Cet article de revue thérapeutique récente, médicale et chirurgicale, concerne les principaux domaines des affections graves de la sphère ophtalmologique rétinoblastome, cataracte congénitale, glaucome, uvéite, et dégénérescence maculaire liée à l'âge. Le praticien doit être conscient des importants progrès thérapeutiques dans ces domaines pour encourager ses patients présentant un handicap visuel, à rester en contact avec leurs ophtalmologues traitants, même si, peu de temps auparavant, il leur a été dit que «rien ne pouvait être fait».
L'article de revue sur les dernières acquisitions en ophtalmologie est centré sur les progrès thérapeutiques dans les affections oculaires les plus gravement cécitantes, ou celles où le pronostic vital est en jeu. Les thèmes ainsi retenus vont des rétinoblastomes aux affections très communes, mais combien préoccupantes, que sont les dégénérescences maculaires liées à l'âge, la rétinopathie diabétique, le glaucome ou l'inflammation des tissus internes de l'il. Les informations présentées illustrent les extraordinaires percées dont les praticiens ophtalmologues bénéficient depuis peu, et dont les généralistes et internistes doivent impérativement être au courant pour régulièrement encourager ceux de leurs patients qui souffrent de handicaps visuels, et se découragent, à tort, de rester en contact régulier avec leurs ophtalmologues.
Le rétinoblastome est la tumeur maligne primaire la plus fréquente chez les enfants. Le traitement traditionnel consiste en une énucléation ou une radiothérapie externe1,2 avec ses conséquences indésirables à long terme. Avec l'arrivée de nouvelles thérapies, plus ciblées, comme la photocoagulation par laser-diode, la cryo-application ou la thermothérapie transpupillaire, et l'association à une chimiothérapie, il est possible d'éviter l'énucléation, et atteindre un taux de survie de 90 à 95%.
La chimiothérapie permet de réduire la taille de la tumeur pour la rendre accessible à un traitement local, tel que la photocoagulation (on parle de chimioréduction). Dans la majorité des cas, la chimioréduction est utilisée pour les rétinoblastomes bilatéraux ou les rétinoblastomes qui auraient auparavant conduit à une énucléation ou une irradiation externe. Malheureusement le rétinoblastome est résistant à de nombreuses classes d'agents chimiothérapeutiques. Une corrélation directe a été décrite entre le contenu en glycoprotéine P de la membrane cellulaire et le degré de résistance, les cellules les plus résistantes exprimant le plus cette protéine. L'effet de cette glycoprotéine peut être inhibé par l'administration de vérapamil ou de ciclosporine. La chimiothérapie, dont le protocole actuel consiste habituellement en deux à six cycles de deux jours de sulfate d'étoposide, de carboplatine et éventuellement de vincristine, peut être modulée par la ciclosporine pour traiter les rétinoblastomes intra-oculaires. C'est là un progrès thérapeutique considérable.
Dans une récente étude,3 les résultats de différentes formes de traitements laser ont été évalués : un rayon laser de 532 nm en application indirecte, un laser-diode de 810 nm en application transclérale et indirecte, et un Nd : Yag laser de 1064 nm, indirect. L'étude a porté sur 46 yeux de 35 patients. Certains patients porteurs de tumeurs de taille moyenne et d'autres avec tumeurs de grande taille ont été traités par chimiothérapie avant et durant le traitement focal, pour réduire la taille de la tumeur. Certaines tumeurs ont aussi été traitées par cryothérapie. L'efficacité d'un traitement local dépend de la taille initiale de la tumeur.4,5,6 Plus la tumeur est grande et plus le traitement local doit être long et agressif, souvent même associé à une chimiothérapie.7 Il est apparu que les tumeurs de petite taille peuvent être contrôlées par une thérapie focale seule, les tumeurs de taille moyenne également, mais de manière plus sûre si on l'associe à une chimiothérapie. Pour les grandes tumeurs, il convient d'associer chimiothérapie et thérapie focale. Les tumeurs actives sont traitées toutes les quatre à cinq semaines, jusqu'à rémission.
Dans une étude prospective non randomisée portant sur 75 yeux de 47 patients, le traitement a consisté en six cycles de vincristine, étosopide et carboplastine.8 Quatre-vingt-trois pour cent des patients ont aussi été traités par cryothérapie et, laser, thermothérapie ou irradiation par plaque durant et/ou après chimiothérapie. Après un suivi de treize mois, 74% des patients n'ont pas nécessité d'énucléation ou de radiothérapie. Les effets secondaires de la chimiothérapie étaient modérés : cytopénie, fièvre, neutropénie, infection, troubles gastro-intestinaux. Aucun patient n'a développé de tumeur secondaire, de métastase, d'insuffisance rénale ou d'ototoxicité.
La morbidité oculaire et systémique à long terme de ces traitements doit toutefois être améliorée. Les grandes tumeurs et la dissémination vitréenne répondent mal à l'irradiation. De plus, lors d'irradiation, il y a un risque de 35% de cancers secondaires et de cataractes dans les trente ans qui suivent. Auparavant, la chimiothérapie n'était envisagée que lorsqu'il y avait invasion du nerf optique, de la choroïde ou de l'orbite ou lorsque l'enfant présentait des métastases. A présent, on utilise la chimioréduction pour réduire la taille de la tumeur et la rendre accessible à un traitement local.2
Ces dernières années, les enfants opérés de cataracte ont bénéficié de plus en plus jeunes de l'implantation d'une lentille intra-oculaire. Cette implantation, bien que techniquement réalisable, ne va pas sans certaines complications chez ces jeunes patients, et l'attitude thérapeutique reste controversée.
Lambert et coll.9 ont publié en avril 2001 une étude intéressante, portant sur vingt-cinq enfants opérés avant l'âge de sept mois de cataracte congénitale unilatérale. Ils ont comparé ceux d'entre eux qui avaient bénéficié de l'implantation d'une lentille intra-oculaire (douze enfants), à ceux équipés d'une lentille de contact (treize enfants). Leurs observations indiquent, avec un recul d'un à deux ans, que l'implantation précoce nécessite un pourcentage élevé de réinterventions, pour des complications cependant souvent mineures. Il convient de souligner que l'implant ne permet pas d'obtenir une emmétropie à cet âge, puisque les enfants sont volontairement sous-corrigés, la croissance du globe oculaire s'accompagnant d'une myopisation. Par conséquent, le port de lunettes ou de lentilles de contact reste indispensable. L'intérêt de l'implantation tiendrait néanmoins à la réduction de l'aniséiconie, c'est-à-dire la différence de la taille de l'image qui est perçue par chaque il. L'absence de cristallin dans l'aphakie corrigée par le port d'une lentille de contact entraîne une aniséiconie de 10% alors qu'avec un implant intra-oculaire, elle n'est que de 0 à 4%. Cette réduction d'aniséiconie permet la consolidation d'une vision stéréoscopique.10 Les observations à long terme préciseront les avantages de l'implantation avant l'âge de deux ans. Nous attendons donc avec intérêt les résultats d'études multicentriques randomisées, actuellement conduites dans le cadre de l'«Infant Aphakia Treatment Study».
La rétinopathie diabétique demeure, dans nos pays, la cause principale de cécité chez les patients âgés de 20 à 60 ans. Si elle n'est pas traitée, près de 60% des patients diabétiques avec rétinopathie proliférative deviennent aveugles dans les cinq ans. Ainsi un contrôle ophtalmologique régulier est nécessaire pour pouvoir appliquer, au moment opportun, un traitement au laser qui permet de réduire de 90% le risque de malvoyance en cas de rétinopathie proliférative. Cependant, chez certains patients, des néo-vaisseaux résistent au traitement laser, entraînant un risque important d'hémorragie dans le vitré (d'hématovitré), et par conséquent de baisse sévère de l'acuité visuelle. Dans ces situations, il est souvent nécessaire d'avoir recours à une intervention chirurgicale (une vitrectomie), qui est très efficace mais comporte des complications potentielles, dont les plus fréquentes sont une cataracte (30-50%) ou un décollement de rétine (10%).
Une étude récente11 a démontré que l'association d'une photocoagulation au laser, avec un traitement d'une substance inhibitrice de facteurs de croissance (l'octréotide, un analogue de la somatostatine) diminue considérablement le nombre d'hémorragies vitréennes. L'idée d'utiliser l'octréotide vient de l'observation clinique et expérimentale du rôle de l'hormone de croissance et des facteurs de croissance dans les stades avancés de la rétinopathie diabétique. Dans cette étude, l'octréotide a été administré par injection sous-cutanée, à une dose de 100 µg par jour, sur une période de trois ans. Les résultats ont montré que l'incidence d'hémorragies vitréennes, et la nécessité d'interventions vitréorétiniennes étaient significativement réduites par ce traitement.
L'administration d'octréotide doit donc être envisagée lorsque des néo-vaisseaux résistent à une photocoagulation au laser.
La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) reste la première cause de cécité légale dans notre pays chez les patients de plus de 55 ans et la seconde, après la rétinopathie diabétique chez les plus jeunes.
Cette affection, qui touche jusqu'à 30% de la population après 70 ans, est caractérisée par l'apparition progressive de drusens et d'altérations de l'épithélium pigmentaire (EP) évoluant progressivement vers l'atrophie dans 80% des cas (forme sèche de la maladie). On observe une baisse de vision lente se faisant habituellement sur plus de dix ans et qui permet généralement aux malades de conserver une acuité visuelle utile (lecture, vie quotidienne) pendant longtemps.
Malheureusement 20% des malades atteints de cette affection développent à un moment donné une membrane néovasculaire (forme exsudative de la maladie). Cette dernière prend origine au niveau de la choriocapillaire et envahit la rétine, détruisant les photorécepteurs et entraînant la cécité légale en quelques mois. On subdivise les membranes en deux catégories : les membranes dites visibles, qui sont identifiées complètement par l'angiographie fluorescéinique et les membranes dites occultes qui ne sont visualisées nettement qu'en angiographie au vert d'indocyanine. Les deux types de lésions ont une évolution très différente, les lésions visibles amenant à la perte de la vision en quelques semaines à quelques mois, les lésions de type occulte évoluant sur quelques mois à quelques années.
Un article12 publié dans un numéro tout récent, d'octobre 2001, des Archives of Ophthalmology a défrayé la chronique, dans les milieux spécialisés comme dans les grands médias. A l'étonnement même des chercheurs qui avaient entrepris l'étude, il est apparu que le développement de la dégénérescence musculaire liée à l'âge (DMLA) peut être freiné de 25% à 20% en moyenne, lorsque les patients sont traités avec de hautes doses journalières combinées de vitamine C, vitamine E, bêta-carotène, et zinc. Les effets bénéfiques étaient aussi observés chez les personnes qui bénéficiaient d'un régime alimentaire par ailleurs équilibré.
Cette conclusion a été obtenue après un suivi de 4757 patients, âgés de 55 et 80 ans, avec un recul moyen de 6,3 ans. L'étude a été menée dans onze centres des Etats-Unis, sous le contrôle du National Eye Institute, à Bethesda. Les doses employées étaient de 500 mg de vitamine C, 400 UI de vitamine E, 15 mg de bêta-carotène, 80 mg d'oxyde de zinc, et 2 mg d'oxyde de cuivre (le cuivre étant ajouté à la préparation, pour prévenir un déficit en cuivre résultant de l'administration de hautes doses de zinc). Compte tenu de la fréquence et de la gravité potentielle de cette affection, l'information est importante. Néanmoins, ce traitement ne s'est avéré efficace que chez les patients qui avaient déjà présenté des signes initiaux de DLMA. Chez les autres sujets, il ne semble pas, en tout cas avec le recul de cette étude, que ce traitement soit efficace.
Ces observations permettent ainsi de démontrer l'efficacité d'une intéressante mesure prophylactique chez les patients présentant un risque élevé de développer des stades avancés de DMLA.
Il va de soi que certains patients ne peuvent recevoir de fortes doses de vitamines anti-oxydantes ou de zinc, pour des raisons médicales. C'est ainsi que le bêta-carotène pourrait accroître le risque de cancer des poumons chez les fumeurs.13 Les médecins traitants pourraient être amenés à modifier la composition de ce supplément alimentaire, en fonction des données médicales propres à chaque patient. Par ailleurs, les observateurs s'accordent à penser que les effets de tels suppléments alimentaires à long terme, après plus de dix ans de traitement par exemple, sont encore mal connus.
On relèvera au passage qu'un autre bras de l'étude évaluait l'utilité de ce traitement pour prévenir le développement d'une cataracte de sénescence.14 Toutefois, contrairement à ce que certaines données épidémiologiques antérieures, limitées, laissaient présager, il n'a pas pu être confirmé que ce traitement soit utile pour éviter l'opacification du cristallin. Il n'est pas exclu, néanmoins, qu'une étude à plus long terme permette de mettre en évidence l'intérêt d'un tel supplément alimentaire chez les sujets susceptibles de développer une cataracte de sénescence.
L'année 2001 a vu la publication des résultats de deux études randomisées multicentriques (études TAP15 et VIP16,17) évaluant le traitement des membranes néovasculaires par thérapie photodynamique avec la vertéporfine (Visudine ®) dans la DMLA.
Ces études ont montré que 53% des patients présentant une membrane néovasculaire visible traités conservaient une acuité visuelle stable après deux ans, contre 38% dans le groupe placebo (p 15 et qu'en cas de membrane occulte seulement 55% des malades traités contre 68% des malades dans le groupe placebo ont subi une perte modérée de l'acuité visuelle (plus de trois lignes, p 16 De plus, seuls 29% des malades traités contre 47% dans le groupe placebo ont subi une perte sévère d'acuité visuelle (plus de six lignes, p = 0,01).16
Pour la première fois nous disposons d'un traitement capable de stopper l'évolution de tous les types de membranes dans la DMLA dans 50 à 70% des cas et de prévenir la cécité légale dans 70% des cas.
A noter que sur plus de 40 000 traitements déjà réalisés de par le monde il n'y a à déplorer aucun effet secondaire significatif d'ordre systémique. Seules quelques réactions de photosensibilisation mineures ont été observées dans la semaine suivant les traitements. Sur le plan ophtalmologique environ 10% des malades se plaignent d'une aggravation transitoire des troubles visuels, généralement réversible après quatre à six semaines.18 En cas de lésion de type occulte on doit toutefois prendre en compte l'existence d'un risque d'hémorragie sous-rétinienne survenant dans les jours suivant le traitement de l'ordre de 2%.18 Ceci est à mettre en balance avec une réduction de moitié à long terme du risque hémorragique, complication redoutée de l'évolution naturelle de la maladie.18
Ce traitement est également efficace pour traiter les membranes néovasculaires survenant dans d'autres pathologies rétiniennes et notamment en cas de complications maculaires chez les hauts myopes.18
Parmi les autres traitements «émergeants» de la DMLA il faut mentionner que d'autres colorants sont actuellement en phase d'étude clinique : le SnET2 dont les résultats des études cliniques de phase III sont attendus18 et le Lutex, qui vient de terminer un essai clinique de phase I-II.18 Il faut également évoquer la thermothérapie transpupillaire qui est actuellement utilisée par de nombreux praticiens pour le traitement de certaines formes de membranes néovasculaires,19 bien qu'elle n'ait pas fait la preuve de son efficacité thérapeutique dans des études cliniques de phase III. L'administration intravitréenne d'inhibiteurs des facteurs vasoprolifératifs est également une option en voie d'évaluation clinique. La radiothérapie doit probablement être abandonnée. La chirurgie par translocation ne s'applique malheureusement qu'à un petit nombre de cas choisis.
En conclusion : la vitaminothérapie pour la forme sèche et la thérapie photodynamique pour la forme exsudative sont actuellement les traitements de choix de la DMLA.
L'uvéite occupe une place importante en pratique ophtalmologique, autant sur le plan diagnostique et thérapeutique qu'en raison de ses complications potentielles. Lorsqu'elles sont traitées de manière inadéquate ou si elles résistent au traitement, elles sont une cause importante de morbidité oculaire, étant responsables de 10% des cas de cécité dans les pays industrialisés, par la survenue d'une cataracte, d'un glaucome ou d'un dème maculaire.20
L'uvéite est une inflammation de l'uvée, un tissu oculaire hautement vascularisé, constitué de l'iris, du corps ciliaire et de la choroïde. Selon le siège de l'inflammation, on définit les uvéites comme antérieures, postérieures ou intermédiaires ; si l'inflammation affecte ces trois compartiments, on parle de panuvéite. L'étiologie est de nature immune, aseptique ou septique (bactérienne, virale, parasitaire, fongique). Les développements des dernières années ont permis d'en préciser le diagnostic dans 60 à 70% des cas.
Les corticoïdes (administrés par voie orale ou intraveineuse) constituent le traitement de choix des uvéites endogènes non infectieuses. Toutefois, lorsque l'inflammation ne peut être contrôlée par les stéroïdes seuls, et/ou s'il y a intolérance à cette thérapie, le recours à un immunosuppresseur doit être pris en considération. L'éventail thérapeutique comprend des antimétabolites (azathioprine : Imurek ® ; méthotrexate : MTX ®) ; des agents alkylants (cyclophosphamide : Endoxan ® ; chlorambucil : Leukeran ®) ; la ciclosporine (Sandimmun-Néoral ®), ou plus récemment, pour la maladie de Behçet, l'interféron *-2a (Roféron ®). Néanmoins, il arrive que de rares cas soient réfractaires à un traitement associant des stéroïdes à un ou deux immunosuppresseurs.21
Récemment, un antimétabolite, le mycophénolate mofétil (Cellcept ®), principalement utilisé dans les préventions des rejets de greffes d'organes, a été administré chez des patients souffrant d'uvéites réfractaires/résistantes.22,23 Le mycophénolate mofétil (MM) est l'ester 2-morpholinoéthilique de l'acide mycophénolique, agissant par inhibition sélective, non compétitive et réversible de l'inosine monophosphate déshygrogénase. Il inhibe donc la synthèse de novo du nucléotide de la guanosine, cela avec un effet cytostatique sur la prolifération lymphocytaire et la synthèse de molécules d'adhésion. Il inhibe aussi la prolifération des cellules T (CD2, CD8). Par ailleurs, le MM réduit l'infiltration de leucocytes dans la rétine.24,25,26,27
En clinique, plusieurs équipes ont introduit cette molécule dans leur arsenal thérapeutique lors d'un mauvais contrôle des paramètres inflammatoires oculaires. En 1998, Kilmartin et coll.28 ont utilisé le MM (à raison de 2 g/jour) chez neuf patients (quinze yeux) ne tolérant plus ou résistants à une association de stéroïdes et immunosuppresseurs. Ces auteurs font état d'une amélioration de l'acuité visuelle dans neuf yeux. Ce médicament n'a pas été supporté par deux patients en raison d'effets secondaires (nausées, céphalées, myalgies). Un autre groupe, Larkin et coll.,29 rapporte également un succès thérapeutique dans un collectif composé de onze patients souffrant de maladie de Behçet, d'un syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada, de sclérite postérieure ou de panuvéite idiopathique. Chez ces patients, les doses de MM étaient de 2 g/j, avec pour principaux effets secondaires des nausées, vomissements, leucopénie et neutropénie.
D'autres encore ont utilisé le MM chez des patients souffrant de dermatite atopique, et rapporté des résultats encourageants. Malheureusement, un des patients a développé une rétinite herpétique.30
Cette molécule semble donc être porteuse de nouveaux espoirs. Toutefois en raison du nombre limité de patients traités et de l'hétérogénéité de leurs affections, des études randomisées multicentriques devraient être réalisées afin d'obtenir des informations encore plus précises.
La trabéculectomie est, depuis sa description par Cairns31 en 1968, la technique chirurgicale de choix pour le traitement de glaucome avancé quand les médicaments ne permettent pas d'abaisser la pression intra-oculaire à des valeurs satisfaisantes. Toutefois cette procédure perforante peut s'accompagner de complications potentiellement sévères et compromettantes pour la fonction visuelle : hémorragie per- et postopératoire, aplatissement de la chambre antérieure secondaire à une filtration excessive, décollement choroïdien, etc. Des complications à long terme, telles qu'une hypotonie chronique avec maculopathie, ou une endophtalmie à la suite d'une infection de la bulle de filtration, sont particulièrement redoutées.
En recourant à une technique opératoire sans perforation de la chambre antérieure, on peut minimiser le risque de ces complications. Depuis plusieurs années des nouvelles techniques de chirurgie filtrante, mais non perforante, ont été proposées. Parmi ces méthodes, la sclérectomie profonde décrite par Koslov,32 et surtout popularisée récemment grâce aux travaux de Mermoud et coll.,33 et d'autre part la viscocanalostomie décrite par Stegmann,34 sont actuellement les deux interventions les plus souvent pratiquées. Les deux techniques se caractérisent par une scléro-kératectomie, créant une fenêtre cornéenne constituée par la fine membrane de Descemet, et qui permet l'évacuation de l'humeur aqueuse (HA) sans perforer la chambre antérieure (fig. 1). Une cavité intra-sclérale sert de réservoir avant que l'HA ne soit évacuée (fig. 2). Afin de préserver cette cavité intra-sclérale à long terme, différents implants (l'implant de collagène d'origine porcine, l'implant d'acide hyaluronique réticulé) sont utilisés au cours de la sclérectomie profonde. Lors de la viscocanalostomie, du Healon GV, un visco-élastique de haut poids moléculaire est injecté dans le canal de Schlemm, dont le toit a précédemment été ouvert afin de l'élargir. Par ailleurs, grâce à ses propriétés anti-inflammatoires et en dépit de son temps de résorption relativement court (10-15 jours) le Healon GV remplace les implants et permet le maintien de la cavité intra-sclérale pendant plusieurs années. Un examen par ultrasons à haute fréquence (ultrasonographie bio-microscopique-UMB)35 permet de visualiser une cavité intra-sclérale quatre ans et demi encore après l'opération. Bien que son maintien semble indispensable au succès de l'intervention, la taille de cette cavité n'est pas proportionnelle à la baisse de pression obtenue.35
Le mécanisme par lequel la viscocanalostomie et les autres techniques de chirurgie non perforante abaissent la pression intra-oculaire n'est pas encore tout à fait élucidé. Il est probable que l'HA passe à travers la fenêtre descémétique et le canal de Schlemm (CS) préalablement ouvert, remplisse la cavité intra-sclérale pour être évacuée soit par voie intra-sclérale, voie uvéo-sclérale ou encore par le canal de Schlemm lui-même, puis se déverse dans les veines épisclérales. Récemment Kaufmann36 a suggéré que l'injection de Healon GV produit des microperforations au niveau du fond du CS. La présence de ces microperforations permettrait une diminution de la résistance à l'écoulement de l'HA par la voie conventionnelle, trabéculaire et réduirait ainsi la pression intra-oculaire.
Les résultats postopératoires des diverses techniques de chirurgie non perforante sont encourageants. Nous avons revu récemment nos résultats quatre ans après viscocanalostomie :37 un succès global (pression intra-oculaire Considérant le nombre restreint de complications ainsi que la préservation de la fonction visuelle après la chirurgie non perforante, cette modalité de prise en charge chirurgicale du glaucome semble s'imposer aujourd'hui comme technique de choix en première intention. Ainsi il est possible d'opérer les patients plus jeunes et à un stade plus précoce de la maladie, ce qui permet d'améliorer le pronostic à long terme. Les meilleurs résultats après viscocanalostomie sont obtenus avec des yeux qui n'ont précédemment subi aucune opération : en effet notre étude montre que le facteur de risque principal d'échec post-opératoire est un status après multiples chirurgies intra-oculaires. Dans le cas de glaucome déjà opéré ou présentant une neuropathie très avancée et qui exige des pressions intra-oculaires très basses, il peut être nécessaire d'ajouter à la chirurgie non perforante un traitement hypotensif local.Le glaucome est une maladie chronique, progressive, dont le facteur de risque principal est une élévation de la pression intra-oculaire. La chirurgie non perforante, que l'on pourrait appeler «douce» en raison du faible risque per- et postopératoire, est une modalité thérapeutique particulièrement adaptée ; elle n'entrave pas la fonction visuelle à long terme, permet dans la majorité de cas d'abaisser les pressions intra-oculaires à des valeurs satisfaisantes et peut être pratiquée en ambulatoire sous anesthésie locale, topique ou parabulbaire, permettant aux patients de retrouver rapidement leur activité habituelle.