Nous achevons ici l'analyse du rapport rédigé sur le thème de la DHEA, Jouvence annoncée des temps modernes, qui vient d'être rendu public par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou Afssaps (voir Médecine et Hygiène du 15 et du 30 août 2001). «Aux Etats-Unis, depuis 1994, la DHEA a été autorisée comme complément alimentaire, entraînant la commercialisation d'un produit non soumis à des normes pharmaceutiques au plan de la qualité, sans précision de dose ou de population cible, soulignent les auteurs. L'engouement du public français pour la DHEA qui promet «une jeunesse éternelle», relayé par la pression des médias, a entraîné une utilisation qui semble désormais importante de ce produit obtenu par internet ou en préparation magistrale. En effet, en l'absence de qualification, rien ne s'oppose à la mise à disposition de la DHEA en France et notamment sous forme de préparations magistrales. Dans le cadre de l'utilisation en préparations magistrales, celles-ci sont prescrites et délivrées sous la responsabilité exclusive du médecin et du pharmacien, qui s'assurent respectivement du rapport bénéfice/risque et de la qualité du produit.»Au terme de son analyse, l'Afssaps estime qu'il ne peut être conseillé de prescrire la DHEA dans le cadre de la lutte contre les effets du vieillissement, quels que soient l'âge et le sexe. «L'utilisation éventuelle de ce précurseur hormonal n'est donc pas justifiée en dehors des essais thérapeutiques ou de situations cliniques très particulières à juger au cas par cas» estime l'Agence. Cette dernière ne fait pourtant pas une croix sur toute forme d'usage de la DHEA à des fins thérapeutiques. Elle rappelle que la formation d'hormones stéroïdiennes à partir de la DHEA est bien étudiée, notamment par les études réalisées dans l'insuffisance antéhypophysaire globale (Young J, et al. J Clin Endocrinol Metab, 1997). Chez l'insuffisant antéhypophysaire, dépourvu de sécrétion spontanée de DHEA, l'administration de 50 mg par jour permet d'observer des taux de DHEA-S circulante dans la gamme des concentrations physiologiques, et provoque une augmentation significative des taux d'androgènes et d'strogènes plasmatiques. L'administration de 200 mg par jour conduit à des taux supraphysiologiques de DHEA-S.Pour l'Afssaps, la DHEA a montré un intérêt potentiel dans le cas très particulier des insuffisances surrénaliennes. Elle a aussi fait l'objet d'un programme de développement clinique avancé dans l'indication du lupus, pour laquelle une demande d'AMM pourrait être déposée prochainement en Europe. Des projets d'essais sont soumis à l'Afssaps dans d'autres indications (infection par le VIH et maladie de Steinert). Pour ce qui est des effets indésirables, aux Etats-Unis, 64 notifications spontanées ont été enregistrées par la FDA jusqu'en février 2001. Pour les cas rapportés, les doses utilisées étaient variables mais inférieures ou égales à 50 mg/j dans plus de deux tiers des cas. La plupart des cas sont mineurs et attendus (acné, bouffées de chaleur, etc.) et rapportés par les consommateurs. A noter qu'ont aussi été déclarés à la FDA un cas d'aggravation de cancer de la prostate (Jones JA, et al. Urology, 1997), un cas d'extrasystolie auriculaire et ventriculaire (Sahelian R, Borken S. Ann Int Med, 1998) et deux cas d'agitation-confusion (Kline MD, Jaggers ED. Am J Psych, 1999 Markowitz JS, et al. Biol Psychiatry, 1999). «Au total, seuls quelques cas d'atteinte hépatique mal documentés, de syndrome confusionnel et de troubles du rythme bénins retiennent l'attention en raison de leur caractère inattendu, peut-on lire dans le rapport. En France, entre 1987 et avril 2001, huit cas d'effets indésirables ont été rapportés au système national de pharmacovigilance, dont deux effets graves : un cas d'infarctus du myocarde d'évolution favorable chez un patient de 83 ans ayant de lourds antécédents cardiovasculaires et un cas d'hépatite d'évolution favorable chez une patiente de 54 ans.»Les autres effets sont soit bénins, d'évolution favorable à l'arrêt, soit difficiles à rattacher à la prise de DHEA. Cependant, la notification spontanée ne permet pas d'identifier des effets à long terme. Enfin, pour tous ces cas, on ne connaît ni la composition ni la qualité réelle de la DHEA. Les données de tolérance de la DHEA (essentiellement extraites de deux études pivots menées dans l'indication de lupus) confirment le risque d'hyperandrogénie (acné et hirsutisme, à l'origine de la majorité des arrêts de traitements) et la diminution du cholestérol-HDL. De même, le risque de cancer hormono-dépendant a paru suffisamment préoccupant pour mettre en place un suivi par mammographie et échographie utérine des patientes lupiques traitées. Enfin, dans cette étude, il est clairement montré une augmentation du taux de testostérone liée à la dose de DHEA, et une élévation plus modérée de l'stradiol, y compris chez les femmes ménopausées sous traitement hormonal substitutif. En conclusion, toutes les données de tolérance analysées confirment que la DHEA diminue le cholestérol-HDL ; cet effet peut être expliqué par l'effet androgène du produit. Les conséquences cardiovasculaires potentielles d'une telle baisse sont à évaluer et à prendre en compte pour une substance destinée à être utilisée au long cours. Le risque d'induction et/ou d'aggravation de cancers hormono-dépendants (sein, endomètre et prostate) ne peut être exclu, notamment dans des situations d'utilisation à long terme. Ce risque justifierait un dépistage et une surveillance adaptée de tous sujets exposés à la DHEA. Enfin, les symptômes cliniques associés à l'hyperandrogénie, et qui seraient dose-dépendants, paraissent modérés à la dose quotidienne de 50 mg. Et bien évidemment, tous ces éléments et effets secondaires sont à prendre d'autant plus en compte que les doses et la durée d'exposition augmentent.