L'actualité en matière de politique de la santé a été marquée durant cette année 2000 par un certain nombre de projets ayant comme objectif une importante restriction de la liberté en pratique médicale. La possibilité pour une assurance de ne plus rembourser les services de certains médecins, la restriction de la liberté d'installation en pratique privée font partie de ces propositions.Ces projets ont soulevé un vent de révolte, en partie aussi parce que le délai d'application proposé était très court. Cependant, si le choc qui en a résulté était possiblement souhaité par nos politiciens, cette secousse de la conscience pourrait-elle amener à une réflexion approfondie, et déboucher sur des propositions plus appropriées pour une régulation en douceur, consensuelle et efficace de l'offre médicale en Suisse ?Le moment paraît donc propice pour que les différents acteurs impliqués, y compris le citoyen consommateur de prestations médicales, puissent mieux s'entendre pour définir clairement ce que chacun attend de l'autre et ce que chaque partenaire peut et veut bien apporter à une cause commune.Quels pourraient être les remèdes pour diminuer ou prévenir un engorgement encore plus marqué de la médecine privée en cabinet ?Premièrement, le numerus clausus, bien sûr, qui permettrait de diminuer le nombre de médecins diplômés chaque année. Cependant, une des conséquences directes pourrait être des difficultés encore plus importantes pour trouver des médecins assistants en milieu hospitalier. Il est nécessaire de rappeler que seulement 70 à 80% de ces postes peuvent actuellement être pourvus par les facultés de médecine de ce pays.Et dans certains hôpitaux et cliniques, plus de 50% des assistants doivent être recrutés en dehors de nos frontières. Ces collègues étrangers sont indispensables à la bonne marche de nos hôpitaux, mais ils s'ajoutent quelques années plus tard à la pléthore de candidats désirant s'installer en cabinet privé...Deuxièmement, la création de davantage de postes de cliniciens stables dans les hôpitaux a été évoquée depuis un certain temps déjà, car c'est une mesure agissant à la fois à l'encontre de la pénurie de médecins hospitaliers et freinant aussi les nouvelles installations. Cette alternative a semble-t-il le soutien d'un bon nombre des principaux intéressés, y compris les médecins assistants et les chefs de clinique. D'un autre côté, elle a déjà provoqué quelques calculs des coûts supplémentaires pour les hôpitaux, estimés à environ 3% du budget hospitalier par un grand établissement zurichois. Trois pour cent, cela peut sembler beaucoup ou très peu, selon le côté où l'on se place.Et du côté de la médecine hospitalière, quels avantages pourra représenter la création de postes stables dans les spécialités uniquement représentées à l'hôpital ?En médecine intensive par exemple, un modèle de «praticien hospitalier» existe déjà dans certains pays européens, tels la France, la Belgique et, outre-Atlantique,le Canada et les Etats-Unis, et il comporte toute une série d'avantages. Cette fonction apporte plus de professionnalisme au bénéfice des patients, elle contribue à prévenir la pénurie marquée de personnel infirmier dans ce domaine, et finalement ces praticiens peuvent remplacer un certain nombre d'assistants en formation post-graduée, prévenant du même coup la formation d'un trop grand nombre de spécialistes.Pour préparer l'introduction de ces praticiens hospitaliers, un bon nombre de questions doivent être éclaircies rapidement :1. Ce modèle est-il réalisable et vivable pour les cliniciens dans le contexte actuel du nombre d'heures de travail effectives ?2. Quels modèles de travail à temps partiel sont envisageables pour ces médecins ? Ce point me paraît essentiel, dans le sens d'une évolution vers une interaction plus soutenue entre médecine hospitalière et médecine de cabinet, interaction qui pourrait offrir beaucoup d'avantages des deux côtés.3. La féminisation actuelle de la profession médicale pourrait-elle aider à introduire de nouveaux modèles de plans de carrière ? Relevons ici que pour l'année universitaire 2000, 64% des étudiants inscrits pour les études de médecine en Suisse sont des femmes !En conclusion, le monde médical s'est opposé efficacement aux projets fédéraux de l'an 2000. Maintenant, ne serait-il pas indiqué d'investir toutes nos forces dans la prévention de la prochaine attaque allergisante, par exemple par un programme basé sur un minimum de consensus et quelques bonnes idées, en tenant compte de tous les maillons de la chaîne de formation et de la carrière professionnelle du médecin ?