La tragédie que vivent, depuis le 11 septembre, les Etats-Unis et l'onde de choc planétaire qui en a résulté, ont réactivé les craintes que l'on peut légitimement nourrir quant à l'usage qui pourrait être fait de certains agents biologiques à des fins terroristes. Cette menace n'est certes pas nouvelle. Pour autant, force est de constater que rien ou presque n'a été mis en uvre pour fournir des réponses adaptées, cette question demeurant, en France, classée «confidentiel défense». Il en va différemment outre-Atlantique où la guerre du Golfe et l'hypothèse de la détention par l'Irak de stocks de Bacillus anthracis ont joué un puissant rôle révélateur. L'hypothèse, hautement vraisemblable, que des réserves de virus de la variole existeraient dans deux sites officiels (à proximité de Novossibirsk et à Atlanta) n'a rien non plus de véritablement rassurant. Le Congrès américain avait, en 1999, alloué 121 millions de dollars aux Centers for Diseases Control and Prevention d'Atlanta dans le but d'améliorer le dispositif existant de surveillance et de lutte contre les maladies infectieuses émergentes ou réémergentes.Le programme américain de lutte contre le bioterrorisme prévoit aujourd'hui la fabrication de quarante millions de doses de vaccin antivariolique et des contrats ont été passés à cette fin avec des fabricants. «Les responsables de la dermatologie se sont mobilisés sur cette question en expliquant à leurs confrères la nécessité de savoir reconnaître au plus vite les symptômes cutanés de la variole», nous a expliqué le Pr Gérard Lorette, chef du Département de dermatologie au CHU de Tours. «Il serait judicieux que de telles initiatives soient prises dans notre pays». Outre la variole et le bacille du charbon et sans évoquer les germes pathogènes génétiquement modifiés les spécialistes de la lutte contre le bioterrorisme redoutent l'usage qui pourrait être fait de Yersinia pestis, de la toxine sécrétée par Clostridium botulinum ainsi que par les différents virus responsables des fièvres hémorragiques. On peut également redouter l'usage terroriste qui pourrait être fait des virus pathogènes pour les animaux comme celui de la fièvre aphteuse. A propos de l'actuelle épizootie qui continue à sévir en Grande-Bretagne, l'hypothèse d'une origine terroriste avait d'ailleurs été avancée.En dépit du dispositif qui se met en place aux Etats-Unis, des responsables des CDC expliquaient il y a quelques semaines dans les colonnes du New England Journal of Medicine que des failles majeures existaient encore dans l'organisation du système. Ils exprimaient aussi leurs regrets de voir que la lutte contre le bioterrorisme ne soit pas encore perçue dans leur pays comme une priorité nationale. Des efforts substantiels demeurent encore selon eux, à accomplir pour prévenir l'émergence d'un risque majeur aux conséquences sanitaires, économiques et psychologiques considérables. Que dire alors de la situation française où les professionnels de la santé ne sont aucunement mobilisés sur cette question ? Comment comprendre que le système actuel de veille sanitaire ne soit pas en charge d'une question à ce point essentielle.