Le ministre de la Santé du Brésil a lancé un ambitieux programme dont le but est d'envoyer des professionnels de la santé dans les villes qui bénéficient de ressources limitées en matière de santé. Le projet est entré en pratique au mois de mars, lorsque 300 médecins et 300 infirmiers sont partis vers 150 villes à travers le Brésil (Lancet 2001 ; 357 : 370).La distribution géographique des professionnels de la santé au Brésil reflète la démographie et la structure éducative du pays. Dans les larges centres urbains, où sont localisées la plupart des écoles médicales et d'infirmiers, le fait que les professionnels de la santé tendent à se spécialiser assez tôt dans leur carrière rend leur déplacement vers de plus petites villes difficile car la demande en praticiens généralistes y est forte. En conséquence, 75% des médecins vivent dans les villes du pays. Et selon le Conseil fédéral de médecine du pays, 22% des 5506 villes ne comptent aucun médecin parmi leurs résidents.Des critères liés à l'épidémiologie des villes, ainsi que d'autres indicateurs, ont été utilisés pour choisir les 150 villes qui ont pu accueillir ces médecins et ces infirmiers payés par le gouvernement fédéral. «Nous avons sélectionné des villes ayant une mortalité infantile au-dessus de 80 pour 1000, une forte prévalence de la malaria, de la tuberculose et de la lèpre», indique Claudio Duarte da Fonseca, secrétaire chargé des politiques publiques au ministère de la Santé. «Nous avons également retenu les villes ayant zéro ou une visite médicale par habitant et par an et celles qui ne sont pas incluses dans le programme de santé familiale» un programme du ministère qui promeut la sensibilisation aux premiers soins dans la population.Les médecins retenus sont partis dans une ville pour une période d'un an. La première partie du programme inclut un cours introductif et les professionnels de la santé seront supervisés. Les médecins seront payés 2250 dollars par mois, ce qui correspond à un bon salaire pour un médecin qui ne travaille pas dans une clinique ou un hôpital d'un grand centre urbain. Les infirmiers recevront 1575 dollars par mois. Pour rendre le programme financièrement plus attirant, les professionnels de la santé bénéficient aussi d'un logement de fonction, d'une allocation-nourriture et d'une assurance-santé.Le ministre de la santé dépensera 15 millions de dollars durant la première année du programme. Cet investissement notable résulte du désir du gouvernement d'attirer des professionnels de la santé vers ces régions et faire en sorte qu'ils s'y installent de façon permanente. Selon Duarte da Fonseca, de nombreuses villes se plaignent que même lorsqu'elles payent les médecins avec de hauts salaires, il est difficile de les garder. «Les mauvaises conditions de travail représentent un obstacle majeur pour que les professionnels de la santé restent dans ces endroits. Mais dans ce programme, ils bénéficieront également de garanties sur l'infrastructure dans laquelle ils travailleront», ajoute ce responsable ministériel.Certaines organisations critiquent les discriminations qui sont faites entre les médecins et les infirmiers car le programme résultera en crédits d'apprentissage ou éducatif pour les médecins. «Nous croyons que tout le monde engagé devrait recevoir la même éducation», estime Regina Celes Stella, qui préside l'Association Brésilienne d'Education Médicale (ABEM). Mais cette critique reste mineure. L'ABEM et d'autres organisations médicales ont déclaré soutenir cette initiative.Si ce projet ne fonctionne pas, ce que le ministère retient comme une hypothèse possible, ce service pourrait devenir obligatoire. «Selon l'organisation pan-américaine de santé, nous sommes le seul pays d'Amérique du Sud qui ne possède pas de programme de service civil obligatoire pour les médecins», note Duarte da Fonseca. «Mais nous pensons que le programme que nous offrons, qui a reçu le soutien de toutes les organisations majeures et des autorités publiques à tous les niveaux, suffira à nous aider à résoudre le problème.»