Depuis ses débuts en 1989, la thermothérapie transurétrale de la prostate s'est lentement fait une place de choix dans l'arsenal thérapeutique de l'hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) symptomatique. Même si au début les protocoles de traitement proposés tenaient plus de l'expérimentation et, il faut bien le dire, ne donnaient que des résultats décevants, force est de reconnaître que le matériel et les logiciels mis à disposition actuellement permettent aux urologues de proposer un traitement en ambulatoire, court (30 minutes) et en anesthésie locale, des symptômes mictionnels obstructifs dus à l'HBP, particulièrement aux patients âgés et polymorbides.
Dans la prise en charge d'un adénome prostatique symptomatique, après échec d'un traitement médicamenteux, la résection endoscopique transurétrale de la prostate (TURp) est l'intervention la plus souvent pratiquée et reste le gold standard.1,2
De nombreuses formes de traitement, moins invasives, ont été proposées ces dernières années comme alternatives à la TURp, visant à en réduire la morbidité. La thermothérapie, présentée comme méthode alternative depuis 19893,4,5,6,7,8 consiste en l'application de micro-ondes par voie endo-urétrale associée à un système de refroidissement de la muqueuse de l'urètre prostatique.9,5 Dans ce domaine, la littérature internationale en fait largement état, surtout au sujet du système Prostatron® (EDAP Technomed, France), FDA approved depuis 1996, date à partir de laquelle un nouveau software a permis d'atteindre une température de 70°, gage d'une meilleure efficacité de traitement. Celui-ci est équipé d'une électrode monopolaire utilisant une longueur d'onde de 1296 MHz, proposé en deux variantes, par exemple soit avec une antenne située à 1 cm en dessous du col vésical (TUMT®2.0), soit au niveau du col vésical (TUMT®2.5). Le cathéter urétral de thermothérapie de charrière 25 est composé d'un ballonnet de retenue classique, de l'antenne à micro-ondes, des canaux de refroidissement de l'urètre et d'une fibre optique pour la détection de la température urétrale. Le traitement ne saurait se faire sans la sonde rectale équipée de trois fibres optiques permettant le contrôle de la température intrarectale lors du traitement à trois points différents du rectum. Les températures intraprostatiques ainsi générées sont de l'ordre de 60 à 80°C. Cette méthode entraîne une nécrose de coagulation irréversible du tissu prostatique qui, après résorption, aboutit généralement à la formation d'une cavité intraprostatique. Les différents paramètres (niveau d'énergie appliquée, refroidissement de l'urètre membraneux, température endorectale) peuvent être contrôlés en permanence au moyen d'une console informatisée.
Les patients doivent tout d'abord être vus à la consultation où seront effectués les examens habituels, à savoir un toucher rectal, un ultrason transrectal de la prostate, une débitmétrie, une mesure du résidu post-mictionnel, un stix urinaire, un dosage du PSA et une évaluation du score international symptomatique de la prostate (IPSS). A cela doit s'ajouter une cystoscopie qui permettra d'une part, d'exclure une tumeur vésicale et d'autre part, d'objectiver la présence d'une hyperplasie excessive du lobe médian et de mesurer la distance col-veru montanum. Ces différents examens permettent donc de sélectionner les bons candidats pour une thermothérapie (tableau 1).
Dans la mesure du possible, tous les patients bénéficient de la pose d'une sonde sus-pubienne avant le début du traitement d'une part, afin de prévenir une rétention urinaire aiguë dans la phase postopératoire due à l'dème prostatique secondaire à l'échauffement de la prostate et d'autre part, afin de permettre la mesure des résidus post-mictionnels par le patient lui-même à domicile. Tous les patients reçoivent une prophylaxie antibiotique de triméthoprime/sulfaméthoxazole (Bactrim®) ou ciprofloxacine (Ciproxine®) à raison d'un comprimé par jour jusqu'au retrait de la sonde sus-pubienne.
La séance de thermothérapie (Prostasoft 1998®) est effectuée en anesthésie locale par application endo-urétrale de 20 ml de Novésine® si nécessaire couplée à une prémédication d'un anesthésique semi-synthétique comme la péthidine (Dolantine®). Après insertion de la sonde de thermothérapie et remplissage de son ballonnet avec 10 cc d'eau, la sonde est retirée jusqu'au niveau du col vésical, puis sa position contrôlée par ultrason. Le placement et l'orientation de la sonde sont des points cruciaux de la procédure. Durant le traitement, la vessie est drainée en permanence par la sonde sus-pubienne. Après une phase de refroidissement de l'urètre de 10 minutes jusqu'à environ 8°C, l'énergie délivrée par la sonde thermique est augmentée jusqu'à 80 W pour l'obtention rapide d'une température de 37°C. Cette température est alors ajustée et stabilisée à 40°C ± 1°C, ceci correspondant à une température à l'intérieur de la prostate de 70 à 80°C. La durée du traitement est de 30 minutes. Durant la thérapie, la température de la sonde et la température rectale sont en permanence contrôlées par l'opérateur, la température rectale ne dépassant pas les 43,5°. A la fin du traitement, la muqueuse de l'urètre est à nouveau refroidie rapidement. Précisons que le logiciel gère automatiquement le bon équilibre entre la température centrale du patient, les températures intraprostatique et rectale, ceci pouvant être contrôlé par l'opérateur en mode manuel à n'importe quel moment de la procédure. Le cathéter urétral est alors retiré et le patient peut rentrer à domicile avec la sonde sus-pubienne.
Pendant le traitement, la plupart des patients ont un sentiment d'urgence mictionnelle alors même que leur vessie est constamment drainée par la sonde sus-pubienne ; cet effet désagréable peut être diminué par des anticholinergiques tels que le Detrusitol®, ou des antispastiques comme la Novalgine® donnés en préopératoire.
Les complications ou effets indésirables décrits en relation avec la thermothérapie pendant la phase postopératoire sont le plus fréquemment des infections urinaires, spasmes vésicaux, incontinence d'urgence, épididymite, et éjaculation rétrograde. Cette dernière est estimée à environ 20-25% dans une population de patients sexuellement actifs ; à noter que nous pratiquons plutôt la thermothérapie chez des patients très demandeurs quant à l'intégrité de leur éjaculation antégrade, puisque les chances de la conserver sont plus grandes qu'avec une TURp classique.
La thermothérapie se pratique donc en ambulatoire, ou en hospitalisation de 24 heures.
Ce traitement est particulièrement bien adapté à des patients anticoagulés, ou au risque opératoire accru (ASA 3-4), il est rapide, se fait en anesthésie locale, et le patient peut rentrer à domicile le soir même ou le lendemain matin.
La première consultation est effectuée entre le 10e et le 15ejour postopératoire pour une mictiographie, une mesure du résidu post-mictionnel par la sonde sus-pubienne et l'ablation de celle-ci pour des résidus inférieurs à 100 ml. Les contrôles ultérieurs ont lieu à 6, 12 et 24 mois après le traitement.
Depuis son avènement en 1989, le développement de la thermothérapie est caractérisé par une évolution constante du matériel et des différents protocoles de traitement avec changements des variables telles que la température intraprostatique, la délivrance d'énergie, et la durée du traitement. Au début, le traitement durait 60 minutes, cette méthode s'étant révélée sûre, efficace, avec une amélioration significative subjective et objective des symptômes obstructifs de l'hyperplasie bénigne de la prostate, ainsi que la durabilité de ces effets dans le cadre d'un suivi de plus de sept ans. Plusieurs groupes universitaires ont alors développé des protocoles de traitement «de haute énergie» de 30 minutes, ayant l'avantage d'une durée d'échauffement de la prostate plus courte avec une intensité plus grande, et d'augmenter le confort global du patient pour ce type de traitement.
Le protocole de 30 minutes de «haute énergie» fait ses preuves depuis plusieurs années ; ainsi, Sorensen et coll.10 ont démontré une amélioration subjective du score symptomatique IPSS de 76% à six semaines, 80% à trois mois, une augmentation objective du débit urinaire de 65% à six semaines et de 121% à trois mois. De la Rosette et coll.11 confirment ces résultats dans le cadre d'un suivi de quatre ans. De façon incontestée, la thermothérapie de la prostate procure des résultats sur l'amélioration des symptômes et la qualité de vie des patients comparables à ceux obtenus par des méthodes plus invasives comme la TURp, en étant grevée d'une morbidité moindre et adaptée plus facilement à des patients polymorbides.
Le point crucial reste évidemment de savoir si les bons résultats obtenus avec la thermothérapie sont comparables dans leur durée avec ceux de la TURp, raison pour laquelle de nombreux urologues et médecins traitants restent encore sceptiques. Pour répondre à cette question, Ramsey et Dahlstrand12 ont effectué la plus grande revue de la littérature à ce jour, comparant les différentes études concernant la thermothérapie depuis ses débuts : il semble que les protocoles «à haute énergie» provoquent une nécrose de coagulation plus importante avec une cavité intraprostatique visible à l'ultrason transrectal chez au moins 40% des patients,13 et la nécessité d'un second traitement (TUMT/TURP/médicamenteux) paraît moins importante (17%-18,5% après quatre ans) qu'avec les protocoles «à basse énergie» du début. Il faut tout de même rappeler que la TURp est grevée d'un taux de réintervention de 2% par année14 ou 15% sur huit ans.15,16
La thermothérapie de la prostate est un traitement valable pour le traitement de l'hyperplasie bénigne de la prostate ; elle est réalisée en anesthésie locale, avec peu de morbidité, particulièrement pratique et adaptée à des patients âgés qui présentent plusieurs autres pathologies concomitantes, s'effectuant en ambulatoire ou en hospitalisation de 24 heures. Les nouveaux protocoles «à haute énergie» procurent un échauffement rapide et efficient du tissu prostatique permettant de diminuer la durée du traitement à 30 minutes et apportant, d'après les publications de plusieurs «grands centres de la thermothérapie», des améliorations durables pour au moins trois à quatre années après le traitement, les années à venir étant actuellement évaluées dans des études prospectives.a