La résection chirurgicale reste la base du traitement du cancer bronchopulmonaire. Un envahissement médiastinal ou pariétal ne contre-indique pas une exérèse dans des indications bien sélectionnées. Les exérèses élargies sont souvent envisagées en association avec une chimiothérapie et/ou une radiothérapie. Au prix d'une mortalité acceptable, ces exérèses procurent de réelles chances de guérison à certains patients.
La résection chirurgicale reste la base du traitement du cancer bronchopulmonaire non à petites cellules.
Des études récentes soulignent cependant l'intérêt d'une chimiothérapie d'induction tant dans les formes évoluées que dans les formes limitées ; ainsi une approche multidisciplinaire de la prise en charge de ces tumeurs est indispensable.
L'objet de cette mise au point est de préciser les limites carcinologiques des exérèses en cas d'envahissement médiastinal ou pariétal.
Les tumeurs bronchopulmonaires sont classées en fonction des caractéristiques de la tumeur (T), de l'existence ou non d'un envahissement ganglionnaire (N) ou de métastases (M). Ainsi, l'atteinte isolée de la paroi thoracique fait classer une tumeur en stade IIB (T3N0), en cas d'atteinte ganglionnaire associée, la tumeur est classée en stade IIIA. L'atteinte ganglionnaire médiastinale homolatérale (N2) est également classée en stade IIIA ; l'atteinte des structures médiastinales fait classer la tumeur en stade IIIB, quel que soit l'envahissement ganglionnaire.
Classiquement, les tumeurs de stade I-II et une partie des tumeurs de stade IIIA sont traitées chirurgicalement alors que les tumeurs de stade IIIB et de stade IV relèvent d'un traitement purement médical.
En pratique, la sélection des indications opératoires au sein des stades III est difficile car il s'agit d'un groupe hétérogène de tumeurs. Il importe en effet de différencier les tumeurs T4 avec envahissement limité d'une structure médiastinale qui peuvent être réséquées dans de bonnes conditions, des tumeurs avec envahissement ganglionnaire médiastinal controlatéral (N3) qui ne relèvent pas d'un traitement chirurgical.
Facteur de mauvais pronostic évident, il ne contre-indique pas dans certains cas l'exérèse ; il importe de différencier les atteintes massives du médiastin (clinical N2) qui constituent effectivement des contre-indications opératoires, des atteintes limitées (minimal N2) suspectées sur le scanner ou découvertes lors de la thoracotomie qui relèvent d'une exérèse chirurgicale.
L'analyse des résultats des exérèses pour cancers N2 est dans ces conditions difficile. Schématiquement, le taux de survie à cinq ans après exérèse complète d'une tumeur avec envahissement médiastinal homolatéral est de 20 à 25%.1,2,3,4
Les facteurs influençant favorablement le pronostic sont l'atteinte ganglionnaire intracapsulaire, l'atteinte d'un seul site, et le T (meilleur pronostic des tumeurs T1 par rapport aux tumeurs T2 et T3).
L'attitude thérapeutique actuelle, chez un patient suspect d'envahissement ganglionnaire médiastinal, peut être schématisée de la façon suivante : en cas d'envahissement massif et évident (ganglions médiastinaux > 3 cm de diamètre), le patient sera traité par chimiothérapie ou par association de chimiothérapie et de radiothérapie. En règle générale, ces patients ne seront pas opérés sauf si une réponse spectaculaire au traitement d'induction permet d'envisager secondairement une exérèse complète. En cas de suspicion d'envahissement ganglionnaire, une médiastinoscopie avec examen histologique extemporané doit précéder toute décision thérapeutique. Cette médiastinoscopie permet en effet d'infirmer ou de confirmer l'envahissement et ses caractéristiques (atteinte intra- ou extracapsulaire, atteinte homolatérale isolée). Si l'envahissement ganglionnaire est confirmé, le patient sera traité par une chimiothérapie d'induction ; les patients «répondeurs» ou stables seront opérés après deux à trois cycles de chimiothérapie. Si la médiastinoscopie est négative, les patients seront opérés en règle d'emblée ; ils peuvent être également opérés après une chimiothérapie d'induction dans le cadre du protocole prospectif de l'Intergroupe français de cancérologie thoracique qui préconise une chimiothérapie systématique et étudie actuellement ses modalités. La place des traitements adjuvants reste mal définie : en cas de résection complète, si le patient a eu une chimiothérapie d'induction avec une réponse objective, une chimiothérapie adjuvante est en règle indiquée ; à l'inverse, en l'absence de réponse, aucun traitement adjuvant n'est préconisé. En l'absence de traitement d'induction, les patients peuvent être inclus dans un protocole prospectif randomisé (protocole IALT) étudiant l'impact d'une chimiothérapie adjuvante par rapport à une simple surveillance.
La majorité des études, ayant testé l'impact d'une radiothérapie postopératoire sur la survie, ont montré une absence d'amélioration du pronostic, voire un effet délétère, la radiothérapie semble ainsi réservée aux exérèses incomplètes.
Confirmé histologiquement par une médiastinoscopie, il constitue une contre-indication opératoire définitive.
Cet envahissement est souvent difficile à affirmer en préopératoire, un envahissement massif de ces structures constitue une contre-indication opératoire évidente. Certaines tumeurs peuvent cependant envahir de façon limitée l'une de ces structures et rester résécables, laissant au patient un espoir réel de guérison.5,6,7,8Il importe de distinguer les envahissements par contiguïté des structures médiastinales (envahissement de la veine cave supérieure par une tumeur du segment ventral du lobe supérieur droit), des envahissements par une coulée ganglionnaire dont le pronostic reste défavorable, même en cas de résection complète.
Nous avons étudié récemment une série de 57 patients consécutifs ayant eu une exérèse pulmonaire élargie à la carène. Onze patients ne présentaient pas d'envahissement ganglionnaire associé (T4N0), 27 avaient un envahissement ganglionnaire limité aux ganglions pédiculaires (T4N1) et 19 un envahissement ganglionnaire médiastinal homolatéral (T4N2). La survie globale à cinq ans a été de 36%, les survies à cinq ans ont été respectivement de 42% pour les tumeurs T4N0 ou T4N1 contre 7% pour les tumeurs T4N2.
Vingt-sept patients ont eu une résection pour cancer élargie au système cave supérieur.9 Dix tumeurs ont été classées en T4N0, trois en T4N1 et quatorze en T4N2. La survie à cinq ans a été de 29% avec quatre patients actuellement en vie avec plus de cinq ans de recul. Les meilleurs résultats ont été observés dans les tumeurs N0 et N1.
Résultats des exérèses élargies à l'oreillette gauche
Pendant la même période, 72 patients ont eu une exérèse élargie à l'oreillette gauche, 69 fois par simple clampage de l'oreillette et 3 fois sous circulation extracorporelle. Deux tumeurs ont été classées en T4N0, 41 en T4N1 et 29 en T4N2. Les survies ont été de 19% à cinq ans dans les cancers N0 ou N1 et de 11% dans les cancers N2.
L'envahissement de la paroi thoracique par contiguïté à partir d'une tumeur périphérique n'est pas une contre-indication opératoire.10 Il importe cependant de bien distinguer les envahissements par contiguïté souvent accessibles à une exérèse radicale, des atteintes osseuses métastatiques costales qui ne constituent pas une indication opératoire.
Nous étudierons successivement les cancers envahissant la paroi thoracique et les syndromes de Pancoast et Tobias.
L'envahissement de la paroi thoracique peut être limité à la plèvre pariétale ou intéresser la paroi ostéo-musculaire. En cas d'envahissement de la plèvre pariétale, un décollement extrapleural est en règle suffisant permettant une exérèse parenchymateuse associée à une pleurectomie pariétale. En cas d'envahissement ostéo-musculaire, une pariétectomie doit être réalisée en monobloc par résection première de la paroi thoracique qui est emportée avec la tumeur pulmonaire.
Classiquement précédée par une radiothérapie,11 l'exérèse est en fait le plus souvent réalisée de première intention. L'existence de douleurs thoraciques invalidantes incite à une exérèse première qui entraîne très rapidement une amélioration de la symptomatologie.
Nous avons publié récemment une étude portant sur 201 exérèses pulmonaires élargies à la paroi thoracique pour cancer.12Cent vingt-deux patients ont nécessité une véritable pariétectomie alors que 79 patients ont eu une simple pleurectomie associée à l'exérèse pulmonaire. La mortalité postopératoire a été de 7%. Elle était étroitement liée au type de résection (3,8% en cas de pleurectomie, 9% en cas de pariétectomie) et à l'âge du patient (2,3% avant 65 ans et 15% après 65 ans). Sur le plan histologique, 116 tumeurs étaient classées en T3N0, 32 en T3N1, 27 en T3N2, et 6 en T4N0 ou N1 du fait d'un envahissement du corps vertébral. Le taux de survie à cinq ans a été de 24% en cas de résection complète. Les survies ont été respectivement de 25% pour les patients T3N0, de 20% pour les patients T3N1 et de 21% pour les patients T3N2. Trois facteurs pronostiques indépendants ont été identifiés : il s'agit de l'envahissement ganglionnaire, de la profondeur de l'atteinte pariétale et de l'âge des patients.
Les tumeurs de l'apex pulmonaire s'accompagnant d'une lyse de la première côte, d'un syndrome radiculaire C8-D1, ou d'un syndrome de Claude Bernard-Hörner, réalisent typiquement un syndrome de Pancoast et Tobias.13,14
Il s'agit de tumeurs rares, de diagnostic difficile malgré une symptomatologie parlante ; la radiographie pulmonaire peut être subnormale avec un simple épaississement de la plèvre apicale expliquant des diagnostics tardifs qui vont limiter les possibilités thérapeutiques.
Les tumeurs associées à un syndrome de Pancoast et Tobias sont souvent résécables ; l'intervention chirurgicale assure non seulement un bon contrôle de la symptomatologie douloureuse mais également les meilleures chances de guérison.
La résection de ces tumeurs de l'apex nécessite parfois un double abord avec une voie cervicale pour libérer la tumeur apicale des éléments vasculo-nerveux du défilé cervico-thoracique, et une voie d'abord thoracique classique pour réaliser l'exérèse parenchymateuse en règle associée à une pariétectomie apicale.
Nous avons opéré 57 patients porteurs d'un syndrome de Pancoast et Tobias ces douze dernières années. Vingt-trois patients ont été opérés par une voie d'abord purement thoracique, 33 par une double voie d'abord cervico-thoracique et un par une voie cervicale isolée. Les exérèses ont souvent été élargies (15 sacrifices de la racine nerveuse D1, 3 résections de l'artère sous-clavière, 3 résections de la veine sous-clavière, 13 résections de branches artérielles de l'artère sous-clavière et 4 résections vertébrales). Sur le plan histologique, 48 patients étaient N0, 3 patients N1 et 6 patients N2. L'amélioration de la symptomatologie douloureuse a été obtenue dans la majorité des cas. La survie à cinq ans a été de 38% en cas d'exérèse complète alors que tous les patients n'ayant pu avoir qu'une exérèse incomplète sont décédés dans les deux ans.
Un envahissement médiastinal ou pariétal n'exclut pas toute possibilité opératoire, la résection chirurgicale est dans ces cas, intégrée à une approche multidisciplinaire. La sélection des indications opératoires dans ces cas reste difficile.