Il y a un peu plus de quatre ans le monde apprenait l'existence de Dolly, premier mammifère créé par clonage du noyau d'une cellule prélevée sur un animal adulte. Quelques jours après cette formidable annonce, alors que de multiples voix s'élevaient à travers le monde pour condamner le possible usage de cette technique dans l'espèce humaine, l'Eglise raëlienne faisait savoir qu'elle allait créer «la première compagnie de clonage humain.» Souvenons-nous. Cette initiative avait été révélée dans un communiqué diffusé par Internet le 11 mars. Le lendemain au cours d'une conférencede presse donnée dans un salon de l'Hôtel Flamingo, à Las Vegas (Nevada, Etats-Unis), le fondateur du mouvement, Claude Vorilhon il se fait appeler Raël a précisé que le but de cette société commerciale, domiciliée aux Bahamas, serait de soutenir les recherches scientifiques sur le clonage des êtres humains. Il s'agissait aussi de proposer ce procédé «aux parents potentiellement désireux d'avoir un enfant qui serait le clone de l'un d'eux.» Baptisée «Valiant Venture», la société de l'Eglise raëlienne avait été fondée avec l'aide d'un groupe d'investisseurs dont l'identité n'avait pas été rendue publique.«Il s'agit d'une société privée, construite selon les règles actuellement en vigueur, et qui publiera des comptes de résultats», avait alors déclaré au Monde Brigitte Boisselier, spécialiste de chimie physique, titulaire de diplômes universitaires français et américains, par ailleurs directeur scientifique de «Clonaid», le service de Valiant Venture spécialisé dans l'uvre d'assistance aux parents potentiellement désireux d'avoir un enfant qui sera le clone de l'un d'eux. Nous envisageons, disait-elle, de construire un laboratoire dans un pays où le clonage humain n'est pas illégal, mais dont je préfère taire le nom, compte tenu des passions que déchaîne aujourd'hui un tel sujet. Nous entendons subventionner d'autre part les travaux des équipes scientifiquement spécialisées dans ce domaine, notamment celles qui, aux Etats-Unis et ailleurs, ont vu ces derniers temps leurs subsides réduits ou supprimés par leurs autorités de tutelle.»Clonaid expliquait encore avoir décidé de facturer 200 000 dollars ce «service de clonage» proposé «aux parents fortunés du monde entier». La même société annonçait enfin l'ouverture du service «Insuraclone», qui, pour la somme de 50 000 dollars, fournirait l'échantillonnage et le stockage de cellules d'un enfant vivant afin de pouvoir en créer un clone dans le cas de son décès dans un accident ou à cause d'une maladie incurable. Dans le cas d'une maladie génétique, les cellules seront préservées jusqu'à ce que la science puisse les réparer génétiquement afin de recréer l'enfant ou l'adulte.» En mars 1997, Brigitte Boisselier nous expliquait qu'avant l'an 2000 son mouvement aurait annoncé «la conception d'un être humain par clonage». «Il s'agit d'une technique relativement simple, dont il est illusoire de penser qu'elle ne sera jamais mise en u-vre dans l'espèce humaine, faisait-elle valoir. Le penser, c'est nier l'évidence, poursuit-elle. Aujour-d'hui, on reproduit avec le clonage la même erreur que celle que l'on avait commise avec la fécondation in vitro.»Beaucoup, à l'époque, sourirent de ces propos et quatre ans plus tard les prévisions de Mme Boisselier ne se sont pas réalisées. Pour autant, certains s'inquiètent ouvertement des agissements de cette Eglise dont les membres refusent qu'on puisse la qualifier de secte. C'est notamment le cas du Pr Bertrand Jordan (Marseille-Génopole), l'un des meilleurs généticiens français qui, dans les colonnes du mensuel franco-québécois Médecine/Science, fournit une série d'informations qui ne rassureront guère ceux qui s'angoissent à l'idée qu'un nouveau tabou puisse bientôt être brisé. «Cette idéologie, les moyens financiers non négligeables dont dispose le mouvement, mais aussi et surtout son caractère sectaire sont en l'occurrence de sérieux atouts, souligne le Pr Jordan. La matérialisation du projet raëlien est liée à la rencontre avec un couple américain qui a perdu un enfant l'an dernier à dix mois, à la suite d'une erreur médicale. Bien que jeunes (ils n'ont pas atteint la quarantaine), les parents, qui ont déjà deux autres enfants, tiennent absolument à recréer ce bébé afin qu'il poursuive sa vie prématurément et injustement interrompue.»Sans méconnaître les obstacles techniques que rencontreront ceux qui veulent créer un être humain par clonage, l'auteur souligne les «avantages» dont dispose l'Eglise raëlienne à commencer par le fait que des dizaines de jeunes femmes du mouvement sont prêtes à donner (ou ont déjà donné) les ovocytes destinés à être énucléés et que, d'autre part, elles sont tout aussi nombreuses à offrir leur utérus pour la gestation de l'embryon cloné. Clonaid commercialise déjà via Internet des ovocytes. «Je frémis (et je ne suis sûrement pas le seul) à l'idée qu'un jour la grande presse puisse annoncer la naissance du premier clone humain et présenter cet événement comme un éclatant succès de la secte raëlienne et, quelque part, comme une preuve de ses théories délirantes et une incitation à leur accorder crédit» conclut le Pr Jordan. Il n'est certes pas le seul. Mais comment ne pas mesurer, ici, le poids de l'impuissance des scientifiques à contrôler une situation que ne maîtrisent guère les responsables politiques et les institutions internationales ?Reste, pour ceux qui ignorent tout de ce mouvement, à présenter l'Eglise raëlienne. Son histoire a débuté en décembre 1973, dans le Massif Central, lorsque Claude Vorilhon, alors jeune journaliste français, dit avoir été abordé par un extraterrestre qui l'a appelé Raël et qui lui aurait confié un message s'adressant à toute l'humanité. Pour les membres (ils seraient 50 000), la Genèse biblique ne fait que raconter l'uvre des Elohim sur notre planète. A partir de matières chimiques dites inertes, et grâce à une parfaite maîtrise de la génétique, les Elohim auraient créé scientifiquement, en laboratoire, toutes les formes de vie existantes sur Terre. Tous les grands prophètes, comme Moïse, Bouddha, Jésus ou Mahomet, ne furent que des messagers de ces extraterrestres. Né de l'union d'un de ces extraterrestres avec une fille de la Terre, Jésus était ainsi chargé de créer un mouvement diffusant les messages bibliques en prévision de notre époque. «Nous sommes parfaitement athées, explique Mme Boisselier, aujourd'hui Evêque raëlien. Et nous sommes réunis par la conviction qu'il existe d'autres êtres ailleurs dans l'Univers et que ces êtres peuvent avoir des liens particuliers avec nous.» Sur la Terre, contact peut être pris sur le site www.clonaid.com