Les nucléosomes, les filtres rénaux et l'action des mitogènes étudiés au niveau moléculaire.La Fondation Louis-Jeantet de médecine a attribué son prix 2002 le 15 janvier. Les lauréats de cette année sont l'américain Timothy J. Richmond, professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), le Britannique Richard Treisman et l'Islandais Karl Tryggvason. Une somme totale de 1,2 million d'euros (1,8 million de francs) sera mise à disposition de ces scientifiques pour poursuivre leurs recherches respectives. Chaque lauréat recevra par ailleurs 75 000 euros à titre personnel. La cérémonie de remise des prix aura lieu à Genève le vendredi 19 avril.Le Prix Louis-Jeantet vise à encourager en Europe la poursuite de travaux prometteurs en médecine clinique ou fondamentale. Les candidatures pour le prix 2003 sont à déposer avant le 15 février auprès de la Fondation Louis-Jeantet (www.jeantet.ch).L'architecture du support protéique de l'ADNDans le noyau cellulaire, l'ADN interagit avec des protéines, les histones, pour former des structures organisées et compactes. Lorsque la cellule est au repos, toutes les 200 bases environ, le filament d'ADN s'enroule autour d'un groupe d'histones pour former un nucléosome. Timothy J. Richmond, âgé de 54 ans, professeur de cristallographie de macromolécules à l'EPFZ, s'est illustré en déterminant au niveau atomique la structure tridimensionnelle du nucléosome, par cristallographie aux rayons X. Avec 8 histones et 147 paires de bases d'ADN, cet ensemble est le plus grand du genre à avoir été décrit avec une telle précision. L'équipe de Timothy Richmond s'attache à décrire la structure d'autres complexes ADN-protéines du noyau. Si ces travaux suscitent un grand intérêt, c'est parce que l'«emballage» protéique de l'ADN joue un rôle-clé dans le fonctionnement du génome. Les nucléosomes collaborent par exemple avec les facteurs de transcription qui activent ou empêchent l'expression des gènes. Le processus dynamique durant lequel les chaînes de nucléosomes se condensent pour former les fibres de chromatine, le composant principal des chromosomes, pourrait même jouer un rôle-clé dans la régulation des gènes. Le chercheur utilisera son prix pour pousser son analyse au niveau supérieur : après le nucléosome, il compte étudier la fibre de chromatine, ainsi que ses interactions avec les complexes de remodelage qui la modifient.Comment un signal passe de la surface au noyau cellulaireLes signaux chimiques qui régulent le comportement des cellules individuelles dans un organisme pluricellulaire agissent à la surface de la cellule. Or ces signaux peuvent modifier la transcription de certains gènes dans le noyau. Par quelles voies la présence d'un signal chimique sur la membrane peut-elle contrôler la transcription ? Richard Treisman, 48 ans, directeur de recherche à l'Imperial Research Fund de Londres, s'est penché sur cette question en étudiant l'action des facteurs de croissance, qui sont nécessaires à la prolifération de certaines cellules en culture. Des expériences classiques montrent que la présence de ces signaux à la surface de la cellule active rapidement la transcription de certains gènes, et que cette transcription est nécessaire au redémarrage du cycle cellulaire. L'équipe de Richard Treisman a identifié un élément commun à de nombreux gènes activés au redémarrage du cycle cellulaire, appelé SRE. Les chercheurs ont isolé et cloné la protéine qui se lie sur ce site, le SRF (Serum Response Factor). Ce dernier coopère dans le noyau avec d'autres protéines, notamment celles de la famille TCF (Ternary Complex Factor). Richard Treisman s'est ensuite penché sur les mécanismes en uvre à l'extérieur du noyau. Il a réussi à identifier deux voies de signalisation entre la surface de la cellule et les TCF. L'une est classique, l'autre implique des changements dans le cytosquelette d'actine. Ces travaux ont inspiré un grand nombre de recherches dans le domaine de la signalisation. Ils pourraient notamment contribuer à la compréhension du cancer. Beaucoup de gènes contrôlés par des facteurs de croissance sont en effet des proto-oncogènes. Leur mauvaise régulation peut entraîner une croissance cellulaire incontrôlée.Le filtre rénal et ses anomaliesLes travaux de Karl Tryggvason, 55 ans, professeur de chimie médicale au Département de biochimie et de biophysique médicales de l'Institut Karolinska à Stockholm, ont révélé plusieurs fonctions des membranes basales dans l'organisme. Ces structures extracellulaires spécialisées assurent des fonctions comme la filtration du sang dans le rein. Leurs anomalies provoquent un grand nombre de maladies rénales, dermatologiques, musculaires ou neurologiques. Karl Tryggvason et ses collègues ont décrit une vingtaine de gènes et de protéines des membranes basales de mammifères. Ils ont déterminé leur structure, leur fonction et les pathologies liées. Cinq maladies génétiques humaines ont ainsi été mieux comprises, dont deux maladies rénales, le syndrome d'Alport et le syndrome néphrétique congénital. Ces dernières sont dues à des anomalies de la membrane basale des glomérules du rein, qui joue le rôle de filtre sanguin. En 1990, l'équipe de Karl Tryggvason a découvert une nouvelle forme de collagène et a montré qu'elle était déficiente dans le syndrome d'Alport, une déficience rénale mortelle. A cause de ce défaut, la membrane basale altérée laisse passer les globules rouges dans l'urine primaire. En identifiant le gène défectueux dans le syndrome néphrétique congénital, Karl Tryggvason a découvert la néphrine, une protéine qui tisse un véritable filtre moléculaire à la surface de la membrane basale. Cette barrière laisse passer les petites molécules, mais retient les protéines du plasma sanguin. Le chercheur tente actuellement de déterminer la base génétique des maladies rénales des diabétiques. L'enjeu est considérable, puisque le traitement de ces complications coûte chaque année quelque 18 milliards de francs en Europe et aux Etats-Unis.