Une molécule pour empêcher l'alopécie des chimiothérapiesDavis ST, Benson BG, Bramson N, et al. Prevention of chemotherapy-induced alopecia in rats by CDK inhibitors. Science 2001 ; 291 : 134-7.L'alopécie est l'un des stigmates les plus redoutés de la chimiothérapie. La chute des cheveux induite par ces médicaments est due au fait qu'ils ciblent surtout les cellules à divisions fréquentes dont les cellules des follicules pileux. La molécule utilisée par ces chercheurs de Glaxo Wellcome inhibe une enzyme essentielle du cycle cellulaire : la Cyclin dependante kinase (CDK2). La recherche d'inhibiteurs de CDK est une voie très actuelle de la recherche onco-pharmacologique car on espère ainsi bloquer la division des cellules cancéreuses. Or, dans ce cas, ils ont été utilisés pour protéger les cellules normales. En bloquant les divisions dans les follicules par l'application topique de cet inhibiteur de CDK, avant l'administration de chimiothérapie, les cellules du poil deviennent résistantes à la chimiothérapie. Ces observations sont faites chez les rats, mais on peut penser que cela viendra rapidement chez l'homme, surtout si l'on trouve d'autres indications
et si le fait de protéger le follicule pileux en bloquant le cycle cellulaire n'entraîne pas une alopécie secondaire.L'eczéma «coronarien»
un patch test au nickel avant une angioplastie coronarienne ?Köster R, Vieluf D, Kiehn M, et al. Nickel and molybdenum contact allergies in patients with coronary in-stent restenosis. Lancet 2000 ; 356 : 1895-7.L'incidence de la resténose après une angioplastie coronarienne est diminuée par la pose d'un stent, mais la resténose se produit quand même dans 10% des cas. La resténose semble être liée à des phénomènes inflammatoires. Le stent métallique contient du nickel (12%), du chrome (17%) et du molybdène (2%). Vu la fréquence de la sensibilisation à ces métaux, des cardiologues et des dermatologistes de Hambourg ont suspecté le rôle d'une sensibilisation aux métaux dans la survenue d'une resténose ; une allergie à ces métaux pouvant déclencher une réaction inflammatoire au niveau des coronaires. Ils ont pu démontrer que tous les patients avec patches tests positifs au nickel et au molybdène développaient une resténose. Voilà une application inattendue du patch test au nickel et une raison supplémentaire pour conseiller d'éviter l'exposition intempestive et «perçante» au nickel.«Bouffées de chaleur» : un remède non strogéniqueLoprinzi CL, Kugler JW, Sloan JA, et al. Venlafaxine in management of hot flashes in survivors of breast cancer : A randomised controlled trial. Lancet 2000 ; 356 : 2059-63.Les bouffées de chaleur de la ménopause seraient l'une des raisons principales de la prescription de l'hormonothérapie dite HRT. L'effet positif de l'HRT, notamment du composant strogénique, sur les bouffées de chaleur a été démontré par la pratique et des essais contrôlés. Cependant, certaines femmes ne veulent ou ne peuvent prendre l'HRT. Dans cette étude de la Mayo Clinic, on démontre qu'un antidépresseur, la venlafaxine (Efexor®), réduit les bouffées de chaleur. En pratique, on peut penser que ce traitement va être essayé dans les érubescences (le français de «flashes») de la rosacée débutante. Les effets secondaires sont ceux de cette classe d'antidépresseurs (sécheresse de la bouche, constipation, perte de l'appétit).Patches de nicotine pour les aphtesScheid P, Bohadana A, Martinet Y. Nicotine patches for aphtous ulcers due to Behçet's syndrome. N Engl J Med 2000 ; 343 : 1816-7.On sait que les fumeurs font moins d'aphtes que les non-fumeurs, et que des aphtes apparaissent souvent lorsqu'un fumeur cesse de fumer ; dans ce cas, les gommes à mâcher (chewing-gum) de nicotine sont efficaces. Ces observations ont amené à prescrire les gommes de nicotine (une nicotinothérapie locale) dans les aphtes récurrents vulgaires et ceux de la maladie de Behçet. On suggère maintenant que l'application de patches à la nicotine (soit une nicotinothérapie systémique) peut avoir le même effet ; cette observation est intéressante parce que, lors des poussées d'aphtes, le traitement local est souvent difficile. Mais avant de traiter, voyez le paragraphe suivant
Aphtes : chercher le médicament responsable
mais la liste se raccourcit !Boulinguez S, Reix S, Bedane C, et al. Role of drug exposure in aphthous ulcers : A case-control study. Br J Dermatol 2000 ; 143 : 1261-5.Le groupe de J.-M. Bonnetblanc de Limoges nous a appris que les médicaments pouvaient causer des érosions aphtoïdes, et la liste des suspects était longue. On a d'abord identifié le nicorandil, puis une analyse de la littérature destinée à identifier d'autres médicaments avait retrouvé une imputabilité vraisemblable ou plausible pour l'acide niflumique, le captopril, la phénindione, le piroxicam, les sels d'or, le phénobarbital, et l'hypochlorite de sodium. Voici maintenant une étude cas contrôle, la crème méthodologique des études de la médecine «factuelle» (nouvelle traduction en français de Evidence-based medicine). Elle ne permet de retenir que les bêta-bloquants et les AINS.Stress et peau : enfin plus qu'une probabilitéGarg A, Chren MM, Sands LP, et al. Psychological stress perturbs epidermal permeability barrier homeostasis. Arch Dermatol 2001 ; 137 : 53-9.Personne n'oserait aujourd'hui contester le rôle probable du stress dans l'évolution des maladies de la peau. Pourtant, les preuves d'un effet du stress sur des fonctions cutanées manquent. La première étude montrant un tel lien est l'uvre du groupe de Peter Elias de San Francisco. Elle montre que la reconstitution de la barrière cutanée après stripping est retardée lors du stress. Les sujets étaient des étudiants en médecine et pharmacie testés avant les examens ou après les vacances et le stress était mesuré par deux échelles psychologiques validées. Le retard à la reconstitution de la barrière est considéré comme une anomalie significative de la fonction cutanée, par laquelle le stress pourrait influencer l'évolution de dermatoses comme le psoriasis ou la dermatite atopique. Quant aux mécanismes moléculaires liant le stress et cette anomalie épidermique
à suivre.Alopécie androgénique : sur la piste du premier gène candidatEllis JA, Stebbing M, Harrap SB. Polymorphism of the androgen receptor gene is associated with male pattern baldness. J Invest Dermatol 2001 ; 115 : 452-5.Ce gène est le récepteur nucléaire aux androgènes (AR) : on savait que l'expression de la protéine AR est augmentée dans le scalp des alopécies androgéniques (AA). Un groupe australien montre maintenant une augmentation de la fréquence d'un allèle du gène AR chez les sujets atteints de AA ; cet allèle pourrait conférer une modification fonctionnelle à l'AR ; cet allèle est aussi associé au cancer de la prostate. Il s'agit là de la première association génétique dans l'AA. Les auteurs reconnaissent cependant qu'il ne s'agit probablement pas du seul gène impliqué dans l'AA, et que, dans une affection probablement polygénique comme l'AA, l'anomalie de l'AR est nécessaire mais non suffisante.Vous fumez ? Vous aurez plus de rides car cela stimule les enzymes qui dégradent le collagèneLahmann C, Bergemann J, Harrison G, Young AR. Matrix metalloproteinase-1 and skin ageing in smokers. Lancet 2001 ; 357 : 935-6.Le faciès du fumeur est maintenant bien répertorié, et pourrait servir de publicité anti-tabac. On a attribué cette accélération de la sénescence cutanée à l'oxydation. Ce groupe de la firme Biersdorf (Nivea), associé à des dermatologistes londoniens, apporte une information supplémentaire compatible avec l'hypothèse pro-oxydante : dans la peau non exposée au soleil prélevée sur la fesse, l'ARNm de la métalloprotéinase MMP-1 est augmenté chez les fumeurs (10 à 20 cigarettes par jour) par rapport à des non-fumeurs. Ainsi, tout comme les UV, le tabac induit les enzymes du derme qui dégradent le collagène. A propos, les sujets de l'étude avaient une moyenne d'âge de 27 ans
Les kératoses séborrhéiques sont des tumeurs bénignes clonales !Nakamura H, Hirota S, Adachi S, et al. Clonal nature of seberrheic keratosis demonstated by using the polymorphism of the human androgen receptor locus as a marker. J Invest Dermatol 2001 ; 116 : 506-10.L'étiologie de la plus fréquente des tumeurs de la peau est inconnue, et au reste peu étudiée. S'agit-il d'une hyperplasie polyclonale de tout l'épiderme ou bien d'une prolifération monoclonale développée à partir d'une seule cellule épithéliale ? Des auteurs japonais montrent dans ce travail que c'est une prolifération monoclonale. La méthode utilisée est classique : elle consiste à étudier dans des échantillons provenant de femmes si les deux allèles du récepteur des androgènes, expression de chaque chromosome X, sont présents dans un tissu. En cas de polyclonalité ils le sont, en cas de monoclonalité un seul est exprimé. Dans le cas des KS, pour être sûr que l'échantillon n'est pas contaminé par l'épiderme normal, la technique de microdissection au laser a été utilisée sur les coupes. Intérêt pratique nul pour l'instant, mais quelle satisfaction de le savoir !Le vieillissement a son odeur !Haze S, Gozu Y, Nakamura S, et al. 2-nonenal newly founds in human body odor tends to increase with aging. J Invest Dermatol 2001 ; 116 : 520-4.L'odeur que dégage le corps humain résulte d'une multitude de facteurs, dont des substances volatiles qui sont formées à la surface de la peau, alcools, cétones, aldéhydes, etc. Ce domaine est suivi particulièrement par l'industrie du parfum. Des études précédentes ont établi des différences dans l'odeur du corps humain en fonction de l'âge, indépendamment des autres facteurs tels que ethnie, alimentation, etc. Voici que des chercheurs de la firme Shisheido nous révèlent que l'odeur du sujet âgé est due à un aldéhyde insaturé, le 2-nonénal, qui augmente avec l'âge du sujet. Il s'agit d'un métabolite d'acides gras insaturés des lipides de surface, qui est produit par oxydation de ces lipides. Voilà une nouvelle indication des antioxydants !Carcinomes basocellulaires : une expansion des cellules souchesZhang Y, Kalderon D. Hedgehog acts as a somatic stem cell factor in the Drosophila ovary. Nature 2001 ; 410 : 599-604.On sait depuis quelques années que c'est un système de transduction complexe appelé Sonic hedgehog (Shh) qui est hyperactif dans les carcinomes basocellulaires (CBC) et la nævomatose basocellulaire. Ce système joue donc le rôle d'un accélérateur de croissance. Il restait à comprendre pourquoi ce système de facteurs de croissance induit un carcinome basocellulaire et pas tout simplement une hyperplasie épidermique. Dans cette étude de biologistes de l'Université de Columbia de New York, on démontre, certes sur l'ovaire de la drosophile, que ce sont spécifiquement les cellules souches qui sont stimulées par le système hedgehog. Cela convient parfaitement à l'histogenèse des CBC, puisque la cellule souche épidermique est dans la gaine pilaire !Les hémangiomes du nourrisson sont-ils des métastases placentaires ?North PE, Waner M, Mizeracki, A, et al. A unique microvascular phenotype shared by juvenile hemangiomas and human placenta. Arch Dermatol 2001 ; 137 : 559-70.Les concepts sur la pathogénie des hémangiomes du nourrisson sont en pleine mutation. Ces dernières années, on a insisté sur le contrôle de cette prolifération vasculaire par des facteurs angiogéniques et son blocage par les stéroïdes et l'interféron alpha. Mais quelle est l'origine de ces cellules ? Tout commence par l'observation d'une augmentation de l'incidence des hémangiomes après une grossesse lors de laquelle un prélèvement de villosités choriales a été pratiqué. On soupçonne que la manuvre a permis la migration hématogène de cellules choriales. Ceci incite à rechercher dans les hémangiomes l'expression de marqueurs immunohistochimiques placentaires. Dans ce travail, quatre marqueurs des microvaisseaux du placenta sont retrouvés dans soixante-six hémangiomes, quel que soit leur stade. Il s'agit de marqueurs spécifiques absents dans d'autres proliférations et/ou malformations vasculaires. Les auteurs proposent deux hypothèses pour expliquer cette similitude hémangiomes/placenta : la première est la colonisation du derme par des angioblastes qui se différencient de façon aberrante en microvaisseaux placentaires ; la seconde est plus simplement l'embolisation du derme par des cellules placentaires. Dans les deux cas, il y a une analogie fonctionnelle et temporelle entre la vascularisation placentaire et les hémangiomes. Ceci ouvre la voie d'études sur de nouveaux modèles et donc de nouvelles thérapeutiques. En attendant, ceci permettra au clinicien d'alimenter son discours pour rassurer (?) les parents.Malassezia : des espèces sont pro-inflammatoires, d'autres non !Watanabe S, Kano R, Sato H, et al. The effects of Malassezia yeasts on cytokine production by human keratinocytes. J Invest Dermatol 2001 ; 116 : 769-73.On décrit actuellement sept espèces de Malassezia. Le rôle pathogène de chacune est analysé par au moins deux approches.I Le prélèvement sur peau normale et pathologique, puis culture et identification morphologique et physiologique des colonies. On recueille ainsi des données corrélatives, par exemple : quelle est l'espèce associée au pityriasis versicolor ? (c'est M. globosa
).I L'autre approche est d'analyser l'effet pathogène potentiel de chaque espèce par des tests in vitro ou in vivo. Dans l'étude japonaise publiée dans le Journal of Investigative Dermatology les auteurs ont mesuré les cytokines pro-inflammatoires (IL-1B, IL-6, IL-8. TNFa, MCP1) libérées par des kératinocytes cultivés en présence de quatre espèces (furfur, pachydermatis, sympodialis et sloofiae). M Furfur était le seul des quatre à ne pas induire la libération de cytokines. Pour les autres, une libération variable était observée, le M. pachydermatis étant le plus inducteur. Il est probable que ces recherches vont finalement fournir une base physiopathologique convenable à la dermatite séborrhéique.Staphylococcus aureus préfère l'ambiance TH2. La cause de la colonisation dans la dermatite atopique ?Cho SH, Strickland I, Tomkinson A, et al. Preferential binding of Staphylococcus aureus to skin sites of Th2-mediated inflammation in a murine model. J Invest Dermatol 2001 ; 116 : 658-63.Staphylococcus aureus colonise 90% des lésions de dermatite atopique. Les mécanismes de cette colonisation, connue depuis des décennies, sont restés mal compris : on a impliqué une meilleure adhésion aux cornéocytes. Mais quelle est la cause de l'affinité de Staphylococcus aureus pour les cornéocytes de la dermatite atopique (DA) ? Dans cette étude, l'équipe de Donald Leung démontre, chez la souris, que l'environnement inflammatoire qui résulte d'une réponse immunitaire de type TH2 (celui de la DA) favorise la colonisation par Staphylococcus aureus, alors que l'environnement inflammatoire qui résulte d'une réponse immunitaire de type TH1 (celui de la dermite allergique de contact ou du psoriasis) ne favorise pas la colonisation par Staphylococcus aureus. Ainsi plus que les antibiotiques locaux, c'est le contrôle durable de l'inflammation TH2 qui est le vrai traitement de la colonisation par Staphylococcus aureus
ce que l'on commence à confirmer par l'utilisation prolongée des immunosuppresseurs topiques comme le FK 506. * Huit fois par an, l'auteur publie une sélection des «Journal clubs» de la Clinique de dermatologie de Genève dans Dermatologica Helvetica, le supplément suisse de Dermatology destiné à la formation continue des dermatologistes. Il a sélectionné pour Médecine et Hygiène, avec la permission de l'éditeur, les données nouvelles susceptibles d'intéresser les autres spécialités et les généralistes.