Edito: Mais que faut-il donc manger ?
C. Pichard
Rev Med Suisse
2001; volume -3.
21450
Résumé
«Mange la bonne soupe de ta mère si tu veux grandir». Ce conseil, bon nombre d'entre nous l'ont probablement reçu durant l'enfance, pourtant au plan nutritionnel rien ne semble plus faux. La soupe est habituellement plutôt pauvre en protéine, calcium, vitamines, fibres
mais riche d'amour maternel et de tradition familiale. Faudrait-il donc conseiller de préférence «Mange le potage pré-cuisiné que j'ai acheté car il a été conçu scientifiquement et optimisé pour ta croissance» ? La réponse mérite quelques nuances.Certaines traditions culinaires familiales sont décalées par rapport à l'évolution des besoins corporels contemporains ou des autres constituants de l'alimentation ingérée. Par exemple, bon nombre de recettes traditionnelles se caractérisent par l'omniprésence des corps gras alors même que la dépense énergétique de l'homme a été fortement réduite (sédentarité, mécanisation du travail, contrôle thermique des maisons, etc.). De plus, la préparation des produits alimentaires est chronophage, donc peu compatible avec une activité professionnelle ou des loisirs exigeants. Elle requiert de l'habileté, parfois insuffisante (manque d'intérêt pour l'art culinaire, handicaps physiques, inappétence, etc.). L'option de recourir à des aliments pré-cuisinés peut alors s'imposer comme une alternative valable aux plans émotionnel, nutritionnel, organisationnel et social.Investir du temps à cuisiner ou à promouvoir la convivialité autour du repasLorsque le temps est limité, il faut choisir entre réduire le temps de préparation des repas et prolonger le moment de convivialité liée au repas. On distingue donc des intérêts variés à acheter les ingrédients, préparer les repas et manger :I Préparer le repas est un plaisir renouvelé ! L'exemple est l'amateur gastronome qui reçoit ses amis.I Manger est un temps de vie privilégié, quoique limité, pour la convivialité durant lequel s'échangent des avis et des émotions. L'exemple est la famille avec enfants dont les deux parents travaillent à l'extérieur du domicile.I Faire des courses, préparer le repas puis manger est intégré au rythme de vie, alors que le repas lui-même est une phase ingestive avec peu de bénéfices socio-émotionnels. L'exemple est la personne âgée et isolée.I Cuisiner est un calvaire car le handicap physique, la fatigue rendent toute opération délicate, déplaisante, voire dangereuse. L'exemple est le sujet avec acuité visuelle réduite.Le constat est que les intérêts, plaisirs et bénéfices liés à la préparation et la consommation du repas sont variables d'une personne à l'autre. Il existe donc de la place pour la préparation culinaire traditionnelle «maison» et pour les produits pré-cuisinés proposés par l'industrie.
Contact auteur(s)
C. Pichard
Responsable diététique
et nutrition clinique
Département de médecine
Hôpital cantonal universitaire
Genève