit le risque de complications pulmonaires, le nombre d'hospitalisations et diffère la nécessité de recourir à une trachéotomie.14 La VNI s'indique également dans les apnées du sommeil.
L'hypoventilation alvéolaire des syndromes restrictifs est une indication de VNI.
Sur le plan symptomatique, l'hypoventilation alvéolaire doit être évoquée devant la progression de la dyspnée et/ou la constatation de symptômes tels que adynamie, somnolence diurne, troubles du sommeil, troubles de la phonation, céphalées matinales et sécheresse buccale. L'apparition de phénomènes pneumoniques et atélectasiques récurrents doit également évoquer la possibilité d'une nécessité d'aide ventilatoire. Les signes cliniques pouvant rester discrets, la mesure systématique de la capacité vitale (CV) reste le meilleur moyen de déceler la progression d'une restriction fonctionnelle et d'évaluer le handicap respiratoire. A titre d'exemple, une valeur de CV inférieure à 20% des valeurs prédites est la plupart du temps associée à une hypercapnie.
L'indication formelle d'une VNI en présence d'un syndrome restrictif peut alors être posée devant une hypercapnie (PaCO2 > 45 mmHg) objectivée par une gazométrie artérielle et/ou des épisodes de désaturation de l'hémoglobine en oxygène par étude oxymétrique (SaO2 15
Une fois mise en place, la ventilation non invasive devra être évaluée régulièrement sur base d'une analyse fonctionnelle respiratoire, gazométrique et symptomatique.
La ventilation non invasive apporte une contribution thérapeutique importante dans le traitement au long cours des hypoventilations alvéolaires chroniques dont les étiologies sont reprises dans le tableau 1.13
Dans la décompensation ventriculaire gauche associée à des troubles du sommeil (respiration de Cheyne-Stoke, apnée centrale, syndrome d'apnées obstructives), la PPC nocturne réduit la fréquence d'apnée, améliore l'oxygénation nocturne et diminue l'activité sympathique.16
La VNI doit s'inscrire dans un arsenal thérapeutique incluant le traitement médical conventionnel, de la revalidation respiratoire et la ventilation mécanique invasive.
Dès lors, il convient d'en connaître les limites. Elle ne protège pas les voies respiratoires d'éventuelles inhalations et elle assèche les voies respiratoires si elle n'est pas couplée à une humidification de l'air. Elle peut induire une distension gastrique ainsi que des complications locales telles que conjonctivite ou escarre de l'arête nasale. Les contre-indications à une VNI sont reprises dans le tableau 2. Comme l'efficacité de la VNI n'est pas toujours certaine, le recours à l'intubation endotrachéale avec ventilation invasive reste une possibilité qu'il faut toujours avoir à l'esprit lorqu'on assure la surveillance clinique d'un patient sous VNI.
La VNI en mode barométrique est un traitement efficace de l'insuffisance respiratoire aiguë, hypercapnique ou non, en réduisant le recours à l'intubation endotrachéale et les complications qu'elle engendre et en améliorant la survie. Elle améliore la dyspnée, la qualité de vie, le sommeil et l'hématose de patients souffrant d'insuffisance respiratoire chronique secondaire à des pathologies restrictives neuromusculaires et pariétales. Bien que ceci reste à démontrer dans des études d'économie de la santé, l'approche thérapeutique de la VNI permet probablement d'éviter des hospitalisations répétées chez certains patients et ainsi de réduire la charge financière associée à ce type d'insuffisance respiratoire chronique.