Nous poursuivons ici l'exposé des grandes lignes du rapport consacré à la mesure de la densité osseuse (MDO) que vient de rédiger, à la demande du ministère français de la Santé (Direction générale de la santé), un groupe d'experts réunis sous l'égide de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Médecine et Hygiène du 28 novembre 2001). Après avoir traité des indications actuelles de cette technique, ces experts se sont intéressés à ses perspectives. Rappelant que les données scientifiques disponibles ne permettent pas de proposer aujourd'hui la mesure de la DMO comme moyen de dépistage systématique et organisé de toutes les femmes à la ménopause, ils soulignent que face «au décalage qui existe entre les données de la science et la pratique quotidienne» et compte tenu «de la difficulté et de la longueur des études d'efficience», il pourrait sembler «logique» d'adopter une «attitude intermédiaire». En toute hypothèse, il importe de s'intéresser au contexte de la réalisation de la mesure de la DMO. «Sur le plan technique, des méthodes de contrôle de qualité doivent être mises en place de manière rapide, comme cela a été fait par exemple dans le cadre du dépistage du cancer du sein par la mammographie, soulignent les auteurs. Les procédures de réalisation des mesures de densité osseuse doivent être rédigées par les professionnels. Cette recommandation est indispensable car elle conditionne les autres».En attendant de disposer de preuves scientifiques supplémentaires sur l'efficience de la mesure de la DMO, les experts estiment que l'on peut raisonnablement proposer de réaliser une mesure de densité osseuse dans différentes situations :I Présence d'éléments qui font suspecter une ostéoporose avérée (antécédents personnels de fracture lors d'un traumatisme minime, découverte radiologique de déformations vertébrales évoquant un tassement). Il est ici nécessaire de définir aussi précisément que possible les éléments faisant suspecter une ostéoporose. Par exemple, le type des déformations évoquant une fracture doit être défini par rapport aux critères radiologiques publiés.I Existence d'une pathologie ou d'un traitement connus pour induire une ostéoporose secondaire. Les pathologies et/ou les traitements (ainsi que leur dose et leur durée) induisant une ostéoporose secondaire doivent toutefois être définis. I Suivi des patients sous traitement anti-ostéoporotique. Dans ce cas, le délai minimum entre deux examens doit être précisé en fonction du type de pathologie sous-jacente et/ou du type de traitement prescrit à partir des tables publiées et de l'efficacité attendue des traitements. Pour ce dernier point, l'impact réel de la mesure répétée sur les modalités thérapeutiques doit être mieux précisé.Une controverse prévaut aujourd'hui sur la question de la prise en charge de la densitométrie pour les femmes chez qui un ou plusieurs facteurs de risque sont découverts soit lors d'une consultation pour un autre motif, soit dans le cadre d'un dépistage systématique organisé. Pour les experts, cette question «doit faire l'objet d'une étude plus approfondie sur les facteurs permettant d'identifier un groupe dont le risque est assez élevé pour optimiser la valeur prédictive de la mesure de DMO et sur l'âge opportun du dépistage». Le cas échéant, ces facteurs devront être clairement identifiés et quantifiés avant de proposer un dépistage reposant sur leur présence. Ils devront en outre être limités à un petit nombre et représenter les facteurs les plus prédictifs de fracture et les plus simples à mesurer.En l'état actuel des données, l'Anaes formule une série de propositions en observant que toutes les données disponibles dans la littérature ne sont pas exploitées de façon optimale. C'est tout particulièrement vrai pour la notion de «score de risque fracturaire» qui pourrait être développée en combinant la densitométrie avec d'autres facteurs de risque et guider la stratégie thérapeutique. Des informations sur l'efficience des différentes stratégies en cours d'analyse pourraient d'autre part être tirées d'études de simulation et d'analyses de décision. «L'intervalle de temps minimum entre deux mesures pourrait être estimé à partir d'une revue exhaustive de la littérature sur le gain osseux attendu en fonction du traitement, du site mesuré, et des facteurs liés aux patients (âge, pathologie, etc.) et en tenant compte de la précision attendue de l'examen en routine» peut-on lire dans le rapport.Et quid de l'usage des techniques basées sur l'usage des ultrasons ? La stratégie d'utilisation des ultrasons en complément ou à la place des données obtenues par absorptiométrie à rayons X double énergie (DXA) pourrait être idéalement évaluée au cours d'essais prospectifs contrôlés comparant différentes stratégies préventives ainsi qu'au moyen d'études de modélisation testant les différents scénarios possibles, en fonction des performances connues des techniques. «Ces deux types d'approche sont complémentaires. Les études prospectives, bien que difficiles et coûteuses, sont les seules qui permettent d'obtenir des données réelles sur lesquelles peuvent être élaborées les études de simulation, rappellent les auteurs du rapport. Ces études devraient être conçues pour analyser le rapport coût-efficacité de chaque stratégie».Plus généralement, les experts soulignent que l'INSERM, le CNRS, et les institutions publiques et privées devraient être sollicités pour répondre à toutes ces questions. Et les auteurs de conclure : «un remboursement sélectif conduisant à rembourser la mesure de la DMO dans certaines indications cliniques et dans les conditions techniques adéquates doit être décidé».(Fin)