Nous poursuivons ici l'analyse du rapport de conclusion de la conférence de consensus que l'Agence nationale française d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) vient de consacrer aux modalités de l'accompagnement du sujet alcoolo-dépendant après un sevrage (Médecine et Hygiène du 25 avril 2001). Au chapitre des acteurs et des moyens de l'accompagnement il faut également compter avec différentes entités que le monde médical connaît plus ou moins bien.I Les groupes de parole et les autres thérapies de groupe. Les experts de l'Anaes observent que cet ensemble de pratiques hétérogènes peut, sous une même appellation, être à la source de confusion. «Les thérapies de groupe, où la présence d'un thérapeute est requise, ne doivent pas être confondues ni avec les groupes thérapeutiques ni avec les mouvements d'entraide, précisent-ils. Le nombre d'études scientifiques pour chacune de ces méthodes est peu important. La validation scientifique n'est pas établie. Cependant, la plupart des institutions de soins et des mouvements d'entraide les proposent. Il existe un accord professionnel pour reconnaître un intérêt thérapeutique pour certaines de ces techniques et pour certains patients». Ces pratiques sont régies par des règles communes de fonctionnement : le secret, la discrétion, la spontanéité et l'assiduité. De ce fait elles répondent bien aux besoins des patients alcoolo-dépendants : dans le cadre d'un groupe, ils s'expriment souvent plus facilement qu'en entretien individuel et peuvent mieux gérer leur prise de parole.«L'association de plusieurs personnes permet de mieux résoudre des difficultés communes devant lesquelles chacun, isolément, se sent impuissant. Elle permet au sujet de s'identifier à d'autres personnes vivant ou ayant vécu des expériences similaires, de comprendre l'impact de l'alcool sur les histoires de vie, d'apprendre à comparer ses propres réactions ou vécus par rapport à ceux des autres, et enfin d'apprendre à communiquer ses émotions de manière plus adaptée, peut-on lire dans les conclusions de la conférences de consensus. La participation de l'entourage à des groupes de parole améliore la compliance de l'alcoolo-dépendant sevré, le taux d'abstinence et l'équilibre conjugal». Les thérapies de groupe doivent être animées par des thérapeutes formés à ces techniques, les groupes thérapeutiques par des intervenants formés à l'alcoologie.I Les ateliers thérapeutiques. En dépit de l'absence d'évaluation scientifique les professionnels estiment qu'il peut être utile de mettre à la disposition du malade alcoolique sevré un atelier thérapeutique, «espace de créativité, de culture, de communication et de socialisation». Beaucoup d'équipes thérapeutiques proposent ainsi une activité corporelle : prise de conscience du corps, activités sportives, relaxation, randonnée, etc. Pour certains, une restauration temporo-spatiale passe par des ateliers conçus autour du travail manuel, telle l'ergothérapie. Certaines équipes proposent des activités plus cognitives autour de la mémorisation, de l'écriture. De façon plus ambitieuse, et peut-être plus à distance du sevrage, certains ateliers thérapeutiques mettent en jeu le culturel, le créatif. Pour les experts réunis sous l'égide de l'Anaes il faut définir avec rigueur les buts, la durée, les modalités pratiques, les séquences, la nature et les intervenants de l'équipe thérapeutique. «Les ateliers thérapeutiques, lorsqu'ils existent, peuvent être intégrés dans une dynamique de soins et animés par des professionnels» recommandent les experts.I Les moyens socio-éducatifs. Plusieurs études indiquent qu'une prise en charge sociale du sujet alcoolo-dépendant sevré influence favorablement son évolution. L'amélioration du réseau relationnel est un élément important du résultat à long terme de l'accompagnement des patients alcoolo-dépendants. L'accompagnement social comporte deux dimensions : un travail relationnel avec l'individu et un travail sur son environnement. Il vise la reprise progressive par la personne du contrôle de sa propre situation et de ses responsabilités.«Le travailleur social intervient dans la réalité sociale, administrative, juridique et professionnelle du patient. La prise en charge et l'accompagnement, dans le respect de la confidentialité, reposent sur l'adhésion du patient aux objectifs, et sa participation à leur réalisation, soulignent les experts. Cette démarche s'appuie sur la notion de contrat, outil à utiliser à bon escient, adapté au patient et à ses capacités au moment considéré, et centré sur une pédagogie du projet. Une évaluation sociale du patient doit être systématiquement réalisée le plus précocement dans la prise en charge. L'évaluation de sa qualité, pour chaque patient, doit faire partie de sa prise en charge».I Les mouvements d'entraide. C'est sans doute là l'un des chapitres essentiels de ce dossier. De nombreuses études soulignent que la participation à un mouvement d'entraide est un élément important pour un maintien durable de l'abstinence pour les patients volontaires. Ces mouvements interviennent à toutes les étapes de la prise en charge du sujet alcoolodépendant. «D'origine et de sensibilité diverses, ils ont un objectif commun : aider et accompagner les personnes en difficulté avec l'alcool, en apportant information et soutien au patient et à l'entourage. Ils préconisent l'abstinence totale et définitive, comme une étape vers une meilleure qualité de vie, rappellent les experts. La rencontre avec un mouvement d'entraide pour une participation éventuelle doit être proposée aux patients alcoolo-dépendants».Les membres des associations qui interviennent dans les établissements de soins, d'enseignement, d'hébergement, etc, doivent recevoir une formation en alcoologie. Leurs sensibilités religieuses, laïques, humanitaires, sociales, idéologiques, si elles existent, doivent être «facilement identifiables» par les patients et les professionnels. L'intégration des mouvements d'entraide dans le tissu socio-sanitaire de proximité, leur ouverture aux professionnels doivent contribuer à prévenir toute «dérive sectaire». (A suivre) W