A l'heure parisienne où nous écrivons ces lignes, l'Assemblée nationale vote de manière solennelle le projet de loi qui révise le dispositif législatif bioéthique qui était en vigueur en France depuis 1994. On en connaît l'essentiel qui peut être aisément résumé.Au chapitre hautement controversé du clonage, il prévoit l'interdiction du clonage reproductif humain. Ce dernier est constitutif d'un crime puni de vingt ans de réclusion et de cinq ans de prison pour une personne se prêtant au clonage reproductif à son «profit». Le texte se refuse d'autre part à autoriser le clonage thérapeutique et ce en dépit de la position défendue par le député Henri Emmanuelli et une trentaine de ses collègues.Pour ce qui est de la recherche sur les embryons surnuméraires, le texte prévoit la possibilité d'effectuer des recherches sur les embryons dits surnuméraires, avec l'accord écrit de ceux qui auraient été les parents. Les pratiques des dons d'organes par des donneurs vivants sont étendues au-delà des parents du premier degré (père, mère, surs, frères et enfants) jusqu'aux relations extra-familiales «sous réserve d'une relation stable et durable». Les députés ont également repris une idée du professeur et député Jean-Michel Dubernard (RPR), créant un registre des donneurs vivants, afin de suivre «leurs évolutions médicales».Au chapitre de l'usage qui peut être fait des embryons conçus in vitro après la mort de celui qui aurait pu être leur père, le texte prévoit que de tels embryons pourront être implantés dans l'utérus de la veuve à condition que son mari (ou son compagnon) ait de son vivant donné son accord écrit. Ils seront utilisables dans un délai compris entre 6 et 18 mois après le décès de l'homme. Filiation et droits de succession de l'enfant né dans ce cadre sont assimilés à ceux d'un enfant né après le décès de son père durant la gestation de la mère.Les députés français se sont aussi prononcés en faveur de la possibilité de faire, sur une personne décédée, des recherches génétiques pour une recherche en paternité uniquement si la personne a manifesté de son vivant son accord exprès. Ils ont enfin donné leur accord à la création d'une agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines. Cette agence jouera un rôle de mise en uvre et de suivi de la loi, et d'évaluation des progrès scientifiques. Elle pourra faire des suggestions et rendre un avis sur les centres de procréation médicalement assistée et autoriser les protocoles de recherche.A toutes ces dispositions, essentielles, il faut en ajouter une autre, sans doute plus importante encore qui confirme l'interdiction de breveter le vivant, c'est-à-dire de faire d'un élément du corps humain, y compris un gène, «une invention brevetable». Cette disposition, déjà présente dans la loi de 1994, stipule précisément que «le corps humain, ses éléments et ses produits, ainsi que la connaissance de la structure totale ou partielle d'un gène humain ne peuvent, en tant que tels, faire l'objet de brevets». Le gouvernement français l'avait retiré de son projet du fait qu'il entend reprendre cette question dans le cadre de la transposition dans le droit français d'une directive européenne datant de 1998 et dont l'objectif est «d'assurer la protection des inventions portant sur la matière biologique, sous réserve des exclusions liées à l'ordre public et d'en déterminer les conditions et les limites». Or, les articles 5 et 6 de la directive européenne en date du 6 juillet 1998 prévoient que, si le génome humain n'est pas brevetable, la séquence d'un gène peut bel et bien faire l'objet d'un brevet
Les responsables du Comité consultatif national d'éthique français avaient en juin 2000 rendu un avis sur ce thème et déconseillé au gouvernement de transposer dans le droit français cette directive. Elisabeth Guigou, alors ministre de la justice estimait pour sa part, à la même époque, que cette directive était incompatible avec le droit français, Bruxelles menaçant aussitôt la France de poursuites. Pour les responsables du Comité national d'éthique, la question soulevée, d'une portée éthique considérable, justifie une réponse sans ambiguité. Ils «ne voient pas aujourd'hui de raison de s'éloigner des principes qui ont présidé à l'élaboration de la loi de bioéthique du 29 juillet 1994 : la connaissance de la séquence d'un gène ne peut en aucun cas être assimilée à un produit breveté et n'est donc pas brevetable. Son utilisation, comme celle de toute connaissance, bien commun de l'humanité, ne peut être limitée par l'existence de brevets qui entendraient, au nom du droit de la propriété industrielle, protéger l'exclusivité de cette connaissance. En revanche, les inventions laissant libre accès à cette connaissance peuvent faire l'objet de brevets».En pratique, les sages du comité suggéraient au gouvernement d'organiser une nouvelle discussion des termes de la directive européenne. Ils observaient aussi que la pression industrielle et scientifique n'a jamais été aussi forte pour interpréter de façon expansive le champ de la brevetabilité : «Il est nécessaire, dans l'intérêt des chercheurs et dans celui de la société tout entière, de garder la maîtrise de l'évolution qui se dessine. Cette évolution ne doit surtout pas se faire sans débat. Ce débat dépasse la communauté scientifique et doit être démocratique. Il dépasse les limites de notre pays et même le champ de la directive européenne». Biotechnologies, vivant, argent, progrès, brevets
Nous reviendrons bientôt sur ces sujets essentiels.