Par décision du 4 août 1999, la Chancellerie fédérale a constaté l'aboutissement formel de l'initiative socialiste «la santé à un prix abordable» appelée aussi «initiative santé», déposée avec 108 081 signatures valables.En date du 31 mai 2000, le Conseil fédéral a édité le message concernant cette initiative populaire en concluant à l'intention des Chambres fédérales à son rejet sans contre-projet direct ou indirect. Les objectifs principauxLe principal objectif de l'initiative et c'est surtout celui qui a été retenu par une large partie du public et des personnes concernées est de modifier fondamentalement le financement des systèmes de santé tels que nous les connaissons à l'heure actuelle.L'«initiative santé» mettrait fin au système de la prime par tête. Le financement serait assuré, d'une part, par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et, d'autre part, par des cotisations payées par les assurés, fixées en fonction de leur revenu et de leur fortune réelle ainsi que des charges familiales.Ce premier objectif peut évidemment paraître alléchant puisqu'il allégerait sensiblement le montant des cotisations pour les familles les plus défavorisées.De fait, l'«initiative santé» introduirait un système compatible avec les autres assurances obligatoires de notre système social. Point n'est besoin de rappeler en effet que l'ensemble des dispositions relatives à l'assurance vieillesse, à l'assurance chômage de même qu'aux allocations familiales tiennent compte en tout cas du revenu des assurés. Les cotisations sont en effet perçues sur les salaires, avec toutefois un plafonnement, disposition qui ne figure pas dans l'initiative du Parti socialiste. Ce système, même s'il peut paraître plus juste sur un plan social, comporte des défauts rédhibitoires. Le premier d'entre eux est bien entendu la déresponsabilisation des assurés qui seraient les premiers concernés. En effet, les assurés modestes, même si leurs cotisations sont particulièrement élevées, bénéficient de subventions cantonales permettant d'alléger ce fardeau. Ceci a pour conséquence que lorsque ces assurés consultent, ils n'ont pas forcément conscience du coût réel qu'ils engendrent en particulier lorsque l'on se trouve dans le cadre du système du tiers payant, connu dans certains cantons. Or, étant soumis à une cotisation encore plus basse, toute une catégorie d'assurés auront encore moins la notion des coûts réels engendrés. Cette déresponsabilisation va de plus totalement à l'encontre des buts voulus clairement par la Loi sur l'assurance maladie (LAMal) entrée en vigueur le 1er janvier 1996, qui responsabilise les assurés en ayant conservé le système de la franchise obligatoire et celui de la participation aux coûts.On ne saurait toutefois en rester à ce seul argument et il peut être compréhensible d'estimer que dans le cadre d'une loi sociale, chacun soit appelé à participer à l'ensemble des coûts en fonction de ses seules capacités financières. Une partie de la population n'est d'ailleurs pas insensible à ce type d'arguments dès lors que les cotisations des assureurs maladie ont régulièrement augmenté depuis le 1er janvier 1996 alors même que, par erreur ou par manuvre, les pouvoirs politiques ont toujours prétendu que l'entrée en vigueur de la LAMal permettrait de maîtriser l'évolution des coûts.On peut toutefois répondre au précédent argument que l'application stricte d'un principe général de solidarité ne serait valable que si les primes versées aux assureurs étaient les mêmes dans toutes les régions du pays et pour toutes les assurances de base.Des objectifs moins innocentsA part les buts définis ci-dessus et dont l'attractivité auprès des classes de la population plus défavorisée est régulièrement utilisée par les tenants de cette initiative, il faut en mentionner quelques autres qui, à notre avis, sont plus pernicieux. En effet, le deuxième volet de l'initiative, si celle-ci était appliquée, aboutirait tout simplement à une étatisation totale et irréversible de la médecine. Il appartiendrait en effet à la Confédération, notamment, de fixer les prix maximums des prestations prévues dans l'assurance obligatoire, y compris pour les médicaments, d'instituer une clause du besoin pour l'ensemble des fournisseurs de prestations et, «last but not least», de veiller à ce que le volume des prestations fournies ne soit pas excessif et d'instituer des mesures visant à maîtriser leurs coûts. Il s'agit bel et bien dans ce dernier cas d'un budget global non pas déguisé, mais clairement avoué.Sur ces derniers points, il est frappant de constater que les idées émises par le Parti socialiste, que l'on pouvait jusqu'ici considérer comme un parti progressiste, sont en réalité réactionnaires et se contentent d'appliquer des remèdes dont les effets dévastateurs ont déjà été relevés dans d'autres pays proches du nôtre. En particulier, on tente de suivre l'exemple donné par l'Angleterre dont la planification à outrance et l'instauration de budgets globaux pour l'ensemble des systèmes de santé ont abouti aux échecs cuisants que l'on constate et qui ont obligé le gouvernement, tout récemment, à prendre des mesures d'urgence. Ledit gouvernement est pourtant également socialiste
L'«initiative santé» du Parti socialiste est donc basée sur des prémisses que l'on doit considérer comme erronées et qui ne tiennent pas compte de la réalité. A cet égard, il est intéressant de se référer au message du Conseil fédéral à l'appui du refus de cette initiative.Il est piquant de constater que le Conseil fédéral précise de façon très claire que si en 1998, par exemple, les budgets cantonaux avaient assumé la même part au financement de l'assurance maladie sociale qu'en 1992, ils auraient dû au total prendre 1,3 milliard de francs de plus sur leur budget, montant qui est passé à la charge des seuls assurés depuis l'entrée en vigueur de la LAMal en 1996.L'augmentation régulière des primes depuis cette date est expliquée par le Conseil fédéral enfin, pourrions-nous dire qui reconnaît qu'elle est due essentiellement au retrait des contributions des pouvoirs publics. Force est d'admettre que si cette affirmation était venue plus tôt, il n'est pas certain que la LAMal aurait été acceptée en votation populaire. Mais il est en tout cas certain que si nos autorités fédérales assumaient leurs responsabilités, les augmentations successives de primes trouveraient une autre justification que simplement l'augmentation du nombre total de prestataires de soins dans notre pays. Cela étant, le même Conseil fédéral admet dans son message que la croissance des coûts qu'enregistre l'assurance des soins a diminué à l'heure actuelle, si l'on compare les chiffres d'aujourd'hui avec ceux qui pouvaient être consultés il y a dix ans.Il admet également que le taux de cette croissance est demeuré supérieur durant ces dernières années par rapport à son objectif. Celui-ci était de faire en sorte que la hausse annuelle des dépenses globales de la santé corresponde à l'évolution générale des salaires et des prix.Il avoue enfin que le même objectif, formulé dans le message de 1991, ne pourra pas être atteint, dans la mesure où les coûts de la santé par tête d'habitant résultent de deux variables : les prix et la quantité. Or, l'élément quantitatif ne permet pas de calculer la hausse des coûts de la santé sur le seul indice des prix.C'est donc la première fois que le Conseil fédéral reconnaît que le volume des coûts de la santé est incompressible et ce simplement en raison du vieillissement de la population. On estime en effet que ce seul phénomène augmente les coûts globaux de 4 à 5% par année. C'est d'ores et déjà un chiffre supérieur à celui de l'indice des prix de ces dernières années.L'initiative du Parti socialiste part donc certainement d'une bonne intention, mais dit-on l'enfer en est pavé. Ce n'est certainement pas par le biais de remèdes qui ont montré leur impuissance sous d'autres cieux que l'on arrivera à résoudre les problèmes qui se posent à notre système de santé alors même que celui-ci donne toute satisfaction.On relèvera en conclusion et à cet égard une contradiction majeure. L'initiative prévoit que l'assurance obligatoire en cas de maladie doit garantir à tous les assurés une assistance médicale de haute qualité, adaptée aux besoins et financièrement abordable. Une fois de plus, on veut ce qu'il y a de meilleur mais on n'accepte pas de le payer. Là aussi, il faudra choisir et admettre que tout n'est pas possible.