Le traitement des syndromes coronariens aigus concerne chaque année plus d'un million de patients hospitalisés aux Etats-Unis. La thrombolyse, premier progrès majeur dans ce traitement, a de nombreuses contre-indications et des échecs fréquents. L'angioplastie coronaire transluminale associée à l'usage large des stents et des antiplaquettaires est plus efficace que la thrombolyse dans l'infarctus du myocarde et dans le groupe à haut risque des angors instables et de l'infarctus non Q. Les hôpitaux disposant de l'infrastructure nécessaire et du personnel compétent doivent pouvoir offrir ces prestations 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
On regroupe sous le terme syndromes coronariens aigus : l'angor instable (sans surélévation du segment ST), l'infarctus non Q (également sans élévation du segment ST) et l'infarctus à ondes Q avec surélévation du segment ST.1
A la phase très précoce de ces syndromes, il est parfois difficile de départager ces différentes entités qui ne le seront qu'au gré de l'évolution et en particulier en fonction des résultats des dosages des enzymes plasmatiques. Le syndrome coronarien aigu reste un des problèmes majeurs de la médecine contemporaine, le nombre d'admissions dans les hôpitaux des Etats-Unis étant supérieur à un million par année.2C'est dire l'importance du choix du meilleur traitement et de la précocité de son application.
L'approche thérapeutique s'est progressivement affinée en fonction de l'amélioration de notre compréhension des phénomènes physiopathologiques qui conduisent aux complications aiguës de la maladie coronaire. La plaque athéromateuse devient soudain instable pour de multiples raisons intrinsèques et extrinsèques, sa capsule s'amincit, se fissure et se rompt, provoquant à sa surface l'agrégation plaquettaire et la formation d'un thrombus plus ou moins occlusif dans la lumière de l'artère. Cette lésion aiguë est souvent unique, mais peut être multiple.3
Dans les années 80, un progrès décisif fut l'introduction de la fibrinolyse dans le traitement de l'infarctus aigu du myocarde. De nombreuses études multicentriques4,5,6 ont montré avec différents agents lytiques la possibilité d'ouvrir la lumière coronarienne thrombosée dans un temps relativement bref (30 à 90 minutes) dans une proportion importante de cas allant jusqu'à 80%.
Ce traitement a toutefois des contre-indications liées à ses risques hémorragiques et des échecs dus à des réocclusions ou à l'impossibilité, malgré la réouverture partielle du vaisseau, de permettre la restauration d'un flux coronarien suffisant. Selon l'étude GUSTO5 la restitution d'un flux coronaire normal (TIMI III) après 90 minutes n'est que de 30 à 33% dans un groupe de malades traités à la streptokinase et 54% dans un groupe de malades traités par rtPA. Quatre heures plus tard les résultats sont identiques dans les deux groupes. Même en cas de bénéfice immédiat, la thrombolyse peut n'avoir qu'un effet temporaire avec un taux de réocclusion de 5 à 15% avec infarcissement dans 3 à 5% ou une menace de réocclusion avec réocclusion partielle conduisant à une ischémie dans 20 à 30% des cas.10 Enfin la fibrinolyse n'est pas utile dans le choc cardiogénique ou chez un malade ayant subi préalablement une chirurgie de revascularisation coronaire ou pour le syndrome aigu sans onde Q ou sans surélévation du segment ST.6
De façon contemporaine à l'introduction de la fibrinolyse, Hartzler publie en 1983 les résultats d'un premier groupe de malades ayant bénéficié d'une angioplastie transluminale au stade aigu de l'infarctus. Cette technique permet non seulement de désobstruer l'endroit thrombosé mais de traiter du même coup la sténose sous-jacente, cause première de l'obstruction. On rétablit alors un flux coronarien suffisant. Cette première publication de 41 cas consécutifs montrait des résultats très favorables : 86% de succès et seulement 6% de réocclusions avec une mortalité nulle. A la suite de cette publication, plusieurs autres études de groupes non randomisés faisaient également état de résultats encourageants. En 1989, O'Keefe et coll. publient leurs résultats13 avec une mortalité hospitalière de 18% et une survie de 95% chez le groupe de malades ayant quitté l'hôpital. Cette série sera remise à jour et publiée à nouveau en 19937 comprenant 1000 malades consécutifs avec les mêmes résultats favorables.
L'emploi de l'angioplastie coronaire transluminale au stade aigu de l'infarctus était resté toutefois discuté. Il implique en effet une structure hospitalière lourde et une disponibilité permanente 24 heures sur 24 de l'équipe soignante : médecins, infirmières et techniciens. L'enthousiasme a aussi été initialement tempéré, l'angioplastie étant souvent proposée en manuvre de sauvetage après échec de la fibrinolyse. Dans cette situation, même si cette solution est préférable au seul traitement médicamenteux, elle est grevée d'un taux important de complications et de décès et ceci malgré l'amélioration des traitements concomitants.8,9
Comme on l'a vu, le traitement par angioplastie transluminale de l'infarctus aigu a un bénéfice légèrement supérieur à celui de la fibrinolyse et du traitement conservateur. L'introduction des endoprothèses coronaires (stents) a amélioré considérablement les résultats de l'angioplastie par ballon seul. Ces résultats sont encore améliorés avec l'usage concomitant des inhibiteurs des glycoprotéines IIb/ IIIa.10 L'ensemble de ces techniques associées permet de sauver davantage de myocardes et d'assurer une meilleure évolution clinique.
L'éditorial du numéro de septembre de l'European Heart Journal11résume de façon convaincante les arguments montrant la supériorité de l'angioplastie sur la fibrinolyse sur tous les points importants (mortalité, taux d'infarcissement, accident vasculaire cérébral). A moyen et à plus long terme, le taux de réadmission pour insuffisance cardiaque ou ischémie myocardique est plus faible dans le groupe «angioplastie» que dans le groupe «fibrinolyse». Enfin, même le coût paraît dans cette étude légèrement moindre dans le groupe de malades infarcis traités par angioplastie que pour ceux traités par fibrinolyse puis traitement conservateur.
Rappelons que l'angor instable peut se définir comme un syndrome coronarien aigu sans élévation du segment ST et sans élévation des enzymes plasmatiques et se présente cliniquement soit comme la première manifestation récente de douleurs angineuses d'emblée sévères, soit un angor croissant, soit enfin une douleur prolongée survenant au repos. Le processus physiopathologique est sans doute le même que dans l'infarctus aigu, mais la plaque rupturée, coiffée de son thrombus, ne provoque pas l'occlusion totale de la lumière du vaisseau.12 Le bénéfice de la revascularisation par angioplastie dans l'angor instable et l'infarctus non Q semble moins évident que dans l'infarctus à onde Q, mais il faut toutefois souligner que les études publiées à ce sujet ont été faites chez des malades à une époque où l'usage des stents n'était pas généralisé et où les inhibiteurs des glycoprotéines IIb/IIIa n'étaient guère utilisés. Il s'agit en particulier des études TIMI IIIb et VANQWISH. De ces études émerge un certain consensus tendant à différer l'angiographie et l'éventuelle sanction de revascularisation pour autant que le malade soit bien contrôlé par le traitement médicamenteux : anti-agrégant plaquettaire, bêta-bloquant, dérivés nitrés. Par contre, les résultats récents ont été décevants en ce qui concerne les inhibiteurs des glycoprotéines IIb/IIIa. Après stabilisation, on se pose la question cas par cas, en fonction de la stratification des risques, d'une exploration angiographique, éventuellement suivie d'une angioplastie transluminale ou d'une revascularisation chirurgicale, en fonction de l'anatomie coronarienne et des conditions cliniques (âge, importance des symptômes, fonction ventriculaire, diabète et autres hypothèques pathologiques). L'investigation en elle-même n'apporte pas de risque supplémentaire et peut souvent mettre en lumière des lésions particulièrement favorables à la revascularisation. Des études plus récentes13sont plus nuancées et font penser que le groupe des angors instables à haut risque bénéficie d'une approche interventionnelle associant angioplastie, bloqueur de la glycoprotéine IIb/IIIa et un usage large des stents. Les groupes à risque modéré ou bas doivent faire l'objet de discussion cas par cas, les différentes approches thérapeutiques étant actuellement défendables.
Dans les institutions équipées pour la cardiologie interventionnelle, l'angioplastie transluminale est de plus en plus considérée comme le traitement de choix de l'infarctus du myocarde. Associée aux progrès majeurs que sont l'utilisation fréquente des stents et les médicaments antiplaquettaires, les résultats sont supérieurs à la fibrinolyse et au traitement médical classique.14
Si le malade est admis dans un hôpital qui ne dispose pas d'un service de cardiologie interventionnelle, il faut juger de cas en cas la nécessité d'un éventuel transfert dans un autre hôpital, si cela peut se faire dans des conditions raisonnables, essentiellement dans un temps très court, sinon la thrombolyse reste un traitement acceptable mais qui justifie un suivi très précis, remettant en question à tous moments l'éventuel transfert vers un établissement plus spécialisé. Tout cela implique à nos yeux qu'un hôpital équipé et possédant le personnel compétent doit avoir une équipe prête à intervenir rapidement 24 heures sur 24, choisissant, dans les conditions requises, l'angioplastie transluminale comme le traitement de premier choix de l'infarctus aigu.
Comme on l'a vu, le problème de l'angor instable et de l'infarctus non Q est moins clairement tranché. Il n'implique pas l'urgence de l'infarctus, mais laisse le temps sous traitement médicamenteux adéquat d'apprécier le risque et de choisir entre une attitude plus ou moins conservatrice. L'évolution actuelle tend, toutefois, à proposer un traitement interventionnel agressif aux angors instables à haut risque.
En fait, il demeure nécessaire de faire plus ou moins précocement une exploration invasive étudiant l'anatomie coronarienne et la fonction ventriculaire pour proposer le meilleur traitement soit médical ou, le plus souvent, une revascularisation instrumentale ou chirurgicale. Sans tomber dans le piège de vouloir «traiter des images» il faut se souvenir qu'un vaisseau ouvert avec un flux sanguin normal est le meilleur moyen de préserver le myocarde.