Un antigène nouvellement identifié, qui s'exprime au moment où Plasmodium falciparum, l'agent infectieux de la malaria, atteint le foie, protège les chimpanzés contre des expositions successives à de nombreux sporozoïtes de P. falciparum (Lancet 2000 ; 356 : 1660). «Cela permet d'établir qu'une seule molécule bien choisie peut protéger contre l'ensemble du spectre de souches qui induisent la malaria», commente Pierre Druilhe, de l'Institut Pasteur, à Paris, qui dirige l'équipe qui a publié cette étude.
L'auteur principal de cette étude, Pierre Daubersies, ainsi que Druilhe et leurs collègues, ont identifié l'antigène LSA-3 (pour liver-stage-antigen-3) puis révélé une induction de la protection dans onze expositions sur quatorze chez huit chimpanzés sur neuf immunisés avec LSA-3 ; une protection complète dans sept cas sur quatorze (Nat Med 2000 ; 6 : 1258-63).
Selon Druilhe, les antigènes qui sont exprimés au moment où P. falciparum en est au stade du foie sont cruciaux pour protéger de la malaria, tandis que les molécules exprimées au stade sporozoïte, telles que la protéine circumsporozoïte, seraient moins importantes. Le groupe prévoit maintenant de passer à des essais cliniques sur l'homme mais Druilhe rapporte que ces essais nécessiteront des vaccins reconnus «Good manufacturing practice» (GMP). Or, ces vaccins «sont difficiles à réaliser en Europe du fait du mauvais financement de la recherche sur des vaccins contre la malaria», explique Druilhe. Récemment, la création de l'initiative européenne pour un vaccin contre la malaria (European Malaria Vaccine Initiative - EMVI) a tout de même permis de réunir de l'argent. Le groupe de l'Institut Pasteur compte ainsi utiliser des financements limités de l'EMVI pour produire de longs peptides synthétiques labélisés GMP à partir de la région la plus cruciale de LSA-3. Les essais cliniques sont prévus pour le printemps 2001.
Stephen Hoffman, qui dirige le programme Malaria du centre de recherche médicale de la marine, à Silver Spring, aux Etats-Unis, admet que ces résultats sont prometteurs, mais «nous n'en sommes qu'au début de la caractérisation de cette molécule importante», nuance-t-il. Il reconnaît la possibilité de développer un vaccin avec des LSA-3 comme composant unique, mais cette molécule pourrait aussi être incluse dans un vaccin à multiples composants. Il y a deux ans, le groupe de Druilhe a transmis le gène qui code pour LSA-3 à l'équipe américaine qui a inclus un vaccin LSA-3 dans un vaccin à cinq gènes MuStDO-5. Ce vaccin à cinq gènes a fait l'objet d'essais cliniques en août 2000. «Nous fabriquons maintenant une version améliorée du plasmide LSA-3 et notre intention est de le donner au groupe français. S'ils peuvent mettre en uvre des essais cliniques en Europe de LSA-3 seul, nous nous réjouissons de poursuivre notre collaboration avec eux», indique Hoffman.J. Mirenowicz