Au cours des deux dernières décennies, la chirurgie ouverte des lithiases du haut appareil urinaire a été progressivement remplacée par des techniques moins invasives et la lithotritie extracorporelle (LEC) est devenue le traitement de choix pour la plupart des calculs, notamment en raison de son aspect mini-invasif. Cependant, son efficacité peut être limitée lorsque le calcul est gros, lorsqu'il est situé dans les calices inférieurs du rein ou encore lorsque la voie urinaire basse est obstruée. Dans ces cas, la chirurgie endoscopique (néphrolithotomie percutanée, urétéroscopie) peut apporter une solution plus efficace, et conserve donc une place importante dans le traitement des calculs du haut appareil urinaire. De nos jours, l'urologue peut proposer au patient plusieurs options thérapeutiques de qualité. Ensemble, ils peuvent choisir le traitement qui va concilier les impératifs d'efficacité avec une morbidité acceptable.
Au cours des deux dernières décennies, la chirurgie ouverte des lithiases du haut appareil urinaire a été progressivement remplacée par des techniques moins invasives telles la lithotritie extracorporelle (LEC), la néphrolithotomie percutanée (NLPC), l'urétéroscopie (URS) et la chirurgie laparoscopique.1-5
La lithotritie extracorporelle (LEC) apparue il y a quinze ans est devenue le traitement de choix pour la plupart des calculs car elle est mini-invasive. Cependant, son efficacité peut être limitée en présence d'un gros calcul, d'une lithiase du pôle inférieur du rein ou d'une obstruction de la voie urinaire basse.4,6,7 Comme l'élimination du calcul après LEC n'est généralement pas immédiate, des fragments résiduels peuvent compliquer l'évolution clinique après la lithotritie extracorporelle et nécessiter des traitements additionnels.4,8
L'objectif principal d'un traitement reste l'élimination totale du calcul. Dans certaines situations, les techniques endoscopiques peuvent offrir de meilleurs résultats. Ces techniques sont un peu plus invasives, mais les progrès technologiques de ces dernières années ont permis à la chirurgie endoscopique d'améliorer considérablement son taux de succès tout en diminuant sa morbidité. Dans cette revue, nous rappellons les différentes techniques endoscopiques et discutons de leurs indications pour le traitement des lithiases du haut appareil urinaire.
La technique de la néphrolithotomie percutanée a été développée vers la fin des années 1970.5 Elle est effectuée sous anesthésie générale ou péridurale. Dans un premier temps, l'uretère est cathétérisé avec une sonde urétérale permettant l'opacification des cavités pyélo-calicielles au moyen de produit de contraste. Le rein est ponctionné directement à travers la paroi de la région lombaire sous contrôle radiologique ou échographique avec le patient en position ventrale (diminution du risque de lésion des organes abdominaux). La ponction rénale se fait à travers un calice postérieur ce qui permet d'éviter une lésion des gros vaisseaux rénaux (fig. 1). Le site de ponction est choisi en fonction de la configuration du système caliciel et de la localisation du calcul. L'objectif du chirurgien est d'accéder de la manière la plus directe aux calculs. Après la ponction, le trajet est dilaté au moyen d'un ballonnet ou d'une série de dilatateurs permettant ainsi de créer un canal de travail cutanéo-caliciel suffisament grand pour des instruments endoscopiques (fig. 2). Plusieurs sources énergétiques peuvent être utilisées pour fragmenter un calcul : le lithotriteur à ultrasons, le laser ou le lithotriteur à percussion. Les fragments sont extraits au moyen de pinces ou de paniers d'extraction. En fin d'intervention, le rein est drainé avec une néphrostomie qui assurera l'écoulement de l'urine pendant la phase postopératoire.
Le taux de succès de la NLPC est élevé et permet d'extraire totalement et immédiatement la plupart des calculs (90-100%), même s'ils sont de grande taille. La principale complication est l'hémorragie qui nécessite des transfusions dans 5% des cas. De très rares lésions de la rate, du foie ou des intestins ont également été rapportées. Dans la plupart des cas, elles peuvent être traitées conservativement. Les contre-indications à la chirurgie percutanée sont les troubles de l'hémostase non corrigibles, les malformations vasculaires intrarénales et les hypertensions artérielles élevées mal contrôlées.9
L'urétéroscopie semi-rigide est devenue dans le courant des années 1980 un geste de pratique courante en endo-urologie. Elle s'est avérée être un traitement efficace pour les lithiases de l'uretère distal. Son efficacité est moindre pour les lithiases de l'uretère proximal avec des taux de succès de 50% à 60%.10,11 Ces dernières années, on a développé de nouveaux endoscopes flexibles et miniaturisés (diamètres de 7,5 Ch, soit 2,8 mm). Ces endoscopes possèdent un système de flexion active qui permet de diriger l'urétéroscope et d'accéder sélectivement aux différents calices.12,13 La vision à travers ces endoscopes est d'excellente qualité, ce qui permet avec une certaine pratique de s'orienter aisément et d'identifier les calculs (fig. 3). Le chirurgien peut fragmenter un calcul en introduisant une fibre laser à travers un canal de travail. Les petits calculs ou fragments peuvent être extraits au moyen de pinces et de paniers d'extraction ce qui peut être techniquement difficile. Pour cela, l'urétéroscopie flexible est généralement limitée aux calculs de moins de 15 mm. L'accès rétrograde est particulièrement difficile lorsque les tiges calicielles sont longues et étroites.
La LEC peut s'avérer inefficace dans les situations suivantes : échec de centrage du calcul (généralement en raison de l'obésité du patient), ondes de choc insuffisamment puissantes, calcul urétéral dont les fragments restent prisonniers de l'dème muqueux périlithiasique. Chez ces patients, il est courant d'extraire le calcul en recourant à la chirurgie endoscopique (tableau 1). La néphrolithotomie percutanée (NLPC) ainsi que l'urétéroscopie (URS) présentent chacune des avantages et des inconvénients (tableau 2). La NLPC permet l'extraction rapide de grandes lithiases. Bien que plus invasive, elle est très efficace pour traiter les calculs inaccessibles par l'uretère. Ces dernières années, l'urétéroscopie flexible a connu un intérêt grandissant. Elle permet d'accéder à l'ensemble des cavités rénales sans léser le parenchyme et d'atteindre des calices antérieurs difficilement accessibles par néphrolithotomie percutanée. Cependant, la relative fragilité de ces endoscopes limite leur utilisation et, actuellement, l'industrie s'efforce d'améliorer la durabilité et la qualité optique de ces instruments.13,14
La figure 4 présente le cas d'un patient paraplégique pris en charge dans notre institution où seule l'urétéroscopie flexible a permis de traiter efficacement une lithiase. Ce patient souffrait d'un calcul de 20 mm situé au pôle inférieur du rein droit. Celui-ci était compliqué par une infection urinaire résistant à tout traitement antibiotique. Deux séances de LEC se sont soldées par un échec et une NLPC n'a pas permis l'accès au calcul. En outre, une chirurgie ouverte était contre-indiquée chez ce patient paraplégique qui présentait une faiblesse de la paroi abdominale. Le calcul a été aisément atteint par un urétéroscope flexible (fig. 3A), puis fragmenté au laser Holmium. Les fragments ont été retirés dans leur totalité au moyen d'un panier d'extraction (fig. 4). Par la suite, le patient est redevenu asymptomatique avec des urines non infectées.
Les calculs pyéliques de moins de 15 mm sont une excellente indication pour une LEC.4 Par contre, le traitement des calculs mesurant entre 15 et 30 mm est controversé, ce d'autant que certaines lithiases tels la cystine ou le calcium monohydrate sont difficiles à fragmenter aux moyens de la lithotritie extracorporelle.15 De façon générale, on peut proposer aussi bien la lithotritie extracorporelle que la néphrolithotomie percutanée comme premier choix thérapeutique, mais en présence de calculs de cystine ou de calcium monohydrate une intervention endoscopique est souvent l'option préférable.16-17 La décision thérapeutique doit être prise après avoir informé le patient que la NLPC offre un taux de succès élevé avec un seul traitement au prix d'une morbidité plus élevée que la LEC. Quant aux calculs de plus de 3 cm, ils sont généralement mieux traités par un geste endoscopique.9
Le calcul coralliforme occupe une place à part dans la chirurgie de la lithiase rénale. Un calcul coralliforme est défini comme une lithiase qui moule l'ensemble des cavités pyéliques et calicielles. En raison de la difficulté d'éliminer les fragments, la monothérapie par lithotritie extracorporelle de ces calculs ne dépasse pas des taux de succès de 50%.16 Pour cela, un groupe de spécialistes reconnus (Nephrolithiasis Clinical Guidelines Panel) a proposé de traiter ces calculs en combinant la NLPC avec la LEC. Ce type de traitement a procuré de meilleurs résultats avec un taux de succès de 90%.3
Les calculs coralliformes doivent être traités agressivement même en l'absence de symptômes, car leur morbidité potentielle est non négligeable. Sous surveillance simple, on observe progressivement une perte de la fonction rénale avec un taux élevé de sepsis et une mortalité à long terme de 28%.2 Récemment, l'urétéroscopie flexible a été suggérée comme alternative thérapeutique pour les calculs coralliformes partiels et non infectés.12 Un taux de succès de 90% avec un taux de complication de seulement 6% sont rapportés. La néphrolithotomie percutanée reste toutefois le traitement de référence pour ces lithiases, mais l'urétéroscopie flexible peut apporter une solution pour des patients avec une contre-indication à une ponction percutanée.
Pour les calculs du pôle inférieur, le taux de succès d'un traitement par LEC diminue proportionnellement à la taille du calcul (tableau 3). Des douleurs, une obstruction localisée, une infection urinaire, une hématurie ainsi qu'une augmentation de la taille du calcul sont des indications thérapeutiques confirmées.4,6 Le risque pour un calcul asymptomatique de devenir symptomatique est de 10% par an, mais si la taille du calcul dépasse 10 mm, 50% des patients deviennent symptomatiques sur deux ans.18 Par conséquent, si le patient ne présente aucun risque anesthésique, il est préférable de lui proposer un traitement.
Le taux de succès de chaque type de traitement en fonction de la taille du calcul est résumé au tableau 3.4,6,12 Pour les calculs de moins de 10 mm et dans une certaine mesure pour les calculs de moins de 20 mm, la lithotritie extracorporelle est le traitement de choix. Trois facteurs anatomiques influencent défavorablement le succès d'une lithotritie extracorporelle en limitant l'élimination des fragments lithiasiques :7 1) un angle entre la tige calicielle et l'axe du bassinet
A l'instar des calculs pyéliques, les calculs caliciels de plus de 2-3 cm sont traités optimalement par une néphrolithotomie percutanée.9 Grasso a rapporté une efficacité considérable de l'urétéroscopie flexible (tableau 3) pour ces calculs du pôle inférieur du rein.12 Le proche avenir nous dira si ce traitement peut remplacer la NLPC. Il faut noter à nouveau que des facteurs anatomiques, telle une tige calicielle longue (> 3 cm) et étroite (< 5 mm), limitent fortement cette technique.
Les patients présentant une reconstruction de la voie urinaire basse (néovessie iléale, urétéro-iléostomie selon Bricker) ou une obstruction de l'uretère distal (stricture de l'uretère, obstruction pelvienne extrinsèque) posent un problème thérapeutique. Le passage des fragments après lithotritie extracorporelle peut être fortement compromis ce qui limite son utilisation à des calculs de moins de 15 mm. De plus, l'identification endoscopique rétrograde de l'uretère peut être particulièrement difficile chez ces patients limitant l'indication pour une urétéroscopie. Pour des calculs de plus de 15 mm, la NLPC reste le traitement de référence.
Un diverticule caliciel est une cavité kystique non sécrétoire qui communique avec le reste du système excréteur par un canal étroit. L'origine de cette pathologie n'est pas connue et les diverticules peuvent être acquis ou congénitaux. Leur incidence est faible avec un taux de moins de 1% sur des urographies intraveineuses de routine.19 Chez les adultes, ils sont généralement associés à des douleurs et à des calculs à l'intérieur du diverticule. La présentation clinique peut inclure l'infection urinaire et/ou l'hématurie.
L'indication pour un traitement est clairement réservée aux seuls diverticules symptomatiques. La lithotritie extracorporelle ne résout pas la pathologie anatomique sous-jacente ce qui limite son efficacité ; par ailleurs, l'élimination spontanée des fragments lithiasiques est rare. La NLPC est le meilleur traitement car elle élimine la pathologie sous-jacente et présente un taux de succès élevé et une morbidité faible. Le diverticule est ponctionné, soit par voie directe ou indirecte (fig. 2). Après fragmentation et extraction du calcul, sa surface urothéliale est cautérisée. Le canal communiquant avec le système collecteur est dilaté puis drainé par une néphrostomie pendant sept jours. Avec cette technique, 95% des calculs diverticulaires peuvent être traités.20 Les diverticules antérieurs sont difficiles à ponctionner par voie percutanée en raison de leur position anatomique. Dans ces cas, une approche percutanée indirecte ou par urétéropyéloscopie est une alternative acceptable.
La plupart des calculs enclavés dans l'uretère proximal sont d'abord traités par la lithotritie extracorporelle. En cas d'échec, la néphrolithotomie percutanée (fig. 5) permet d'extraire le calcul avec un taux de succès > 95%.21 L'urétéroscopie rétrograde peut être tentée, mais comporte un risque élevé de perforation urétérale.22 L'extraction du calcul par chirurgie laparoscopique ou ouverte reste une alternative.
La cystinurie est une affection congénitale se manifestant par des lithiases récidivantes. Généralement, ces calculs de cystine peuvent être traités par la lithotritie, si leur taille ne dépasse pas 15 mm.17,23 En cas d'échec ou de calculs de plus de 15 mm, une néphrolithotomie percutanée est fréquemment effectuée.
L'urétéroscopie semi-rigide ou flexible est une alternative thérapeutique intéressante car peu invasive. Ces patients doivent fréquemment subir des interventions en raison des nombreuses récidives de leurs lithiases. Ce traitement permet de fragmenter le calcul tout en préservant le parenchyme rénal.
Le choix du traitement des calculs dans des reins transplantés est déterminé par leur taille.24 Pour les lithiases de moins de 15 mm, un traitement par lithotritie extracorporelle est généralement proposé ; les calculs de plus de 15 mm sont préférentiellement retirés par NLPC. La difficulté d'identifier dans la vessie l'uretère réimplanté laisse peu de place à l'urétéroscopie.
Les reins pelviens sont difficiles à traiter de façon endoscopique en raison de leur position anatomique. Une approche percutanée a été décrite avec une ponction rénale sous contrôle laparoscopique afin d'éviter une lésion d'un organe abdominal.25 Ces patients restent des candidats pour une chirurgie ouverte.
Les reins polykystiques présentent un risque 5 à 10 fois plus élevé de lithiases. Le traitement est identique à celui pratiqué pour des reins normaux ; il est déterminé par la taille et la localisation du calcul.26
La lithotritie extracorporelle est le traitement principal des calculs du haut appareil urinaire. Cependant, en présence d'une masse lithiasique importante, d'anomalies anatomiques de la voie urinaire ou d'une lithiase du pôle inférieur, son succès thérapeutique est limité.
Dans ces cas, la chirurgie endoscopique peut apporter de meilleures solutions et conserve une place importante dans le traitement des calculs du haut appareil urinaire. Le progrès technologique de ces dernières années a non seulement amélioré l'efficacité de l'endo-urologie du haut appareil urinaire, mais aussi diminué sa morbidité.
De nos jours, l'urologue peut proposer au patient plusieurs options thérapeutiques. Ensemble, ils peuvent choisir le traitement convenant le mieux au patient en termes d'efficacité et de morbidité. Dans l'avenir, les progrès technologiques devraient encore améliorer l'efficacité de ces traitements et diminuer leur morbidité.