Le rapport du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) sur l'uranium appauvri (UA), rendu public le 19 mars, préconise de poursuivre les recherches, notamment sur les sites bombardés en Bosnie. Mais dans l'ensemble, ce rapport minimise les risques liés à l'utilisation de l'UA lors des bombardements du Kosovo. Pourtant, pas plus que les rapports précédents (en particulier, ceux de l'OTAN et de l'Union européenne) ce rapport du PNUE ne devrait calmer la polémique sur les «syndromes» des guerres du Golfe, en Bosnie et au Kosovo.Le dernier épisode de ce feuilleton provient d'un chercheur clinicien américain controversé, Robert Haley. La bourse de cinq millions de dollars qu'il pourrait recevoir pour poursuivre ses recherches sur ce thème, et qui lui a été attribuée sans évaluation par les pairs, ne fait pas l'unanimité (Nature 2001 ; 410 : 135).Kay Bailey Hutchinson, sénateur républicaine du Texas, a spécialement réservé cinq millions de dollars du budget 2001 du département américain de la défense (DoD) pour le centre médical du Sud-Ouest de l'Université du Texas, où travaille Haley. «Le sénateur a le sentiment que Haley accomplit une recherche qui débouche sur des découvertes importantes», a expliqué un porte-parole de Hutchinson.Mais Bernard Rostker, l'assistant du DoD chargé du dossier sur le syndrome du Golfe, s'oppose à cette décision. «Si le sénateur Hutchinson désire un traitement spécial et est prêt à l'autoriser par un acte législatif explicite, alors plus de pouvoir pour elle», a-t-il résumé à la revue Nature. «Mais ce n'est pas quelque chose que nous [au DoD] allons recommencer après avoir été déçus une première fois.»Le DoD dépense 17 millions de dollars par an pour la recherche sur le syndrome du Golfe. Pour allouer cette somme, le DoD lance des appels d'offre sur des thèmes spécifiques. Des groupes d'évaluateurs composés de scientifiques qui ne travaillent pas dans une agence gouvernementale portent un jugement sur les réponses obtenues. Par deux fois, Haley n'est pas parvenu à recevoir une bourse de cette façon. Mais en 1997, sous la pression politique pour que l'éventualité d'une cause chimique aux maladies dont souffrent les vétérans soit prise au sérieux, le DoD a court-circuité le processus et alloué trois millions de dollars à Haley. Cette bourse est arrivée à expiration l'automne dernier.Rostker, qui a soutenu l'attribution de la première bourse à Haley, estime qu'il «ne devrait pas bénéficier d'un traitement spécial une seconde fois». Le responsable du dossier au DoD explique que Haley n'a pas pu répéter son résultat original en comparant un nouveau groupe de vétérans ayant servi lors de la guerre du Golfe à un groupe n'y ayant pas servi, comme il avait pourtant annoncé qu'il le ferait. Haley réfute cette affirmation, indiquant qu'il avait seulement dit qu'il étudierait un nouveau groupe de vétérans. De fait, il a utilisé 2,3 millions de dollars à produire de nouvelles études à partir du même groupe de vétérans.«Nous avons publié la très vaste majorité des études positives informant sur ce qui ne va pas avec ces vétérans», indique Haley. «Et pourtant, nous ne parvenons pas à obtenir un financement. La politique paralyse le processus de recherche», conclut-il.Tous les scientifiques ne partagent pas cette affirmation. «Haley a «shunté» le mécanisme de contrôle par les pairs», explique Philip Landrigan, un épidémiologiste qui travaille à l'école de médecine du Mont Sinaï, à New York, et qui a écrit que les études de Haley sont méthodologiquement défectueuses. «C'est inquiétant, car le contrôle par les pairs est un principe de base», commente Landrigan.Haley a publié trois articles dans le Journal of the American Medical Association, en 1997. Effectuées sur 249 membres d'un bataillon de réserves navales qui ont servi durant la guerre du Golfe, ces études ont permis d'identifier trois «syndromes» neurologiques et de les lier à des expositions à des produits chimiques que les vétérans ont eux-mêmes rapportés. Les résultats les plus intéressants viennent de recherches intensives menées sur 30 de ces vétérans.Les critiques citent la faible taille des échantillons et de possibles biais dans la sélection des vétérans. Haley a publié de nouveaux résultats en utilisant le même groupe plus restreint dans des journaux évalués par le système des pairs tels que Archives of Neurology et Toxicology and Applied Pharmacology.Ross Perot, milliardaire texan et ex-candidat à la présidence des Etats-Unis, défend l'action de Hutchinson. «Ces grands dadais du Pentagone essayent de vendre le stress (à l'origine du syndrome du Golfe) et ne proposent rien aux hommes», dit-il. La fondation privée de Perot a donné à Haley 2,6 millions de dollars distribués sur sept ans pour qu'il poursuive ses recherches.