«Sa voix en tremble encore d'indignation» : c'est en ces termes que l'Agence France-Presse rapporte les propos du Dr Trevor Stammers, médecin généraliste exerçant au sud-ouest de Londres. «Deux de mes patients doivent subir au plus vite une ablation de la vésicule biliaire, mais tout ce qu'(il peut) leur dire, faute de places à l'hôpital, c'est d'attendre. Et cela fait neuf mois que cela dure. En attendant, ils ne peuvent pas travailler parce que des douleurs terribles peuvent les saisir à n'importe quel moment».Un autre des patients du Dr Stammers, victime de crise d'épilepsie à répétition n'a pas pu obtenir de rendez-vous chez un neurologue avant la fin juillet. Et tout est à l'avenant. «Ce n'est plus un service de santé, c'est une gigantesque salle d'attente», lâche le médecin découragé qui n'a plus la foi de considérer comme acquises les promesses d'investissements massifs faites par les travaillistes avant les élections législatives programmées pour le 7 juin. «J'avais de grands espoirs et je suis plutôt déçu», résume-t-il, honteux que les patients ne puissent obtenir du service public de santé un traitement décent.Pour l'AFP, le cas du Dr Stammers est loin d'être isolé. Le moral semble au plus bas à tous les échelons du National Health Service (NHS), un système public de santé gratuit pour tous qui fut pourtant autrefois la fierté des Britanniques. En Grande-Bretagne, les hôpitaux sont désormais surchargés, les équipements dépassés et les professionnels de santé débordés. Mal payés, nombre d'entre eux désertent la profession, en particulier à Londres et dans sa banlieue où la vie est très chère. Résultat : pas une semaine ne se passe sans que la presse ne consacre un article à la décrépitude du NHS et ses conséquences parfois dramatiques, tel ce patient mort quelques semaines après qu'on lui ait enlevé par erreur son rein sain au lieu du rein malade. Malgré une population et des besoins médicaux accrus, le nombre des lits hospitaliers a été réduit de 103 000 en 30 ans. «Exaspérés, les patients les plus riches se font opérer à l'étranger, d'autres, de plus en plus nombreux (leur nombre a doublé en 4 ans), s'endettent pour se faire opérer dans le privé», résume l'AFP.D'après certains experts, la situation était encore pire il y a quatre ans, quand les travaillistes sont arrivés au pouvoir. «Le NHS se porte mieux qu'en 1997», assure Jennifer Dixon, du centre d'études King's Fund, «il dispose de plus d'argent et d'un tout petit peu plus de personnel. Il y a aussi plus d'hôpitaux. Toujours à la traîne de ses voisins européens en matière de dépense pour la santé, la Grande-Bretagne consacre quand même désormais 6% de plus chaque année à la santé. Les listes d'attente flirtent toujours avec le million, mais elles baissent légèrement et le Labour promet que l'attente pour une intervention chirurgicale ne dépassera pas six mois
en 2004. Pour combler les trous, le gouvernement a promis de recruter 20 000 infirmières et 10 000 médecins d'ici à 2005». «Je ne sais pas où ils vont les trouver, s'interroge le Dr Stammers. L'an dernier, un tiers des 23 000 infirmières embauchées avaient été recrutées à l'étranger aux Philippines, en Afrique du Sud, en Espagne, etc.». Réélu, Tony Blair a promis «plus d'argent pour la santé», première priorité des électeurs britanniques selon les sondages. Mais il a aussi prévenu que cela s'accompagnerait de réformes. Et quelques-unes passeront par la concession de certains secteurs à des groupes privés, a-t-il indiqué sans plus de détails. «Personnellement, confie le Dr Stammers, je ne vois pas l'avenir en rose».