L'étiologie du lupus érythémateux disséminé (LED) demeure inconnue même si l'on sait que de multiples facteurs, génétiques, hormonaux, liés à l'environnement ou encore au hasard, contribuent à sa pathogénie et au développement de la maladie. Les analyses de liaison génétique réalisées dans plusieurs souches de souris auto-immunes ainsi que les approches congéniques en ayant résulté ont permis d'identifier un certain nombre de locus de prédisposition au lupus chez la souris, et ont commencé à mieux définir les bases du contrôle génétique de la maladie. Les progrès de la génétique moléculaire ayant permis la surexpression (transgenèse) ou l'inactivation (recombinaison homologue) spécifique de gènes chez la souris ont rendu possible l'identification de gènes potentiellement impliqués dans la prédisposition au lupus. Les projets de séquençage du génome de souris devraient contribuer à la découverte de nouveaux gènes qui permettront d'améliorer notre compréhension des mécanismes immunopathologiques du LED et de développer de nouvelles stratégies pour le traitement de la maladie chez l'homme.
Le lupus érythémateux disséminé (LED) est une maladie complexe qui se caractérise par la production d'auto-anticorps dirigés contre de nombreux antigènes et le développement de lésions tissulaires impliquant divers organes. Le développement d'une glomérulonéphrite chronique auto-immune est la cause principale de mortalité chez les patients lupiques. Les facteurs génétiques exercent une très forte influence sur la prédisposition au lupus comme en témoignent le taux de concordance entre jumeaux vrais et le risque élevé de développer la maladie pour un individu appartenant à une famille dont un des membres est atteint, comparativement à la population générale.
Les souris New Zealand Black (NZB), New Zealand White (NZW), et plus particulièrement l'hybride (NZB x NZW)F1 ainsi que les souris MRL-Faslpr et BXSB ont été très largement utilisées comme modèles expérimentaux spontanés (tableau 1). Certaines manifestations de la maladie, résultant notamment des atteintes cérébrales ne sont pas observées chez la souris. En revanche, les lésions rénales et de nombreux paramètres associés au développement de la maladie chez l'homme sont très similaires.1 Dans tous ces modèles, le caractère de gravité du syndrome auto-immun est le développement d'une glomérulonéphrite auto-immune dont la sévérité augmente avec l'âge et conduit à la mort par insuffisance rénale. Les lésions rénales associées à des dépôts de complexes immuns sont étroitement corrélées à la production de titres élevés d'anticorps de classe IgG dirigés contre une variété d'antigènes nucléaires, notamment l'ADN double brin. Une particularité des modèles murins est la formation de complexes immuns circulants impliquant des glycoprotéines d'enveloppe de rétrovirus endogène, gp70, dont les taux sont corrélés fortement à la sévérité des lésions rénales. Le développement du syndrome auto-immun est également associé à une hypergammaglobulinémie, témoin d'une activation polyclonale spontanée des lymphocytes B.
L'hétérogénéité de la maladie chez l'homme est reflétée dans ces différents modèles par un âge d'apparition des premiers signes de la maladie et une rapidité de progression de la maladie pouvant être très différents, par la production de spécificités auto-anticorps différentes, par le développement d'une hyperplasie lymphoïde de nature et d'importance différentes, et par l'implication de facteurs accélérateurs distincts. Dans le modèle (NZB x NZW)F1, le développement accéléré de la maladie chez les souris femelles est dépendant des hormones sexuelles. A cause de la nette prédominance féminine observée dans le LED (plus de cinq femmes pour un homme atteint), ce modèle est souvent considéré comme le meilleur modèle d'étude de la maladie. Dans le modèle BXSB, un gène accélérateur encore inconnu porté par le chromosome Y, appelé Yaa pour Y-linked autoimmunity acceleration, est responsable du développement accéléré de la maladie chez les souris mâles ; les hormones sexuelles n'ayant pas ou peu d'effet sur l'expression de la maladie. Enfin, chez la souris MRL-Faslpr, le gène accélérateur lpr (pour lymphoprolifération) a été identifié comme une mutation récessive du gène Fas, codant pour un récepteur impliqué dans la médiation de signaux de mort cellulaire par apoptose.
Les modèles murins spontanés ont été utilisés pour élucider les mécanismes moléculaires et cellulaires responsables de l'auto-immunité systémique. Un certain nombre d'anomalies immunologiques associées à la production spontanée des auto-anticorps et au développement de la maladie ont ainsi pu être mises en évidence mais les causes en restent encore mal connues. Des expériences de transfert de cellules de moelle osseuse ou de précurseurs B dérivés de souris auto-immunes à des receveurs irradiés ont notamment montré que certains des facteurs génétiques prédisposant à l'auto-immunité systémique sont intrinsèques aux précurseurs hématopoïétiques et à la lignée lymphocytaire B.2,3,4 On peut raisonnablement penser que les mécanismes immunopathogéniques seront mieux compris lorsque les gènes de prédisposition au LED seront identifiés. Les analyses de liaison génétique réalisées dans des familles de patients lupiques ont permis la détection de plus d'une dizaine de régions chromosomiques associées aux différents traits phénotypiques de la maladie, mais les associations sont pour la plupart statistiquement faiblement significatives, en dépit d'une influence forte de la prédisposition génétique. Ce paradoxe apparent trouve sa solution dans la grande complexité du contrôle génétique du lupus révélée par l'analyse des modèles murins spontanés. Les modèles synthétiques créés par transgenèse ou recombinaison homologue ont permis d'identifier plusieurs gènes potentiellement impliqués dans l'auto-immunité systémique, ils illustrent aussi la complexité des mécanismes mis en jeu.
La génétique du lupus murin a connu durant les huit dernières années des avancées très significatives. Elle le doit en grande partie au programme «Génome Humain» ayant permis la description de plusieurs milliers de marqueurs microsatellites polymorphes dans le génome de la souris et le développement de programmes statistiques permettant l'établissement de cartes de liaison génétique et l'analyse des phénotypes à contrôle polygénique.
Plusieurs analyses de liaison ont été effectuées sur des générations F2 ou de croisement en retour de souris (NZB x NZW)F1, NZM2410 (une lignée recombinante consanguine dérivée des souches NZB et NZW), MRL-Faslpr et BXSB, séparément ou en combinaison avec des souches de souris non auto-immunes comme C57BL/6 (B6), BALB/c, SM/J et C3H. Ces analyses ont détecté plus d'une vingtaine d'intervalles de liaison répartis sur la presque totalité des chromosomes autosomaux (fig.1). Le grand nombre de locus identifiés illustre la complexité du contrôle génétique du lupus murin. Cette situation n'est cependant pas propre au lupus puisqu'une complexité génétique analogue a été observée chez la souris NOD (non-obese diabetic), un modèle spontané de diabète auto-immun. Le nombre de locus de prédisposition détectés varie entre trois et dix selon la combinaison de souches de souris utilisée. Il est intéressant de noter que plusieurs locus situés sur des portions identiques des chromosomes 1 (Sle1, Nba2, Lbw7, Bxs3), 4 (Lprm1, Nba1, Lbw2, Sles2), 7 (Lrdm1, Sle3, Sle5, Lbw5), 11 (Lbw8, Nba) et 17 (Sle4, Lbw1, Sles1) ont été identifiés dans des études indépendantes et à l'aide de combinaisons de souches différentes. Des gènes de prédisposition et certains mécanismes pathogéniques pourraient donc être communs à plusieurs souches de souris auto-immunes.
Les modèles expérimentaux permettent de décomposer le phénotype et d'analyser séparément la transmission des différents traits phénotypiques. Ainsi le locus Nba1 sur le chromosome 4 est corrélé à la sévérité de la glomérulonéphrite, mais pas à la production des auto-anticorps. D'autres locus, comme Lbw3 et Lbw4 situés respectivement sur les chromosomes 5 et 6, sont associés à la mortalité. Le locus Bxs6 situé sur le chromosome 13 est associé à la production d'antigène rétroviral gp70 et contribue indirectement au développement de taux élevés de complexes immuns gp70 anti-gp70. L'association de segments génomiques à un seul trait phénotypique suggère une contribution spécifique au mécanisme pathogénique du LED. Inversement, certains locus sont associés à plusieurs traits phénotypiques. Par exemple, les locus de la région télomérique du chromosome 1, de la région centromérique du chromosome 7 ou de la région du locus H2 sur le chromosome 17 affectent à la fois la production des auto-anticorps et la sévérité de la maladie rénale. L'association à plusieurs traits phénotypiques peut s'interpréter comme un effet à plusieurs niveaux de conséquences. La sévérité des lésions pourrait par exemple survenir comme une conséquence directe de la production d'auto-anticorps hautement pathogéniques. Un autre mécanisme supposé est la colocalisation de plusieurs gènes de prédisposition dans un même locus. Cette dernière possibilité est illustrée par l'analyse du locus Sle1. L'établissement de lignées congéniques recombinantes portant des portions différentes du locus Sle1 a révélé que des intervalles non chevauchants confèrent individuellement une prédisposition à la production spontanée d'anticorps antinucléaires.5 Cette complexité n'est pas non plus une caractéristique des modèles murins de lupus puisque plusieurs locus de prédisposition au diabète auto-immun ont été subdivisés en sous-régions chez la souris NOD.
Les analyses de liaison réalisées à l'aide de croisements incluant des souches de souris immunologiquement normales, comme B6 et BALB/c, ont révélé de façon inattendue la contribution de leur génome au phénotype auto-immun, suggérant la présence d'allèles de prédisposition non seulement dans le génome de souris auto-immunes mais aussi de souris non auto-immunes.6,7,8 Ces résultats ont été aussi interprétés en faveur de l'existence de locus exerçant une activité suppressive sur le développement de la maladie chez les souris auto-immunes. L'approche congénique réalisée par Morel et collaborateurs a permis de montrer que le locus de résistance Sles1 dérivé de la souche NZW est capable d'inhiber la production spontanée des anticorps antinucléaires chez des souris B6 congéniques pour le locus de prédisposition Sle1. L'existence de locus de prédisposition et de locus de résistance dans la même souche de souris révèle donc un degré de complexité supplémentaire.
Les différentes analyses de liaison ont montré que le lupus murin est transmis selon un mode impliquant des interactions additives ou synergiques entre les gènes de prédisposition. Ces interactions sont dites épistatiques parce que les effets combinés des gènes considérés sont peu prédictibles de leurs effets séparés. Selon ce modèle, les allèles de prédisposition ne sont en général seuls pas suffisants pour induire la maladie. Ce modèle prévoit que plus un individu porte d'allèles de prédisposition, plus son risque augmente de développer la maladie. L'analyse comparative de l'incidence d'une glomérulonéphrite sévère dans la descendance de souris (NZM x B6)F1 x NZM classées en 16 groupes selon leur génotype aux locus Sle1, -2, -3, et -4 a en effet montré que la proportion des individus développant une néphrite sévère augmente comme une fonction du nombre d'allèles de prédisposition portés par ces souris.9 Cette étude a également montré que l'incidence de la maladie rénale reste inchangée pour les différentes combinaisons génotypiques. Le développement du lupus murin résulte donc des effets combinés de plusieurs gènes mais peut résulter de combinaisons de gènes différents.
La création de souris multicongéniques à partir de lignées congéniques simples illustre particulièrement bien l'importance des interactions génétiques dans la prédisposition au lupus. La génération de souris double congéniques pour les locus Sle1 et Sle3 conduit à l'expression de traits phénotypiques non observés chez les souris congéniques B6.Sle1 et B6.Sle3, comme la production de titres élevés d'auto-anticorps anti-ADN, le développement d'une splénomégalie et d'une glomérulonéphrite. L'addition du locus Sle2 chez des souris B6 triple congéniques précipite le phénotype auto-immun par une aggravation de la maladie avec une accélération de la production des auto-anticorps et une augmentation de l'incidence de la maladie rénale.10 Le développement du syndrome auto-immun chez les souris MRL-Faslpr et BXSB mâles est aussi compatible avec ce modèle de transmission génétique puisque d'une part les souris MRL-+/+ et BXSB femelles développent des signes modérés et tardifs de la maladie lupique, et d'autre part, des souris B6 congéniques pour les mutations Faslpr et Yaa ne sont pas ou peu atteintes. Dans ces modèles, l'expression complète de la maladie résulte de l'interaction des gènes accélérateurs Faslpr et Yaa avec des gènes de prédisposition portés par les souches MRL et BXSB. La complexité des interactions est également illustrée par l'action de gènes exerçant une activité inhibitrice sur le développement de l'auto-immunité systémique. L'importance de ces interactions est tout particulièrement apparente chez la souris NZW qui développe des signes modérés d'auto-immunité et seulement tardivement dans la vie, bien que son génome contienne plusieurs allèles de prédisposition.
Un exemple particulier de facteur de prédisposition au lupus systémique soumis à l'influence d'interactions épistatiques a été apporté par l'inactivation des gènes codant pour le récepteur Fc des IgG de type II (Fc*RII) et le premier composant du complément, C1q.11,12 Bien que l'inactivation du gène Fcgr2 n'entraîne pas de production de titres élevés d'auto-anticorps chez la souris BALB/c, les souris B6 homozygotes déficientes pour le Fc*RII produisent des taux élevés d'anticorps anti-ADN et développent une glomérulonéphrite auto-immune. Dans le cas de l'inactivation du gène C1q, un syndrome auto-immun apparaît seulement chez les souris portant un génotype mixte B6/129, et non chez les souris B6 ou 129. Il est également significatif que l'expression constitutive à haut niveau du proto-oncogène bcl-2 induise la production d'anticorps antinucléaires et le développement d'une néphrite sévère en association avec la combinaison génétique (B6 x SJL/J) et non (B6 x C3H). Ces modèles synthétiques soulignent l'importance des interactions génétiques dans la prédisposition au lupus murin.
Une liste des gènes impliqués dans la prédisposition au lupus murin est présentée dans le tableau 2. La première description de mutation spontanée associée à l'auto-immunité systémique provient de la caractérisation, chez la souris MRL-Faslpr, d'un gène positionné sur le chromosome 19 et identifié comme une forme mutante du gène Fas.13 La mutation Faslpr résulte de l'insertion d'un rétrotransposon conduisant à la formation de transcrits tronqués et à l'absence de produit du gène chez cette souris. Par la suite, la mutation gld (generalized lymphoproliferative disease) apparue spontanément chez la souris C3H et induisant un phénotype très similaire à la souris lpr, a été identifiée comme un variant du gène codant pour le ligand de Fas (FasL) localisé sur le chromosome 1. Ces résultats ont démontré que l'inactivation de gènes impliqués dans l'induction de signaux de mort cellulaire des effecteurs de la réponse immune, notamment les lymphocytes B et T, peut conduire potentiellement à l'accumulation de lymphocytes activés et au développement spontané de manifestations auto-immunes. De façon similaire, des souris déficientes pour le gène Pten (Phosphatase and Tensin homologue) ou exprimant de façon constitutive sous contrôle rétroviral le gène FLIP (Flice Inhibitory Protein), codant pour des médiateurs du signal de mort induit après activation cellulaire, développent une lymphoprolifération et un phénotype lupique analogue aux souris déficientes pour le gène Fas. L'expression constitutive du gène BAFF (B Cell Activating Factor appartenant à la famille du TNF) ou du proto-oncogène bcl-2 obtenue par transgenèse inhibe les processus de mort cellulaire par apoptose des lymphocytes B et induit la production spontanée d'anticorps antinucléaires et le développement d'une maladie rénale.
Les souris homozygotes récessives pour la mutation motheaten (me) développent un syndrome auto-immun associé à la production spontanée d'anticorps antinucléaires, une hypergammaglobulinémie et l'expansion de la population lymphocytaire B exprimant le marqueur CD5. Le développement de la maladie étant associé à de nombreux autres désordres immunologiques et hématopoïétiques, cette souche de souris n'est généralement pas considérée et utilisée comme modèle d'étude du LED. La mutation me est associée à un déficit de la protéine tyrosine phosphatase SHP-1, codée par le gène Hcph, impliquée dans la régulation négative de la signalisation du récepteur B pour l'antigène (BCR).14 Cette observation a permis de mettre en évidence l'importance des mécanismes de régulation de l'activation des lymphocytes B dans l'auto-immunité systémique. De façon notable, ce deuxième groupe de gènes inclut plusieurs molécules impliquées dans la régulation du signal d'activation médié par le BCR comme CD19, CD22, Fc*RII, CD45 et Lyn, dont l'expression constitutive à haut niveau ou l'inactivation entraîne une production spontanée d'anticorps antinucléaires.
Un troisième groupe est constitué des gènes du complément C1q, C2 et C4, et de gènes codant pour des molécules potentiellement impliquées dans le métabolisme de la chromatine et l'élimination des débris cellulaires, la DNase I et le composant SAP (Serum Amyloid Protein). Une production spontanée d'anticorps antinucléaires a été rapportée chez des souris pour lesquelles ces gènes ont été inactivés. La prédisposition au lupus chez les souris déficientes en composants du complément a été interprétée en termes du rôle du complément dans l'élimination des corps apoptotiques, représentant une source importante d'antigènes nucléaires pouvant contribuer à l'induction des réponses auto-immunes antinucléaires. En effet, un rôle critique du composant C1q a été suggéré par l'accumulation massive de débris apoptotiques dans les glomérules de souris déficientes en C1q.12 Un mécanisme analogue est probablement impliqué dans la production spontanée des anticorps anti-ADN chez les souris déficientes pour la DNase I et SAP. De plus, il a été démontré que l'opsonisation des auto-antigènes par le complément joue un rôle important dans l'élimination des lymphocytes B autoréactifs dans la moelle osseuse.15 En conséquence, les déficits en complément et les défauts de récepteurs du complément (CR1 et/ou CR2) pourraient favoriser la génération de lymphocytes B autoréactifs. En accord avec cette hypothèse, la production spontanée d'auto-anticorps anti-ADN de classe IgG chez les souris déficientes pour la forme sécrétée des IgM peut résulter d'un défaut d'opsonisation des auto-antigènes par les anticorps naturels de classe IgM. Cependant, le mécanisme de rupture de tolérance aux antigènes nucléaires dans le cas d'anomalies de métabolisme de la chromatine ou de défauts de clairance des débris apoptotiques n'est pas encore bien défini.
Le contrôle polygénique et les interactions épistatiques mises en évidence dans les modèles murins de LED suggèrent l'existence d'une complexité analogue dans la maladie chez l'homme. La multiplicité des régions génomiques identifiées par les premières analyses de liaison chez l'homme est en effet compatible avec un modèle de transmission génétique complexe. De plus, les analyses réalisées dans des familles de patients appartenant à des groupes ethniques différents ont identifié des régions spécifiques que l'on peut attribuer à des variations génétiques dans la prédisposition au LED. Comme chez la souris, le risque de développer un LED est susceptible d'augmenter proportionnellement avec le nombre d'allèles de prédisposition présents dans le génome. Les effets de gènes potentiellement suppressifs sont cependant capables de modifier considérablement ce risque. Le développement de la maladie chez un individu génétiquement prédisposé est en outre soumis aux influences hormonales et environnementales, et dépend de facteurs pouvant être attribués aux événements stochastiques intervenant dans les processus physiologiques normaux mis en place au cours de la réponse immunitaire.
Le séquençage du génome humain et la description de polymorphismes associés à des substitutions de nucléotides, en combinaison avec le développement de technologies permettant leur détection, devraient améliorer considérablement la précision et la sensibilité des associations mises en évidence par analyse génétique. Celles-ci resteront néanmoins soumises à l'hétérogénéité phénotypique et à l'influence des interactions épistatiques, limitant d'autant les possibilités d'identification des gènes impliqués dans la maladie chez l'homme. Dans les modèles murins, la création de lignées congéniques ou congéniques recombinantes permet une analyse séparée des différents locus de prédisposition, leur dissection génétique et la caractérisation détaillée des différents traits phénotypiques qui leur sont associés. Le séquençage du génome de la souris et le développement de cartes physiques à haute résolution devraient faciliter les approches combinées de clonage positionnel des gènes impliqués et d'analyse de gènes candidats. A terme, l'identification et la caractérisation des gènes de prédisposition chez la souris devraient permettre de définir les étapes critiques de l'auto-immunité systémique. Les premiers gènes identifiés chez la souris indiquent que la prédisposition au lupus pourrait essentiellement relever d'anomalies des signaux d'activation et de mort cellulaire des lymphocytes T et B et d'anomalies des mécanismes effecteurs de la réponse immune à médiation humorale. L'identification des gènes suppressifs et la compréhension des mécanismes de régulation négative pourraient avoir des conséquences directes pour le développement de nouvelles stratégies de traitement de la maladie chez l'homme.
La question du degré de similitude des mécanismes immunopathogéniques du LED chez l'homme et dans les modèles murins reste ouverte à la discussion. Néanmoins, considérant la complexité génétique et l'hétérogénéité de la maladie chez l'homme, il est très vraisemblable que les modèles animaux en reflèteront au moins certains aspects. Pour exemple, la relation entre les déficits en composants C1q et C4 de la voie classique du complément et la prédisposition à l'auto-immunité systémique a été rapportée non seulement chez l'homme mais aussi chez la souris à l'aide de mutants de délétion. D'autre part, la localisation d'un locus de prédisposition au LED dans la région 1q41-q42 correspondant à une région synténique de la région distale du chromosome 1 associée au lupus murin suggère que certains gènes de prédisposition pourraient même être conservés entre la souris et l'homme.16