A la demande du ministère français de la Santé (Direction générale de la santé), un groupe d'experts vient de réaliser une revue des données récentes sur les indications cliniques et techniques de mesure quantitative de la densité osseuse dans le but d'actualiser les connaissances sur un thème où prévaut une certaine confusion. Cette initiative fait suite à un rapport de la Communauté européenne paru en 1998 et à la mise en place d'un groupe d'experts de l'OMS sur ce sujet. Une revue des données sur le sujet réalisée par l'International Network of Agencies for Health Technology Assessment (INAHTA) en 1998, la validation de nouveaux traitements anti-ostéoporotiques ainsi que de nouvelles techniques de mesure en développement (ultrasons en particulier) ont justifié cette actualisation qui a été conduite sous l'égide de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes).Premier point : «Le dépistage de l'ostéoporose dans la population générale n'apparaît à ce jour pas justifié selon la majorité des études ou synthèses disponibles sur le sujet, peut-on lire dans ce document. La question est davantage posée aujourd'hui en termes de définition des personnes à risque fracturaire élevé et d'accessibilité aux mesures de densité osseuse.» Ce rapport a été centré sur les données obtenues par absorptiométrie à rayons X double énergie (DXA) qui concerne la grande majorité des articles sur le sujet ainsi que par ultrasons, technique où les paramètres diffèrent de ceux étudiés par DXA. «De nombreuses études prospectives de cohorte confirment que la baisse de la densité minérale osseuse (DMO) mesurée par DXA augmente de façon significative le risque fracturaire, soulignent les auteurs. Trois grandes études prospectives ont montré que la baisse des paramètres ultrasonores augmente elle aussi le risque de fracture et ceci indépendamment des résultats de la mesure par DXA. Cependant, les données cliniques disponibles sur les ultrasons sont insuffisantes pour évaluer leur place dans l'arsenal diagnostique (nombre limité d'études, peu de données de suivi, données limitées au contexte de la recherche).»Quelles sont les situations cliniques dans lesquelles l'ostéodensitométrie peut être recommandée ? Vingt-trois rapports d'évaluation technologique ont été étudiés en 1997 par le Swedish Council on Technology Assessment in Health Care. Leur analyse met en évidence une nette divergence des points de vue sur l'utilisation qui peut ou doit être faite de l'ostéodensitométrie.I Ostéodensitométrie et dépistage. Aucun rapport ne défend le dépistage systématique pour la population générale et un quart d'entre eux environ sont en faveur du dépistage systématique chez les femmes à la ménopause. «Une étude de simulation basée sur la revue de la littérature réalisée par l'agence suédoise a évalué l'efficience théorique d'un dépistage systématique et organisé de l'ostéoporose suivi d'un traitement hormonal substitutif (THS), prenant en compte le pourcentage de femmes se rendant au dépistage, l'observance des THS, la sensibilité et la spécificité de l'instrument de mesure, peut-on lire dans le rapport. Selon le scénario envisagé, 1 à 7% des fractures du col fémoral seraient prévenus si cette technologie était utilisée pour toutes les femmes ménopausées. Les résultats de cette étude mériteraient d'être revus à la lumière des données nouvelles sur les thérapeutiques de l'ostéoporose.»La stratégie d'utilisation qui consiste à réaliser un dépistage ciblé sur les femmes ménopausées asymptomatiques présentant de multiples facteurs de risque fracturaire bien établis recueille le plus d'avis favorables. Elle correspond d'autre part aux recommandations émises par la Communauté européenne, l'OMS ou le Groupe de recherche et d'information sur l'ostéoporose (GRIO). Des zones d'ombre subsistent d'autre part sur l'âge opportun du dépistage ou encore l'efficacité de ces mesures pour prédire des fractures survenant 20 ou 30 ans après dépistage.I Indications en dehors du dépistage. On retrouve fréquemment celle du suivi de la perte osseuse ou du gain de densité notamment sous traitement anti-ostéoporotique. Aucune étude n'a montré aujourd'hui l'intérêt d'une mesure répétée de la densité osseuse. «Le suivi thérapeutique n'a de sens que si l'intervalle entre deux mesures est suffisant pour que la perte ou le gain osseux soit assez important vis-à-vis de l'erreur de mesure et s'il peut induire d'éventuelles modifications ou ajustements de l'attitude thérapeutique ou même conduire à l'arrêt des traitements (dans la mesure où les conséquences des traitements au long cours sont mal connues), estiment les experts. A ce jour, ce bénéfice n'est pas démontré.Quelques éléments pratiques sont à retenir : la mesure répétée doit être nécessairement réalisée sur le même appareil, sur le même site anatomique ; l'intervalle nécessaire entre deux mesures doit être évalué avec précision ; les mesures de densité osseuse peuvent être proposées aux sujets présentant des pathologies osseuses symptomatiques à l'origine de perturbations du métabolisme phosphocalcique et/ou de remodelage osseux (traitements corticoïdes prolongés, hyperparathyroïdies). Là encore, les bénéfices, pour le patient, des mesures répétées de densité osseuse restent à établir.(A suivre)