Nous achevons ici l'exposé des publications marquantes faites lors du récent colloque international organisé à Paris sous l'égide de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), consacré aux relations pouvant exister entre la consommation de sel et la santé humaine (Médecine et Hygiène des 23, 30 janvier et 6 février). Parler de consommation de sel et de santé impose immanquablement de traiter de politique de santé publique. Le colloque a sur ce point permis de fournir quelques exemples concrets de réglementations et d'initiatives nationales.En Belgique, un décret royal datant de 1967 a progressivement réduit la quantité maximale de sel dans le pain sec de 3% (18 g/kg de pain frais) à 2% (12 g) en 1970. Depuis, le gouvernement belge a refusé de diminuer la teneur en sel du pain, et ce en dépit des recommandations émises par le Haut conseil de la santé publique (1995) et par les Académies de médecine en 2000. «En 1998, la valeur moyenne de la teneur en sel par kg de pain frais était encore de 11,6 g ± 1,9 g. Vers 1968, des chercheurs universitaires belges ont lancé une campagne massive afin de réduire la consommation de sel, a expliqué le Pr Jozef V. Joosens (Louvain). Cette campagne anti-sel a été soutenue par la télévision, la radio et la presse. Elle s'est progressivement essoufflée pour prendre fin vers 1985». Pour le Pr Joosens, cet arrêt s'explique par trois éléments principaux : l'action d'un groupe de pression favorable au sel ; un manque de financement et un manque d'intérêt de la part du gouvernement belge. Entre 1966 et 1987, sept études portant sur 14 506 sujets ont été réalisées en Belgique, pour étudier l'excrétion du sel sur une période de 24 heures. Plus aucune étude n'a été menée depuis.Outre-Atlantique, on sait que les Américains consomment en moyenne entre 4 et 6 grammes de sel par jour, les régimes thérapeutiques préconisant quant à eux une consommation de moins de 1000 à 3000 mg par jour. «Le défi pour les décideurs consiste à informer le consommateur afin que celui-ci comprenne le rôle du sodium, du chlorure de sodium et des produits contenant du sodium et, si nécessaire, pour qu'il en réduise sa consommation, a déclaré le Dr Martha Hill (John Hopkins, University School of Nursing, Baltimore). Notre objectif est donc d'établir un consensus sur la base scientifique de l'information du consommateur et sur les méthodes à mettre en uvre à cette fin». Aux Etats-Unis depuis1994, les fabricants doivent apposer un étiquetage standard sur les emballages pour permettre aux consommateurs de connaître la quantité de substances nutritives contenues dans chaque plat.Au niveau des programmes d'information fédéraux, le «National High Blood Pressure Education Program» préconise une politique universelle de limitation du sodium. Parmi les messages les plus courants, on trouve notamment : «Mangez moins de sel» et «Limitez votre consommation de sel». Ces messages sont complétés aujourd'hui par «Mangez plus de fruits, de légumes et de produits laitiers demi-écrémés». La sensibilité au sel n'est plus la cible des recommandations. Parmi les autres recommandations figurent celles de l'«American Heart Association» (AHA) qui préconise un seuil unique pouvant s'appliquer à toute la population de 2300 mg de sodium ou 6 g de sel par jour. L'Institut du sel préconise quant à lui une politique de santé publique visant à identifier et à traiter les membres de la population qui sont sensibles au sel, afin de diminuer leur risque cardiovasculaire.«Les consommateurs américains sont nombreux à savoir que le sel est associé au risque de développement de l'hypertension a conclu le Dr Martha Hill. Ils ignorent toutefois que la plus grande partie du sel et du sodium qu'ils consomment provient des plats industriels et de la préparation des aliments dans les restaurants, qui proposent peu de plats à faible teneur en sel. Les fabricants de l'industrie alimentaire hésitent à diminuer les quantités de sodium dans leurs produits, car le public trouve que les produits peu salés manquent de goût et risquerait de les bouder».En France, comme l'a rappelé le Dr Serge Hercberg (Institut national de la santé et de la recherche médicale), un groupe de travail associant scientifiques, administrations, agences, acteurs économiques et associations de consommateurs a été mis en place en mars 2001 à la demande de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Ses objectifs ? Proposer des mesures à mettre en uvre pour respecter une distribution statistique de consommation de sodium de 5 à 12 g/j ; identifier les aliments vecteurs de l'essentiel de l'apport sodé alimentaire ; proposer des recommandations effectives d'abaissement de la teneur en sodium de certains aliments vecteurs ; effectuer des études de simulation de l'apport sodé de la population française ; réfléchir sur les moyens de communication à adopter pour accompagner les mesures d'abaissement de la consommation de sodium.Après une analyse de la situation française, ce groupe de travail a proposé un ensemble de recommandations. Globalement, la stratégie proposée est de diminuer la consommation moyenne de sel au niveau de la population, les mesures proposées devant avoir un impact tout particulier sur les grands consommateurs (ceux qui consomment plus de 12 grammes par jour. Ceci semble possible en tenant compte du fait que les principaux aliments vecteurs de sel chez les forts consommateurs sont les mêmes que ceux de l'ensemble de la population, mais consommés en plus grandes quantités (pain/ produits de boulangerie, charcuterie, soupes, plats composés, fromages et snacks). En France, l'objectif fixé à cinq ans est une réduction de 20% de l'apport moyen, soit une réduction d'environ 4% des apports sodés moyens par an. En pratique les recommandations envisagent : 1) l'optimisation de la teneur en sel des produits, (c'est-à-dire la réduction de la teneur en sodium des aliments principaux vecteurs de sodium (et notamment ceux favorisant le risque d'excès) qui soit acceptable sur les plans gustatif, technologique et sécuritaire ; 2) l'éducation et l'information du consommateur et ce «pour le responsabiliser dans le contrôle et la gestion de ses apports sodés».Fin