Ces dernières années, plusieurs études ont été consacrées à la qualité du suivi des patients atteints d'une maladie rénale compliquée d'une insuffisance rénale progressive.1-7 Leur constat est souvent décevant. Le présent article se propose de faire une brève revue de ces observations d'une part et de présenter quelques mesures qui permettraient d'améliorer la prise en charge d'autre part.
De l'ensemble des études consacrées au suivi des insuffisants rénaux, il ressort que l'état de santé des patients qui arrivent au stade où ils doivent débuter un traitement par dialyse laisse à désirer : l'absence de mesures de néphroprotection et/ou un contrôle insuffisant de l'hypertension artérielle, de l'anémie, des co-morbidités cardiaques et de l'état nutritionnel sont les constatations les plus fréquentes.1-7
Parmi les 155 076 patients débutant une dialyse chronique aux Etats-Unis entre avril 1995 et juin 1997, l'albumine sérique qui est un indicateur puissant de la survie de ces patients en dialyse n'était que de 33 g/l en moyenne, et 60 % des patients avaient une albumine 6
Une étude multicentrique récente sur des patients débutant une dialyse en Europe (n = 4333) a fourni des résultats comparables : l'hémoglobine moyenne était de 100 g/l, 66% des patients avaient une Hb 7
Récemment, il a été démontré que l'utilisation de l'érythropoïétine pendant la phase pré-dialyse pourrait également avoir un impact sur la mortalité à long terme.8 Parmi 4866 patients suivis en prédialyse pendant 26 mois, l'érythropoïétine n'a été donnée qu'à 1107 d'entre eux (22,7%) ; après mise en route de la dialyse, le risque ajusté relatif de décès était de 0,8 dans le groupe traité à l'érythropoïétine et seulement de 0,67 dans le sous-groupe avec l'hémoglobine la plus élevée.
Dans une étude s'étendant sur dix ans, réalisée par Jungers et coll., sur 1152 patients, la durée du suivi en prédialyse par une équipe néphrologique avait un effet bénéfique significatif sur la morbidité cardiovasculaire et sur la survie à cinq ans en dialyse.9 Des patients suivis pendant
Les inconvénients de l'envoi tardif chez le néphrologue ont été illustrés dans de nombreuses études et déjà abordés dans cette revue.10-14 Son incidence varie selon les centres et les pays, de 26 à 64% de l'ensemble des patients commençant la dialyse.13
Plusieurs mesures peuvent être envisagées.
Une meilleure formation des médecins praticiens et des néphrologues
Le concept de néphroprotection et le traitement conservateur de l'insuffisance rénale ont été bien établis, codifiés et diffusés ces dernières années.15-17 Toutefois, Campbell et coll. signalent que 91% des médecins praticiens estiment n'avoir pas reçu une formation suffisante concernant les indications et le moment du transfert des patients chez le néphrologue.18 Dans une enquête par questionnaire auprès de 1924 praticiens en Ontario, Mendelssohn et coll. ont relevé que 79% des praticiens estiment ne pas devoir faire appel au spécialiste pour la mise au point d'une hématurie microscopique, 69% pour la mise au point d'une protéinurie et 89% pour la mise au point d'une créatininémie entre 124 et 150 µmol/l. D'une manière intéressante dans cette enquête, 60% des praticiens n'ont pas répondu et il serait surprenant que les non-répondeurs au questionnaire solliciteraient un avis plus précocement que les praticiens qui ont répondu au questionnaire.19
En Suisse romande, environ 120 à 140 nouveaux patients débutent chaque année un programme de dialyse chronique en raison d'une insuffisance rénale terminale. Les statistiques de la FMH concernant le nombre de médecins praticiens montrent qu'en décembre 2000 il y avait en Suisse romande 2284 médecins praticiens de premier recours (médecine interne 922, diabétologie 58, cardiologie 93, médecine générale 455, pédiatrie 200 et sans FMH 707).20 Ceci signifie qu'un patient avec insuffisance rénale terminale est vu par un médecin praticien à une moyenne d'un patient tous les 18 ans environ. Cette fréquence ne permet pas au médecin praticien d'accumuler une expérience suffisante dans le suivi des patients avec une insuffisance rénale progressive.
Une meilleure collaboration entre médecins praticiens et néphrologues
Un projet pour améliorer cette communication est actuellement en voie de finalisation à l'échelon régional et international. Plusieurs sociétés nationales ou internationales ont publié des recommandations de prise en charge.16,21-23
D'une manière intéressante, une étude prospective canadienne a montré qu'une approche multidisciplinaire est plus efficace que le suivi par le néphrologue seul.3 Une équipe multidisciplinaire permet une information mieux ciblée du patient et de son entourage, offre des démonstrations cliniques, du matériel d'instruction et la possibilité de discussion avec d'autres patients et d'autres professionnels de la santé. Elle permet d'améliorer non seulement la qualité de la prise en charge mais également un choix optimal des modalités thérapeutiques substitutives de l'insuffisance rénale.
Un système de sécurité sociale adapté
Le recours au spécialiste et le non-remboursement de certains médicaments ou prestations (en particulier pour les approches multidisciplinaires) ne devraient pas constituer un frein à l'optimisation des soins aux patients rénaux.
Le suivi des patients avec une maladie rénale progressive n'est pas optimal à l'heure actuelle. La majorité des facteurs responsables de cette constatation ont été identifiés. Plusieurs d'entre eux peuvent être améliorés par des mesures simples.
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