IntroductionCet article fait suite à celui paru le 5 mai 1999 (médecine et hygiène No 2254) consacré à la Commission de surveillance des professions de la santé.Rappelons que cette commission consultative, instituée par les articles 11 et suivants de la loi sur l'exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical (ci-après : loi K 3 05), est principalement chargée d'instruire des plaintes ou des dénonciations dirigées contre des professionnels de la santé exerçant à titre privé ou contre des entreprises du domaine médical visées par la loi précitée.Au terme de son instruction, elle rend un préavis à l'attention du Département de l'action sociale et de la santé (ci-après : le département) ou du Conseil d'Etat suivant la gravité des cas dans lequel elle se détermine sur l'existence, ou non, d'agissements professionnels incorrects. Sur cette base, l'autorité compétente rend une décision.La notion précitée d'agissements professionnels incorrects est particulièrement difficile à cerner. La commission de surveillance a toutefois tenté de dégager une définition, au fil des affaires qu'elle a eu à examiner, qui peut se résumer ainsi :Par agissements professionnels incorrects, il faut entendre l'inobservation de l'obligation faite à tout praticien d'une profession de la santé, formé et autorisé à pratiquer conformément au droit en vigueur, d'adopter un comportement professionnel consciencieux en l'état du développement actuel de la science.Ces agissements professionnels incorrects peuvent notamment résulter d'une infraction aux règles de l'art, de nature exclusivement technique, par commission ou par omission, ou d'une violation de l'obligation générale d'entretenir avec les patients des relations adéquates.Les cas présentés ci-dessous permettent de mieux cerner cette notion, étant précisé que le nombre de plaintes déposées contre des professionnels de la santé, exerçant dans le secteur privé, a augmenté de manière significative durant l'année 2000, puisque la commission a été saisie pour cette période de trente-neuf plaintes, alors que vingt-quatre plaintes avaient été déposées en 1999.Le nombre de sanctions prononcées par le département ou le Conseil d'Etat est en revanche resté stable. En chiffres, ces sanctions sont les suivantes pour les années 1999 et 2000 : cinq avertissements deux amendes cinq blâmes deux blâmes avec amende une radiation temporaireLes agissements professionnels incorrectsLes cas suivants, destinés à illustrer plus particulièrement certains types d'agissements professionnels incorrects, ne se limitent pas à ceux survenus au cours des deux années précitées, mais ont été extraits des affaires instruites par la commission de surveillance ces cinq dernières années.Cas n° 1 : secret médicalUne assurance, qui souhaite obtenir un rapport médical sur l'état de santé général de l'un de ses collaborateurs, dans le cadre d'un litige dont elle fait état dans son courrier, interpelle le médecin-traitant de celui-ci, lequel rédige un rapport circonstancié, dans lequel il retrace les grandes lignes des antécédents personnels de son patient et le motif des consultations.Le patient apprend de manière fortuite l'existence de ce document et saisit la commission de surveillance d'une plainte pour violation du secret médical.Dans le cadre de son instruction, la commission a mis en évidence que le médecin avait mis à la disposition de l'employeur de son patient un rapport médical détaillé sans avoir obtenu au préalable le consentement du patient. En outre, ce courrier ne portait pas la mention «confidentiel». Enfin, ce certificat n'avait pas été adressé au domicile professionnel du médecin-conseil concerné et le nom de celui-ci ne figurait pas expressément sur le courrier.Si la commission de surveillance a retenu à décharge du médecin que celui-ci n'avait manifestement pas eu l'intention de nuire à son patient et qu'il avait été induit en erreur par le fait que l'employeur soit une compagnie d'assurance, pensant ainsi qu'il s'agissait d'une relation assureur-assuré, elle a toutefois constaté qu'il y avait eu violation du secret médical par négligence, étant rappelé que ce secret est protégé par l'article 321 du Code pénal suisse. Cet article prévoit à son chiffre 2 que «La révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement de l'intéressé ou si, sur la proposition du détenteur du secret, l'autorité supérieure ou l'autorité de surveillance l'a autorisée par écrit».En outre, il est clairement spécifié à l'article 4 de la loi concernant les rapports entre membres des professions de la santé et patients (ci-après : loi K 1 80) que les obligations découlant de l'article 321 précité du Code pénal sont instituées dans l'intérêt exclusif du patient.La violation du secret médical telle que relevée ci-dessus est constitutive d'agissements professionnels incorrects. Elle a été sanctionnée par un avertissement.Cas n° 2 : prescription abusiveLa commission de surveillance a eu connaissance de la prescription d'une très grande quantité de calmants par un médecin pour un patient de passage à Genève.Malgré les explications de ce praticien, qui a notamment indiqué qu'il avait mis en garde le patient jugé «sûr» sur le risque de dépendance, la commission de surveillance a estimé qu'une telle prescription était inacceptable.En effet, elle a relevé que le médicament prescrit, particulièrement prisé des toxicomanes et dont le marché noir est florissant, était bien connu pour engendrer une pharmaco-dépendance.Elle a en conséquence estimé qu'il était médicalement inapproprié et dangereux de prescrire, sur une même ordonnance, une telle quantité de ce produit, vendu en liste A, représentant la consommation d'une année ou plus de somnifères, et ce, a fortiori, hors de tout contrôle, à un patient de passage à Genève.Ayant retenu l'existence d'agissements professionnels incorrects, elle a toutefois tenu compte des circonstances particulières du cas et notamment du fait que le médecin concerné avait reconnu qu'il avait commis une erreur. Dans ces conditions, sur proposition de la commission de surveillance, c'est un avertissement qui a été prononcé par le département.Cas n° 3 : pratique non conventionnelle par un professionnel de la santéUne patiente consulte un professionnel de la santé qui, dans le même cabinet, exerce la chiropractie, ainsi qu'une pratique thérapeutique non soumise à la loi sanitaire.Au fil des consultations, la patiente se sent mal à l'aise car elle estime que ce professionnel de la santé adopte des gestes et un comportement à caractère sexuel.Tout en saisissant la commission de surveillance d'une plainte, la patiente indique expressément qu'elle refuse que des faits relatifs à sa sphère intime soient divulgués par ce praticien dans le cadre de sa défense.Compte tenu du contexte de ce dossier, et en particulier des origines de la patiente, la commission de surveillance a décidé de respecter sa décision, alors même qu'elle considère de manière générale, qu'en déposant plainte contre un professionnel de la santé, le patient délie celui-ci tacitement de son secret vis-à-vis de ladite commission. Elle a toutefois relevé que, dans ces circonstances, il ne lui était pas possible d'établir les faits et d'instruire la plainte. Aucun grief n'a donc été retenu pour ce motif à l'encontre du praticien concerné.En revanche, la commission a relevé que celui-ci entretenait manifestement la confusion dans l'esprit des tiers au sujet de ses activités en :I exerçant dans le même cabinet ses deux activités ;I faisant état de ses deux formations sur son papier à lettre professionnel ;I faisant état de son titre de chiropraticien pour obtenir des remboursements d'assurance pour des prestations visant son autre activité.La commission a dès lors estimé que cette confusion est inacceptable de la part d'un professionnel de la santé et constitue des agissements professionnels incorrects qui ont été sanctionnés par un avertissement, vu l'absence d'antécédents de l'intéressé.Cas n° 4 : acte médical délégué à un physiothérapeuteUn orthopédiste prescrit à son patient des séances de physiothérapie combinée pour une épicondylite du coude.Après examen clinique du patient, le physiothérapeute consulté estime nécessaire d'entreprendre une démarche plus générale avant d'entreprendre un traitement local.Il décide ainsi de manière autonome de procéder à des manipulations, en particulier au niveau de la colonne cervicale, ce qui provoque chez le patient des cervicalgies importantes.Le neurochirurgien consulté par la suite diagnostique un torticolis sur manipulations intempestives, mais n'exclut pas une arthrose cervicale exacerbée, mais préexistante, aux manipulations.La commission de surveillance a constaté que le physiothérapeute avait pris la liberté de s'écarter d'instructions médicales précises, sans même en référer au médecin prescripteur. Par là même, il a implicitement remis en question le diagnostic posé par ce dernier. Or, par cette manipulation intempestive, le physiothérapeute avait certainement aggravé une pathologie cervicale préexistante.Des agissements professionnels incorrects ayant été retenus, le département a prononcé, sur proposition de la commission de surveillance, un avertissement.Cas n° 5 : information et consentement du patientUn patient casse, au cours d'un repas, sa prothèse dentaire. Ne parvenant pas à atteindre son médecin-dentiste habituel domicilié dans un autre canton, il contacte un praticien à Genève qui lui avait été recommandé, pour les cas d'urgence, par le professionnel précité.Selon le patient, alors même qu'il avait consulté ce praticien pour la seule réparation de sa prothèse, celui-ci s'était lancé dans une intervention de grande envergure.La commission de surveillance a rappelé que l'article 5, alinéa 1, de la loi K 1 80 prévoit que le consentement éclairé du patient est nécessaire pour toute mesure diagnostique et thérapeutique, ce qui suppose une information appropriée du médecin à son patient, telle que décrite à l'article 1, alinéa 1, de la même loi.Après avoir examiné toutes les circonstances du cas particulièrement difficile à résoudre au vu de la version contradictoire des faits donnée par les parties la commission de surveillance a estimé que le dentiste aurait dû, vu le contexte, se limiter à la réparation demandée ou, s'il la considérait comme impossible, refuser le mandat.Or, le praticien avait au contraire entrepris un véritable traitement sur la denture en général, sans pouvoir apporter la preuve du consentement de son patient pour tous les actes dépassant le cadre de la stricte urgence.Le non-respect par le médecin de l'obligation de s'en tenir au consentement du patient constitue des agissements professionnels incorrects susceptibles d'entraîner une sanction, dont le principe est réservé par la loi K 1 80.C'est un avertissement qui a été prononcé dans la mesure où, de l'avis de la commission de surveillance, la faute du médecin-dentiste ne justifiait pas dans le cas d'espèce une mesure plus sévère.Cas n° 6 : responsabilité du médecin-assistant et du médecin-répondantSouffrant depuis une dizaine de jours de pertes blanches et de douleurs du bas ventre et de la matrice, une patiente se rend dans une permanence où elle est prise en charge par un médecin, non titulaire du diplôme fédéral de médecine et exerçant donc en qualité d'assistant. Celui-ci pratique un examen gynécologique avec un frottis vaginal. Dans l'attente des résultats du laboratoire, il lui prescrit des ovules vaginaux et un antibiotique qu'il a qualifié d'anti-inflammatoire, jusqu'au prochain rendez-vous auquel la patiente ne se rend pas.Le praticien a expliqué qu'il avait opté pour un anti-inflammatoire à but prophylactique pour une infection urinaire débutante avec dysurie.Finalement, le rapport du laboratoire médical a établi que la patiente souffrait d'une vaginite à germes banals.La commission de surveillance a estimé que la prise en charge de la patiente avait été inadéquate. En premier lieu, les moyens utilisés pour le diagnostic des causes des pertes vaginales étaient inappropriés, dans la mesure où le médecin avait pratiqué un prélèvement pour culture des sécrétions vaginales, alors qu'un examen direct de ces sécrétions avec interprétation immédiate sous microscope s'imposait.En outre, aucun diagnostic n'ayant été posé quant à la cause de cette infection, le traitement prescrit avait été inapproprié.Au vu de la prise en charge défaillante de la patiente et du manque de compétence manifeste en matière gynécologique de ce médecin, c'est un blâme que le département a prononcé, sur préavis de la commission de surveillance.S'agissant du médecin-répondant de la permanence, la commission de surveillance a rappelé que, selon le Tribunal administratif genevois, celui-ci doit en principe être tenu responsable d'une faute d'un assistant, à moins d'apporter la preuve libératoire de l'absence de faute dans le choix, les instructions et la surveillance de celui-ci.En l'espèce, elle a estimé que le médecin-répondant avait failli à son devoir de surveillance tel qu'imposé par les tribunaux et qu'il avait fait preuve de négligence en ne s'assurant pas d'une formation continue et d'un encadrement adéquat du médecin-assistant concerné.N'ayant pas pu apporter la preuve libératoire attendue, ce médecin a également fait l'objet d'un blâme, comme proposé par la commission de surveillance.Cas n° 7 : prise en charge de patients toxicomanesLe service du médecin cantonal (SMC) apprend fortuitement qu'un médecin prescrit et distribue de la méthadone à une personne dépendante, et ce depuis de nombreuses années, sans déclaration ni ordonnance.Or, cette infraction s'inscrivait dans le contexte de conflits durables entre le service précité et ce praticien concernant la prise en charge de tels patients.L'instruction de la commission de surveillance a permis de mettre en évidence diverses infractions au règlement concernant la prescription, la dispensation et l'administration de stupéfiants destinés au traitement de personnes dépendantes (K 4 20.06). En particulier, il a été relevé que ce praticien avait violé l'article 2 du règlement précité qui prévoit que «le médecin qui estime indiqué de prescrire un stupéfiant à un toxicomane doit obtenir, au préalable, l'autorisation du médecin cantonal».En outre, la commission de surveillance a constaté que le médecin n'avait pas respecté les modalités de l'administration de la méthadone définies dans le livret explicatif élaboré par le SMC pour la prise en charge de patients toxicomanes.Elle a également exprimé des inquiétudes à l'égard d'un professionnel de la santé qui ne s'était pas interrogé sur l'aptitude à conduire d'un patient décrit comme peu compliant et consommant parfois beaucoup de cocaïne, voire d'héroïne.Enfin, elle a retenu que les diverses injonctions du SMC concernant le nombre de patients toxicomanes suivis n'avaient pas été respectées, alors même que ce praticien tentait de justifier ses prises en charge contestées par le fait qu'il avait été «débordé».Dans ces conditions, la commission de surveillance a proposé au département de prononcer un blâme.Cas n° 8 : dispensation abusive d'anorexigènesLors d'une inspection de routine, les autorités sanitaires constatent l'existence, dans une pharmacie, de plusieurs ordonnanciers contenant de nombreuses prescriptions en infraction avec le règlement interdisant certains médicaments amaigrissants (règlement K 4 05.24), lequel avait été adopté suite à différents accidents thérapeutiques graves.Le pharmacien concerné avait, à de multiples reprises et de façon continue, enfreint le règlement précité qui interdit notamment la mise dans le commerce et la dispensation au détail de médicaments amaigrissants contenant des hormones thyroïdiennes ou analogues, tout comme la prescription magistrale de tels médicaments, l'exécution de ces prescriptions et leur dispensation. En outre, le but des prescriptions litigieuses, à savoir la lutte contre l'obésité, était connu du pharmacien.Le règlement précité interdit également certaines associations de produits. Or, il a été jugé inadmissible de prétendre qu'il n'y avait pas association par le simple fait que les produits figuraient sur des ordonnances distinctes, alors même qu'elles avaient été rédigées simultanément pour le même patient.En raison de la gravité des agissements professionnels incorrects précités, notamment au regard des implications possibles pour la santé publique, auxquels s'ajoutaient deux autres infractions mineures, la commission de surveillance a proposé la radiation temporaire du pharmacien concerné pour une durée de trois mois.Remarque : le Tribunal administratif genevois a rejeté le recours interjeté par le pharmacien contre la décision du Conseil d'Etat qui avait adopté le préavis de la commission de surveillance.Cas n° 9 : prescription abusive de préparations anorexigènesSouffrant d'un problème de poids, une personne contacte sur son téléphone portable un médecin, lequel lui fixe un rendez-vous dans le bar d'un grand hôtel genevois.Lors du rendez-vous, le médecin procède à une brève anamnèse, à l'aide d'un questionnaire-type en anglais.Ce questionnaire devait par la suite être envoyé à l'étranger pour une préparation individualisée de substances amaigrissantes.Le médecin ne procède à aucun examen clinique, ne suggère aucun changement d'habitudes alimentaires, ne mentionne aucune contre-indication à la prise des gélules concernées et ne propose aucun suivi médical.Un paiement au comptant a été effectué pour cette «consultation».Au terme de ses travaux, la commission de surveillance a retenu divers griefs à l'encontre de ce praticien, qui pratiquait régulièrement de la même manière, à savoir :I absence préalable d'examen du patient ;I absence de diagnostic ;I absence de dossier médical, pourtant obligatoire en vertu de l'article 2 de la loi K 1 80 ;I absence d'informations du patient qui ne peut en conséquence fournir un consentement éclairé au sens de la loi précitée ;I prescription de médicaments non enregistrés à l'OICM, qui se révélaient de plus, après analyse, interdits par le règlement interdisant certains médicaments amaigrissants (règlement K 4 05.24) ;I prise de commandes à domicile de médicaments, et ce en violation de l'article 33 de la loi K 3 05 ;I absence d'adresse professionnelle à Genève ;I absence de remplaçant de ce médecin durant ses nombreux déplacements à l'étranger.La commission de surveillance a proposé la seule mesure susceptible de protéger la santé publique, à savoir une radiation définitive de ce médecin, laquelle a été prononcée par le Conseil d'Etat. 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