Nous entrons aujourd'hui dans l'hiver. Les terres de France sont gorgées d'eau et le froid tarde étrangement à venir. Philippe Duneton, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a annoncé hier parmi de nouvelles mesures, visant à prévenir le risque de transmission par voie sanguine de l'agent de la vache folle, l'exclusion du don du sang des personnes ayant séjourné plus d'un an dans les Iles britanniques entre 1980 et 1996. Pour l'Afssaps, il s'agit là d'une «mesure de protection extrême» demandée par quelques-uns des experts français des maladies à prions. «Certains membres du groupe d'experts ont souhaité que l'attention des pouvoirs publics soit attirée sur le fait qu'au plan individuel un séjour prolongé dans les Iles britanniques entre 1980 et 1996 se traduit par un niveau de risque significativement supérieur à celui de la population générale française et que l'exclusion de ces donneurs devrait être proposée» peut-on lire dans le rapport rédigé par les seize experts réunis sous l'égide de l'Afssaps.
Sur la base de l'hypothèse selon laquelle la population française a été vingt fois moins exposée au risque de contamination que la population britannique, le scénario a priori le plus pessimiste estime à un sur 120 000 la proportion des dons infectieux. Dans ce cadre, les experts ont estimé qu'un séjour de six mois en Grande-Bretagne pouvait se traduire par un risque multiplié par 1,5. Ce facteur passait à 2,1 pour un séjour d'un an, à 4,3 pour un séjour de trois ans et à 12,2 pour un séjour de dix ans. L'exclusion du don du sang pour les personnes ayant séjourné en Grande-Bretagne entre 1980 et 1996 est déjà en vigueur depuis plus d'un an aux Etats-Unis et au Canada ainsi qu'en Australie, en Allemagne et en Suisse. L'Afssaps adressera bientôt une information aux prescripteurs sur la nouvelle évaluation du risque de transmission de l'agent de la vMCJ par les produits sanguins. «Cette information, précise M. Duneton, soulignera l'importance du strict respect des indications de ces produits pour une prise en charge médicale adaptée à la situation de chaque patient.»
Pendant ce temps, on observe depuis quelques jours une multiplication de manifestations de protestations d'un genre nouveau. Ainsi, dans le département du Maine-et-Loire, ont-ils manifesté toute une nuit protestant contre la crise de la vache folle qui touche les activités de l'élevage bovin. «Plusieurs petits groupes d'agriculteurs se sont rendus devant les perceptions de dix agglomérations du Maine-et-Loire, notamment à Chemillé, Tiercé, Candé, Fort-en-Vallée. A chaque fois, ils ont allumé des feux avec des palettes et des pneus, sans causer de dégâts aux bâtiments publics, rapportent les médias. Les agriculteurs ont en outre bloqué deux trains sur la ligne SNCF Angers-Nantes, à la hauteur de Savennières, à 15 km au sud-ouest d'Angers, en faisant brûler un pneu près de la voie, peu avant 1 h 00 du matin jeudi, ont précisé les gendarmes.» La veille, quarante à cinquante éleveurs ont bloqué une journée entière l'entrée principale de la préfecture d'Aurillac (Cantal), dans le sas de laquelle ils ont installé un veau. A Vesoul (Haute-Saône), environ 150 agriculteurs, selon les gendarmes (300 selon les manifestants) ont recouvert de lisier les façades de la Direction départementale de l'agriculture. Les manifestants, escortés par une dizaine de tracteurs, ont également investi la cour de la préfecture, incendiant des bottes de paille et un amas de pneus afin de «mettre la pression sur les autorités publiques».
A Callac, dans les Côtes-d'Armor, un colis suspect portant l'inscription «ESB» vient d'être découvert devant la perception de Callac. Le colis a été repéré par un passant qui a immédiatement alerté la gendarmerie. Un périmètre de sécurité a été mis en place autour des locaux de la perception, et une équipe de déminage est attendue sur les lieux. «On pense qu'il n'y a rien à l'intérieur, mais on fait comme s'il y avait une bombe», a indiqué un gendarme de Callac. A quelques centaines de kilomètres de là, une quarantaine d'éleveurs entraient dans un restaurant de la chaîne Buffalo Grill, près d'Angers, pour y contrôler l'origine des viandes dans les réfrigérateurs. Les éleveurs ont affirmé avoir trouvé dans le restaurant «des viandes d'Amérique du sud, sans autre précision et sans connaissance ni des pays d'origine d'engraissement ni d'abattage». Le responsable de l'établissement s'est engagé selon eux à n'utiliser désormais que des viandes d'origine française. «Nous ne pouvons toutefois changer en un jour la carte de nos 200 restaurants en France, a expliqué le responsable régional de la chaîne, Eric Magnette. Depuis le 15 décembre, tous nos steaks hachés, steaks tartare et carpaccio, sont de viande charolaise. A partir du 15 janvier, nous étendrons nos cartes à des produits issus de cette viande-là.» Buffalo Grill, leader français des restaurants de viande grillée, avait décidé en novembre de bannir de ses menus les côtes de buf et les T-bones. Aucun gendarme n'était sur les lieux.J.-Y. Nau