Le diagnostic de polymyalgia rheumatica (PMR) repose sur les manifestations cliniques évocatrices, une élévation de la vitesse de sédimentation au-delà de 50 mm à la première heure et parfois sur la présence d'une artérite temporale de Horton associée. Le traitement de choix est constitué par les corticostéroïdes ; les doses initiales ne devraient pas dépasser 10 à 15 mg de prednisone, ensuite les doses doivent être progressivement amenées à une valeur journalière de sécurité (5 à 7,5 mg). Les risques liés au traitement de corticostéroïdes sont d'ordre osseux (tassements vertébraux, fractures d'insuffisance), oculaire (glaucome, cataracte) et digestif (perforation du sigmoïde). Une administration concomitante d'AINS classiques devrait être évitée dans tous les cas, en raison des risques de toxicité au niveau gastro-duodénal.
La polymyalgia rheumatica (PMR), appelée également dans les pays de langue française pseudo-polyarthrite rhizomélique, est un syndrome clinique qui se manifeste chez des sujets âgés de plus de 45 ans ; il est un peu plus fréquent chez la femme que chez l'homme.
Ce syndrome se caractérise par des manifestations articulaires sous forme de douleurs à caractère inflammatoire, accompagnées parfois de fièvre, de raideur et de limitation de la mobilité devant toucher au moins deux des trois régions suivantes :
1. la nuque ;
2. la ceinture scapulaire ;
3. la ceinture pelvienne.
La durée des symptômes doit être d'au moins un mois.
Sur le plan des examens de laboratoire, la vitesse de sédimentation (VS) (Westergren) doit dépasser 50 mm à la première heure. Souvent, elle se situe au-dessus de 70 mm/1h mais dans de rares cas elle est normale. Il peut y avoir une perturbation mineure des tests hépatiques et souvent il y a une augmentation des alpha-2-globulines à l'électrophorèse des protéines.
Le diagnostic différentiel comporte la polyarthrite rhumatoïde (PR) à début tardif qui se manifeste initialement chez un tiers des sujets environ par des douleurs des épaules.1 Dans une étude personnelle, portant sur 23 patients chez qui on avait posé initialement le diagnostic de PMR,2 sept d'entre eux (30%) ont développé dans les mois suivants des tuméfactions articulaires périphériques mettant sur la piste d'une PR. Aucun de ces sujets n'avait un facteur rhumatoïde positif.2 La chondrocalcinose articulaire, en poussée inflammatoire, peut volontiers chez le vieillard toucher la nuque et les épaules et même s'accompagner d'un état subfébrile et d'une raideur de nuque mimant une méningite.3 Des lésions destructrices de la charnière atlanto-axiale sont parfois observées.4 Le diagnostic différentiel entre PMR et polyarthrite démateuse du sujet âgé, appelée par les Anglo-Saxons remitting seronegative symmetrical synovitis with pitting edema (RS3PE), affection où apparaissent des dèmes prenant le godet au dos des mains, est aisé.5 Le tableau 1 résume les données principales de la PMR, de la PR et de RS3PE chez le sujet âgé. Le diagnostic de PMR ne devrait pas poser de problème particulier pour un clinicien averti. Néanmoins, un diagnostic correct n'a été fait que par 24% de médecins praticiens selon un travail canadien actuel,6 si bien que les frais entraînés pour des investigations et des traitements superflus ont été considérablement accrus.
Il est clair que le diagnostic différentiel peut comporter dans des cas exceptionnels, cas ne répondant pas à la thérapie classique par des corticostéroïdes aux doses habituelles, un syndrome paranéoplasique. Dans ces cas, les symptômes disparaissent totalement après l'exérèse de la tumeur maligne.7 Dix cas de tumeur maligne ont été répertoriés dans une série de 208 patients se présentant avec des symptômes de PMR dans une étude espagnole récente.8
L'artérite de Horton présente les mêmes données concernant l'âge, le sexe que la PMR mais sa fréquence est nettement moindre. Elle s'accompagne dans plus de 50% des cas de douleurs des ceintures identiques à la PMR. La théorie uniciste veut que la PMR et l'artérite de Horton soient une seule et même maladie ; la théorie dualiste en fait deux affections apparentées mais différentes dans leur étiologie. Le diagnostic de la maladie de Horton s'établit sur le plan clinique par la mise en évidence d'un gonflement des artères temporales accompagné de céphalées (90% des cas). Les céphalées sont rebelles aux antalgiques classiques ; elles sont déclenchées par les mouvements du cou et de la mâchoire et parfois il y a une hyperesthésie du cuir chevelu. Le pouls des artères temporales est aboli ; d'autres branches de l'artère carotide externe peuvent être exceptionnellement atteintes. En cas de doute et surtout si la vitesse de sédimentation est anormalement basse, un examen sonographique par le Doppler couleur des artères temporales superficielles peut révéler des anomalies du flux artériel.9 La fiabilité de cet examen est encore diversement appréciée. Une biopsie de l'artère temporale, révélant la présence d'une artérite giganto-cellulaire, présente une très grande valeur diagnostique. La positivité de l'histologie peut s'observer au cours d'une PMR même sans aucun signe d'artérite temporale.10 En outre, la biopsie peut donner un résultat faussement négatif si le segment prélevé est de longueur insuffisante. Une biopsie controlatérale est parfois nécessaire.10
Les corticostéroïdes restent actuellement le traitement de choix de cette affection.
La réponse clinique en l'espace de quelques jours au traitement de corticostéroïdes est l'un des critères de diagnostic de la PMR. La dose quotidienne de prednisone ou d'un équivalent généralement préconisée oscille entre 10 et 15 mg (tableau 2). En effet, il a été montré que cette dose est suffisante11 pour arriver rapidement à bout des symptômes rhumatologiques et pour améliorer l'état général des patients. La plupart du temps, il n'est pas nécessaire d'aller plus haut dans le dosage. Les stéroïdes ont un effet suspensif et symptomatique mais ne guérissent pas en eux-mêmes la maladie. Ils préviennent en revanche certaines complications, notamment l'éclosion d'une artérite temporale. Toutefois, cette dernière peut survenir en cours de traitement pour une PMR ou même après l'arrêt lorsque les symptômes de PMR ont totalement disparu (dans 4% des cas de la série de Behn et coll.).12 Il faut aussi relever que l'artérite temporale peut précéder les manifestations de PMR ; une cécité brusque chez un patient ayant une vitesse de sédimentation fort élevée devrait faire songer à une artérite temporale ; un traitement de corticostéroïdes à hautes doses pourrait alors rétablir un certain degré de vision.13 Les patients avec une artérite temporale ont besoin de doses de stéroïdes légèrement supérieures par rapport à la PMR (1/2 mg par kilo environ) (tableau 3).11 Des dosages supérieurs ne semblent en effet pas présenter d'action préventive meilleure sur les complications oculaires.11
Une fois la symptomatologie douloureuse disparue, on se donne un à deux mois avant de commencer une lente diminution des stéroïdes. On se base généralement pour l'évaluation de l'efficacité sur l'état clinique et sur l'abaissement de la VS. On devrait atteindre 20 mm/1h ou même moins. Toutefois, comme les sujets que l'on traite sont souvent fort âgés, une VS de 20 à 30 mm/1h peut être encore normale chez eux. Il faudra donc dans ces cas accorder la priorité à l'amélioration de l'état clinique et à la valeur de la CRP. On diminue dès que possible par paliers de 1 mg chaque semaine la dose quotidienne pour arriver en l'espace de quelques mois à une dose d'entretien journalière avoisinant 5 mg de prednisone.14
La durée du traitement est en général de deux à trois ans. Après ces délais (ou même avant si les symptômes ont totalement régressé et que la biologie est devenue normale), on diminuera progressivement et très lentement les doses de stéroïdes jusqu'à l'arrêt total. Une reprise évolutive va nécessiter un nouveau recours aux stéroïdes aux doses équivalentes à celles de départ que l'on redescendra progressivement ensuite. Dans de rares cas seulement, le traitement doit être prolongé au-delà de trois ans.
Les cas ne répondant pas bien aux corticostéroïdes aux doses susmentionnées doivent être davantage investigués dans le sens d'une PR débutante, d'un syndrome paranéoplasique, de métastases, d'un myélome, etc.
Si l'on s'en tient pour la PMR à des doses de stéroïdes inférieures à 10 mg par jour de prednisone, la fréquence des effets secondaires est moindre. En revanche, dès que la dose quotidienne atteint 20 mg et davantage pour un temps prolongé, le nombre des effets secondaires va être multiplié par six.11 Les risques concernent en premier lieu le système osseux ou peuvent survenir assez rapidement chez un sujet âgé des tassements vertébraux ou des fractures d'insuffisance osseuse des membres, notamment au niveau du bassin ; cela peut donner l'impression d'une aggravation des symptômes de PMR et amener le médecin à augmenter les doses de corticostéroïdes, ce qui est une faute.
On donnera préventivement aux patients traités une vitaminothérapie D et une supplémentation calcique et l'on observera au mieux les précautions pour éviter une ostéoporose cortico-induite.15
Un examen oculaire soigneux au départ est indispensable d'abord en raison des risques qu'une artérite temporale méconnue peut faire courir à la vision, d'autre part en raison des risques de glaucome qui pourrait être aggravé par les stéroïdes. Une évaluation de l'état des cristallins est également nécessaire (risque de cataracte cortisonique). Parmi les complications digestives, il faut craindre une perforation couverte du sigmoïde qui peut avoir une évolution létale. Au niveau gastro-duodénal, les corticostéroïdes seuls n'induisent pas en principe de complication ; en revanche, ils potentialisent les effets secondaires des AINS classiques ; de ce fait, il ne paraît pas souhaitable d'associer des AINS aux stéroïdes ni dans le traitement de la PMR ni dans celui de l'artérite temporale.