C'est fait : on vient d'enregistrer en France le 500e cas de vache folle. C'est aussi le 258e cas détecté depuis le début de cette année 2001 qui vient de s'achever et la bête atteinte est, une nouvelle fois, un animal né après l'interdiction de l'usage des farines de viandes et d'os. Mais comme on s'habitue à tout ce qui, hier, aurait fait frémir ou s'indigner, cela ne suscite plus, aujourd'hui, de réactions. Symptôme éclairant de cette évolution des murs : la viande de buf revient, timidement mais sûrement semble-t-il, sur les tables de France comme sur celles de nombre de pays de l'Union européenne. La Commission européenne vient de dresser un tableau chiffré de l'état des lieux. Un an après la dernière crise majeure, la baisse s'établit à environ 4,8% après avoir atteint moins 23% en mars. Les statistiques publiées par la Commission européenne comparent la situation actuelle par rapport au mois d'octobre 2000. Les baisses les plus importantes sont observées en Allemagne, en Grèce et en Espagne (moins 10%), en Finlande (6%), en Italie, au Luxembourg, en Belgique et en France (moins 5%), en Suède et au Portugal (3%). L'Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et l'Irlande n'enregistrent aucune modification tandis que la Grande-Bretagne cultive une certaine solitude originale en affichant une augmentation de 3 points.«Les bouchers ont de nouveau le sourire» titre, au lendemain de Noël, le quotidien Le Parisien après être allé ausculter le moral de quelques professionnels de la capitale. «Nous sommes pratiquement revenus aux chiffres d'avant la vache folle, explique ainsi Alain Guenat, propriétaire de la Boucherie nouvelle de la rue du Poteau, dans le XVIIIe arrondissement. La situation s'est apaisée quand les médias ont arrêté de mettre le buf à la une des journaux. Les clients posent toujours beaucoup de questions sur l'origine, le lieu d'abattage et si le test ESB a bien été fait. Nous avons d'ailleurs récupéré beaucoup de clients des supermarchés. Il y a quatre ans, je pensais que le métier était fini, aujourd'hui l'avenir me semble plus heureux.»On ne demandera pas à cet heureux boucher si l'évolution actuelle de la situation ne tient pas, précisément, au fait que la une des médias fut un instant consacrée à la maladie de la vache folle.Restent, au-delà d'une satisfaction conjoncturelle, les tendances lourdes de l'épidémiologie et la nécessaire prise en compte du dépistage tel qu'il est désormais organisé, de manière sans doute irréversible du moins à moyen terme. Le fameux «tournant dans l'épidémie», cette période qui devrait voir une réduction massive, quasi totale, du nombre des cas de maladie de la vache folle est sans cesse reporté à plus tard. On avait, il y a longtemps, tablé sur 2000 avant d'évoquer 2001. Aujourd'hui, certains parlent, sans trop y croire, de l'été 2002. C'est qu'il faut sans cesse refaire l'autocritique collective, évoquer ces années noires où l'usage des farines de viandes et d'os n'était guère réglementé, où les frontières étaient poreuses avant que les mesures d'interdiction ne soient pas toujours euphémisme ? respectées.Il faut bien reconnaître des torts, des erreurs sinon des fautes, pour tenter d'expliquer le nombre nullement négligeable des animaux atteints par l'ESB alors qu'ils sont nés après l'été 1996, date de l'interdiction par le gouvernement Juppé de l'usage potentiellement contaminant de ces tristes farines. On compte aujourd'hui près d'une vingtaine de ces cas dits super-NAIF (nés après l'interdiction des farines) et rien ne permet de faire ici la moindre prédiction sérieuse puisqu'il faut désormais compter avec une politique de dépistage quasi exhaustive ; une politique qui, de ce fait, fournit une photographie bien plus juste de la situation épidémiologique que toutes celles prises depuis dix ans. Au point que la lancinante question de l'éradication risque d'être longtemps soulevée.«Croyez-vous que l'ESB sera totalement éradiquée ?» demande Le Parisien au Pr Jeanne Brugères-Picoux, ici présentée comme «la» spécialiste française de l'ESB. «Non, répond-elle. Je pense que c'est une maladie rare, qui ne disparaîtra jamais totalement , on trouvera toujours des cas. N'oubliez pas non plus que nous avons le plus gros cheptel européen, 21 millions de têtes. Je considère que le risque zéro n'existe pas. Mais je n'ai jamais arrêté de manger de la viande, ni d'en donner à mes enfants. Le muscle, dans l'état actuel de nos connaissances, n'est pas contaminant. Il n'y a donc aucune raison de s'inquiéter sur la viande. Je regrette même qu'on continue (en France) d'interdire les ris de veau. Bruxelles ne les a pas inscrits dans la liste des matériaux à risques spécifiés.» Etranges propos d'une scientifique qui postule que ce qui est proposé comme étant de la «viande» en est toujours exclusivement et qui, bien loin de la question posée, préconise une levée d'embargo sur ce qui n'est en aucun cas de la viande.Et qu'en est-il, précisément, des abats qui restent consommables car n'étant pas jugés à risque ? Il faudra bientôt s'intéresser à cette initiative en faveur des «produits tripiers» soutenue par plusieurs chefs de Paris et de province ainsi que par différentes organisations professionnelles françaises. Objectif affiché : «faire partager au public les très nombreuses variétés des abats, leur diversité et la richesse de leurs saveurs
».