Interview de M. Gabella par J. Mirenowicz
Dans tous les pays riches, le système de santé est pris en étaux entre deux forces contradictoires. D'un côté, il est le lieu d'une incitation débridée pour les avancées de la médecine, de la start-up biomédicale «rocket science» à l'infrastructure hospitalière la plus sophistiquée. De l'autre, il est confronté à une austérité technico-légale chaque jour plus sèche face à la hausse des coûts que ces avancées entraînent en rendant la population toujours plus dépendante de soins coûteux. Le résultat, attendu et obtenu, est une sorte de schizophrénie politique, dont le symptôme principal est une bagarre générale entre les acteurs du système de santé. Chacun se cabrant sur ses intérêts propres pour préserver ce qu'il estime être sa juste part d'un gâteau dont la taille, en termes macroéconomiques, stagne désespérement.
Face à cette situation, le Forum Santé 2005 met en uvre une réflexion globale sur le système de santé. D'abord pour le comprendre. Ensuite pour proposer des adaptations susceptibles de lui être salutaires. Depuis 1998, ce groupe de travail, qui réunit douze partenaires (voir l'encadré 1), envisage des thérapies au mal structurel qui frappe le système de santé en suisse (Med Hyg 2000 ; 58 : 1016-7). Et chaque année, tel un rite au chevet du grand malade, le Forum invite les personnes intéressées à écouter le bilan de ses réflexions de l'année écoulée. C'est ainsi qu'en janvier 1999, il a présenté aux Diablerets ses analyses sur «La politique de la santé dans l'incertitude». Et qu'en janvier 2000, il a divulgué, à Interlaken, les fruits de son travail sur «Le médicament dans l'incertitude».
L'une des propositions formulées à Interlaken préconisait la constitution de «cercles de qualités» dans lesquels médecins et pharmaciens travaillent en réseau pour assurer un bon suivi de la prescription. L'effet recherché étant une meilleure organisation de la prise du médicament à un prix moindre pour le patient. Bref, une meilleure compliance et moins d'abus. En l'an 2000, cette notion de réseau a fait l'objet du travail du Forum Santé 2005. De fait, quelle autre entité qu'un réseau pouvait-elle mieux réfléchir au rôle et au fonctionnement d'un réseau ?
Lors d'un séminaire préparatoire qui s'est tenu début 2000 à Fribourg, le Forum a demandé à des représentants de trois réseaux (Delta, MediX et Equam) de décrire leurs modes de fonctionnements respectifs. C'est à partir de ces exposés que les partenaires du Forum ont planché en l'an 2000. Le matin du 11 janvier 2001, ils ont pu présenter aux Diablerets leur travail en trois parties : une évaluation des réseaux existants, des critères pour les évaluer et des propositions pour satisfaire ces critères lors de la mise sur pied d'un réseau. L'après-midi, plusieurs spécialistes des réseaux, ainsi que des témoins choisis avec grand soin, ont pu réagir. Et les plus de 200 participants présents ont, eux aussi, pu donner leur avis.
Pour évoquer cette initiative, rencontre avec Mauro Gabella, l'un des deux initiateurs du Forum Santé 2005. Directeur général de l'entreprise Sanofi-Synthélabo, basée à Meyrin (Genève), c'est lui qui a pris l'initiative de créer ce projet, il y a quatre ans.
Comment l'entreprise Sanofi-Synthélabo en est-elle venue à créer le Forum Santé 2005 ?
En 1997, j'ai eu une conversation décisive avec Antoine Bailly, qui dirige le Département de géographie de l'Université de Genève. Depuis quinze ans, il animait un groupe de médicométrie composé de divers acteurs de la filière de la santé. A cette époque, on attendait des décisions politiques importantes pour contrecarrer l'essor des coûts de la santé. L'une des mesures de restriction envisagée concernait les génériques. C'est pourquoi j'ai demandé à Antoine Bailly d'étudier leur influence sur les coûts de la santé. Or, bien que très intéressante, son étude ne débouchait pas sur des conclusions claires. Les génériques n'étaient de loin pas le seul paramètre dont il fallait tenir compte. Nous avons alors réalisé à quel point nous n'allions pas pouvoir résoudre ce problème à nous deux. C'est ainsi que nous avons décidé de mettre sur pied un groupe de travail. Seule façon, pensions-nous, de parvenir à élaborer des réponses adaptées au problème global de l'évolution des coûts de la santé. Le Forum Santé 2000 puis 2005 a été constitué dans ce but.
Le Forum Santé 2005 annonce, comme buts globaux, de rechercher une meilleure politique de santé et, également, un développement durable. Comment contribue-t-il à ce deuxième objectif ?
Le développement durable pose les enjeux dans un cadre global et à long terme, ce qui correspond à notre approche. Adopter les génériques peut faciliter l'accès aux médicaments. Mais il s'agit d'une mesure ponctuelle, qui exercera un effet durant un an ou deux. Ensuite, on se retrouvera dans la situation préalable parce que les problèmes sont bien plus structuraux. A travers le Forum, nous cherchons à créer des réponses susceptibles de tenir dans la durée. On ne peut plus se contenter d'éteindre les feux un par un à chaque fois qu'ils s'allument. La santé doit être perçue comme un objectif plus large. L'initiative Denner a offert un contre-exemple scandaleux de ce qu'il ne faut pas faire. Cette entreprise considère le médicament comme un produit ordinaire. Et ne se préoccupe pas des conséquences que le gain qu'elle retirerait, à titre individuel, de l'acceptation de son initiative aurait sur la collectivité et sur la politique suisse de santé. En particulier, en ce qui concerne la sécurité ou la facilité d'approvisionnement en médicaments.
Vous parlez des génériques et de l'initiative Denner. Vous dites, en substance, qu'il s'agit de deux mauvaises réponses à un vrai problème. Par ailleurs, on sait qu'en Suisse, les médicaments sont nettement plus chers qu'en France. Les entreprises pharmaceutiques n'auraient-elles pas intérêt, en Suisse, à céder quelque peu du terrain sur leurs marges en baissant le prix du médicament dans ce pays ? Cette solution ne serait-elle pas plus simple que les réponses auxquelles vos travaux aboutissent dans le cadre du Forum ? N'enrayerait-elle pas des initiatives telles que celle de Denner que vous condamnez ? Et ne serait-elle pas en phase avec l'objectif d'un développement durable ?
Sur ce point, il faut noter qu'en 2000, les ordonnances concernant les produits ayant plus de 15 ans de remboursement ont permis de réduire le prix de centaines de médicaments et d'épargner près de 200 millions de francs. Cette ordonnance a ainsi permis de considérablement réduire la différence entre la Suisse et ses pays voisins. Et le plus drôle, dans cette histoire, c'est qu'après cette mesure de réduction, beaucoup de génériques se sont avérés plus chers que les originaux. Par ailleurs, grâce aussi à cette ordonnance, le prix des médicaments en Suisse est basé sur la moyenne de trois pays de référence : l'Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas. Et si l'on considère les nouveaux médicaments mis sur le marché après 1997, leur prix est globalement le même en Suisse que dans les pays voisins.
Le développement durable, c'est aussi la politique Nord-Sud. Sur ce point, le Forum ne dit mot.
Non, car nous avons voulu nous concentrer sur la filière de santé nationale, qui nous touche de plus près. Parler de politique Nord-Sud nous aurait amenés à un autre type de discours pour lequel nous aurions dû inclure d'autres interlocuteurs. Je souhaite cependant évoquer l'intérêt de Sanofi-Synthélabo pour ces problèmes. Notre entreprise vient en effet de lancer un programme clinique sous le nom évocateur de «African Quin». Il se propose d'améliorer le traitement et la prévention de la malaria sur le continent africain. Je souhaite aussi évoquer un autre sujet dont on parle trop peu : les médicaments dit «orphelins». L'industrie qui les développe ne peut pas espérer retrouver ses investissements car ils touchent un trop petit nombre de patients. Nous avons ainsi déposé un dossier à l'OICM concernant un médicament pour lequel l'Union européenne accorde un statut particulier mais pas la Suisse. Il s'agit d'un médicament contre la sclérose latérale amyotrophique. Seuls quelque 60 cas sont détectés chaque année en Suisse. Le retour sur investissement risque dans ce cas d'être trop faible pour l'entreprise si sa mise sur le marché ne bénéficie pas d'un soutien public spécifique. Il s'agit là d'un exemple clair de l'engagement de Sanofi-Synthélabo dans la santé qui est limité par les lois qui ne suivent pas assez rapidement les progrès de la recherche.
Tous les secteurs de la santé sont représentés dans le Forum Santé 2005 : les entreprises pharmaceutiques, les universitaires, les patients, les médecins, les pharmaciens, les caisses-maladie. Il manque toutefois les pouvoirs publics. Trois représentants de la Confédération sont intervenus le 11 janvier aux Diablerets : Barbara Fäh (OFSP), Thomas Spuhler (Observatoire suisse de la santé) et Carlo Malaguerra (OFS). Comment les pouvoirs publics s'insèrent-ils dans le Forum Santé 2005 ?
Le Dr Yves Guisan représente à la fois les médecins à travers son mandat de vice-président de la FMH et le politique en tant que Conseiller national (VD). Si l'on veut avoir un représentant des offices fédéraux, faut-il le choisir à l'OFSP ou à l'OFAS ?
Mais pour chaque corporation, la même question se pose : dans quelle mesure les participants au Forum Santé 2005 représentent-ils celles dont ils proviennent ?
Le moins représentatif, dans le Forum Santé 2005, c'est moi ! Car Sanofi-Synthélabo couvre 3,1% du marché suisse du médicament. Mais même les deux plus grosses entreprises pharmaceutiques en Suisse (Novartis et Merck Sharp and Dohme Chibret) ne seraient pas représentatives. Interpharma, l'association qui regroupe les entreprises pharmaceutiques installées en Suisse, ne totalise que 30% du marché des médicaments vendus sur le territoire. Le reste est importé via l'Association des importateurs de spécialités pharmaceutiques, la VIPS. Cependant, la légitimité de tous les partenaires du Forum apparaît indéniable (voir encadré 1).
Que pensent d'autres entreprises pharmaceutiques du travail du Forum ? Avez-vous des échos ?
Le président de la VIPS, Walter Hölze, est très content de notre travail. Il participe régulièrement, ainsi que d'autres membres de cette association, à notre journée annuelle. Des membres des entreprises suisses sont aussi venus aux Diablerets. J'aimerais insister sur le fait que le site du Forum est à leur disposition (www.forum-sante-2000.ch) et qu'ils peuvent contribuer à ces travaux. Il doit être possible à d'autres partenaires de se joindre au Forum.
Quels sont les présupposés essentiels aux partenaires du Forum ?
La colle qui amalgame les partenaires, c'est la volonté de travailler ensemble pour réfléchir aux défis qu'implique l'évolution du système de santé. En 1997, la tâche essentielle était de lever les inconnues entre les partenaires et de trouver une synergie commune. Quatre ans plus tard, le problème devient que nous nous éloignons des acteurs du système de santé qui restent campés sur leurs oppositions parce qu'ils ne participent pas à une réflexion comparable à la nôtre. Ce constat est à l'ordre du jour de notre prochaine réunion.
Le thème de votre travail, l'an passé, était le réseau. Pourquoi prédisez-vous qu'il va s'imposer ?
Les réseaux répondent à une tendance structurelle qui traverse la société. L'évolution de la société et sa complexité croissante poussent les gens à collaborer. Partout se développent des associations qui ont des intérêts communs. Dans le domaine de la santé, de nombreux réseaux se donnent pour objectif de réduire les coûts. Mais d'autres, c'est le cas des réseaux Delta et MediX, cherchent à améliorer la qualité des soins. Car limiter l'objectif d'un réseau à réduire les coûts est certainement une erreur. L'industrie pharmaceutique, en particulier, a tout à gagner d'une amélioration globale de la qualité des soins, des relations avec les patients ou encore de l'accélération des guérisons. Si tant de HMO, aux Etats-Unis, sont confrontés à une succession de procès, cela résulte sûrement de leur focalisation excessive sur les coûts. Seule la quantité les a guidés. Et dans ce cas, le résultat est le rationnement des soins. Nous cherchons, au sein du Forum Santé 2005, à éviter cet écueil. La Charte que nous publions cette année va dans ce sens (voir encadré 2).
Comment une entreprise pharmaceutique s'insère-t-elle dans un réseau de santé ?
Certains médecins pensent qu'une entreprise pharmaceutique ne cherche que l'argent. Cette vision est trop restrictive. Certes, une entreprise pharmaceutique doit faire du profit. Mais un médicament, c'est aussi un bien social qui augmente l'espérance et la qualité de vie. Des études montrent que les anti-agrégant plaquettaires augmentent l'espérance de vie. Lorsque Sanofi-Synthélabo investit 17% de son chiffre d'affaire dans la recherche et développement (RD), la moyenne étant de 13%, c'est aussi parce qu'il peut en émerger des médicaments qui ont de tels effets. Toutefois, une entreprise ne peut plus vivre en vase clos. Elle est confrontée aux mêmes contraintes politiques que les autres acteurs du système de santé. Et pour assurer la bonne compliance de ses médicaments, elle doit obtenir la collaboration de tous : médecins, pharmaciens, patients, caisses-maladie et pouvoirs publics.
Au sein d'un réseau, quels sont les partenaires privilégiés d'une entreprise pharmaceutique : les médecins ?
Cela était le cas autrefois. Aujourd'hui, le pharmacien joue aussi un rôle de contrôleur pour la compliance du médicament. En réalité, tous les acteurs du système de santé sont des partenaires importants, y compris les caisses-maladie. Des solutions communes sont à trouver. Et il semble juste de mettre en avant les entreprises qui apportent un plus par rapport à la politique globale de santé publique.
Aux Diablerets, trois intervenants (Marie-Laure Béguin, Pierre Huard et Victor Rodwin) ont insisté sur la nature abstraite de vos propositions. Comment réagissez-vous à ces réactions ?
Les divergences dans notre groupe de travail sont toujours fortes au début puis tendent à s'estomper par l'effet de nos discussions. Il reste que nos conclusions doivent rester en effet théoriques. Car notre objectif est d'être un instrument de réflexion pour aider les pouvoirs publics à faire évoluer la politique de santé.
Sanofi-Synthélabo est une multinationale dont le siège mondial est à Paris (encadré 3). L'entreprise mène-t-elle des actions analogues en France et dans les autres pays où elle est installée ?
Le Forum suisse est pour le moment unique. Mais cette année, deux observateurs de l'entreprise sont venus de l'étranger aux Diablerets, l'un de Belgique, l'autre des Pays-Bas. La Belgique est un point stratégique de par la présence du siège de l'Union européenne. Les Pays-Bas sont assez similaires à la Suisse de par leur taille et leur culture politique. En France, en revanche, le travail porte plutôt sur la planification hospitalière et la pharmaco-économie.
Une fusion remettrait-elle en cause le Forum ?
Je ne le pense pas ! La station des Diablerets est très éloignée. Pourtant, nombreuses sont les personnes qui sont venues de Suisse alémanique pour participer à la journée du 11 janvier. Même si Sanofi-Synthélabo devait être rachetée et perdre son nom, je suis convaincu que le Forum a suscité trop d'intérêt pour être abandonné.
Encadré 1 : les partenaires du Forum Santé 2005
Outre Mauro Gabella, Antoine Bailly et Yves Guisan, le Forum Santé 2005 compte notamment comme partenaires Jean-Pierre Reymond, Privat-docent à la Faculté des sciences de l'Université de Genève et président de la Société suisse des pharmaciens de l'administration et des hôpitaux (GSASA) ; Olivier Bugnon, chef du Département qualité et développement de la Société suisse de pharmacie (SSP) ; Babette Hünenberger, déléguée pour la Suisse romande et membre directeur du conseil de fondation de l'Organisation suisse des patients ; Jean-Pierre Desjacques, directeur de la caisse-maladie Intras et membre de la direction du concordat des assureurs maladie suisses (CAMS) ; Gaudenz Bachmann, délégué de Helsana ; Andreas Lüginbühl, pharmacien-chef de l'hôpital de Liestal (BL) ; Arno Brandt, directeur de l'Institut für Medizininformatik und Biostatistik (IMIB) à Riehen (Bâle) ; Jean-Louis Franzetti, business development manager chez Sanofi-Synthélabo (Suisse) SA ; Martin Bernhardt, responsable de recherche au groupe de médicométrie de l'Université de Genève.
Encadré 2 : une charte pour les réseaux de santé en Suisse
Aux termes de son travail en 2000, le Forum Santé 2005 estime qu'un réseau de santé doit...
Organisation
1. Reposer sur une coopération volontaire entre professionnels de santé ; optimaliser la coordination entre les intervenants et assurer la continuité des soins ; conserver une taille gérable.
2. Etre fondé sur une organisation explicite ; exprimer un positionnement clairement formulé ; offrir la plus grande transparence quant au fonctionnement, aux prestations et aux résultats.
3. Se situer dans un jeu concurrentiel (pas de situations de monopole) ; préserver le libre choix du patient entre différentes formules qui s'intègrent dans les objectifs de santé publique de l'Etat.
Qualité
4. Apporter une amélioration de la prise en charge, un traitement optimal, offrir une garantie de qualité en développe-
ment continu.
5. Encourager une relation de partenariat entre soignant et soigné ; procurer au patient le soutien nécessaire lui permettant de s'informer et de choisir librement.
6. Investir dans l'éducation préventive des patients ; favoriser le perfectionnement professionnel de ses membres.
Procédures
7. Optimiser l'utilisation des ressources, respecter le critère de l'efficience pour dégager un avantage économique.
8. Posséder des outils de gestion agréés, permettant la coordination interne et externe (statistiques et continuité des soins) ; intégrer des procédures avancées en matière de protection des données (adaptables aux besoins individuels des patients).
9. Conduire une activité systématique d'évaluation, pour démontrer ses résultats ; convaincre les investisseurs, les politiques et les assureurs par la qualité de ses résultats (impact sur la prise en charge du patient).
Encadré 3 : l'entreprise Sanofi-Synthélabo
Sanofi-Synthélabo, entreprise pharmaceutique dont le siège mondial est à Paris, se profile dans le secteur de la santé pour ne pas rester cantonnée dans le médicament. Ses activités concernent le cardiovasculaire-thrombose, l'oncologie, le système nerveux central et la médecine interne. L'entreprise compte 33 000 employés dans le monde pour un chiffre d'affaires de 5,35 milliards d'euros. Elle dispose de quinze centres de recherche dont neuf en France, cinq ailleurs en Europe et un aux Etats-Unis.
Mauro Gabella travaillait chez Sanofi avant la fusion avec Synthélabo. Les deux sociétés qui ont fusionné en mai 1999 ont des parcours semblables. Elles sont nées au début des années 70, lorsque la mode était à la diversification. Sanofi a vu le jour en 1973 à l'initiative du groupe français Elf-Aquitaine. Synthélabo est né trois ans plus tôt de la fusion de deux laboratoires français, Dausse et Robert et Carrière, avant d'entrer dans le groupe de L'Oréal en 1973.
Durant un quart de siècle, ces deux filiales de grands groupes français suivent des voies parallèles. En 1980, Sanofi acquiert le laboratoire français Clin-Midy. La présence à Berne d'une filiale de cette entreprise permet à Sanofi de devenir présente dans toute l'Europe (10 000 employés). Dix ans plus tard, elle s'allie au groupe américain Sterling Winthrop, filia-
le de Eastman Kodak installée à Great
Valley, en Pennsylvanie.
De son côté, Synthélabo acquiert les laboratoires français Métabio-Joullié dans les années 80 et Delagrange, Delalande et Goupil dans les années 90. Le rachat de la société suisse Paul Kramer SA lui permet de s'implanter en Suisse en créant sa filiale Kramer-Synthélabo. En 1990, Synthélabo Pharma suisse est créé à Lausanne.
Le 2 décembre 1998, les Conseils d'administration d'Elf et de L'Oréal annoncent qu'ils fusionnent leurs filiales Sanofi et Synthélabo dans une société commune et définissent un pacte d'actionnaire sur une durée d'au moins six ans pour la contrôler conjointement.
Aujourd'hui, Sanofi-Synthélabo représente le deuxième groupe pharmaceutique français, le sixième groupe en Europe et le neuvième en Suisse. L'entreprise, qui investit annuellement près d'un milliard d'euros en RD, dispose d'une cinquantaine de molécules en développement. Présent dans une centaine de pays, Sanofi-Synthélabo réalise environ 80% de son chiffre d'affaires hors Etats-Unis, ce qui, pour une entreprise de cette taille dans ce secteur, est inhabituel. Pour croître outre-Atlantique, Sanofi-Synthélabo mène une politique active de partenariats. Mais une nouvelle fusion n'est pas à exclure.