A propos de l'article : «Tarmed : les dix mauvaises raisons qui feront voter oui». T. Hovaguimian. Médecine et Hygiène No 2380 du 20 février 2002, p. 429-30.Durant ce mois de février ouvert à la votation primaire sur TarMed le conseil de l'AMG n'ayant pas donné de mot d'ordre je me suis cantonné à la neutralité et à l'impartialité les plus strictes. Cette réponse à l'article du Dr Hovaguimian (Médecine et Hygiène No 2380, p. 429-30) paraîtra après la clôture du vote, ce qui me permet de recouvrer un peu de liberté d'écriture. Je n'aborderai pas néanmoins les aspects purement politiques et je me contenterai de rectifier ce que je considère être des erreurs d'appréciation dues à une mauvaise information, voire à un déni des faits.Augmentation des gainsIl n'a jamais été dit, ni même écrit, que TarMed allait augmenter les gains des médecins. Certes, certaines prestations seront mieux rémunérées, mais d'autres et les opérateurs en ambulatoire le savent bien vont subir des coupes sombres. Le but de TarMed n'est pas et n'a jamais été d'augmenter les revenus des médecins, mais de les rendre plus logiques dans leur construction et plus transparents.Baisse des coûtsLes coûts de la santé sont incompressibles et vont continuer d'augmenter. Vieillissement de la population, évolution des techniques, confort accru, exigences des patients, tous facteurs qui ne peuvent qu'augmenter le volume. Même le Conseil fédéral, pourtant obtus dans ce domaine à ses heures, l'a reconnu. Les coûts ne seront pas moindres mais plus transparents.Rééquilibrage des revenusLa «Schadenfreude» évoquée par le Dr T. Hovaguimian n'est pas provoquée par TarMed. Les jalousies et le manque de solidarité entre médecins de différentes spécialités sont une vieille histoire. TarMed rémunère mieux le temps. Tant mieux ! Le temps est notre bien le plus précieux et le médecin quelle que soit sa spécialité, passe du temps avec son patient, pour son patient. Juste retour des choses, donc.Le moindre malC'est là une conception masochiste, celle-là même que dénonce le Dr T. Hovaguimian. TarMed est un ensemble de conventions négociées. La négociation, sur le plan fédéral ou cantonal, implique l'échange, les pressions, les menaces. Mais elle procède d'une liberté fondamentale : le choix. Il est masochiste de se priver de ce choix et de laisser passivement les autres décider. Les autres, pensez-vous, sont les politiques
Que nenni ! Le monde politique en a marre. Il ne veut plus s'occuper du secteur de la santé, truffé de pièges et finalement peu porteur sur le plan électoral. Il va donc passer le bébé ou la patate chaude si les partenaires ne s'entendent pas, aux seuls assureurs. Le voulons-nous ?Etre conciliant ?Dans une négociation, être conciliant n'a pas de raison d'être. Chacun doit y trouver son compte. Si un partenaire s'estime grugé, le système va à la faillite. En négociant, on garde une faculté de pouvoir. En subissant les événements, on s'enchaîne.Les négociateursLeur rôle n'est pas simple. Pauvres en arguments et en chiffres que leur base refuse obstinément de leur livrer ils font au mieux. Pendant quinze ans. Et c'est à la quinzième année qu'on leur dit : «Vous avez tout faux !».Révisions ultérieuresUne convention se révise, se renégocie. C'est dans sa nature. Un Arrêté Fédéral Urgent, non. Il y a donc un choix à faire. Lors de notre AG du 19.2.2002, un confrère s'est plaint : depuis 1981, le tarif cadre genevois n'a pas été réadapté. C'est juste, car ce tarif est étatique, il n'est pas négocié.TarMed, après les dix-huit mois de phase d'introduction, dont treize mois de phase de neutralité, prévoit une adaptation au renchérissement.C'est la preuve qu'en négociant, on obtient. Mais c'est une activité chronophage et difficile. Aurions-nous perdu l'appétit du défi ?Les sanctionsTout contrat et une convention est un contrat prévoit des sanctions. Intérêts de retard, indemnités, peines conventionnelles en cas de violation, etc. Pourquoi s'attacher à ce point ? N'est-il pas normal de rechercher et de sanctionner les moutons noirs ? Peut-on se montrer solidaire de ceux qui, violant l'éthique et la déontologie, se comportent mal et jettent l'opprobre sur l'ensemble de notre corporation ?La médecine libéraleJean-Baptiste prêchait dans le désert. Moi aussi. Dans le domaine LAMal, la médecine n'est pas libérale. On ne peut à la fois revendiquer le libéralisme total et exiger d'être payé par un assureur social sans contrôle. Un médecin qui accepte de travailler dans ce cadre et il le fait depuis le début du XXe siècle n'est plus totalement libre. Il est comme un avocat autre profession libérale qui serait commis d'office : soumis au contrôle en particulier de ses honoraires.Le libéralisme du médecin, c'est sa liberté thérapeutique, son dialogue avec le patient. S'il veut recouvrer le libéralisme économique, il doit l'assumer : c'est la récusation. Mais sommes-nous prêts ? La question est ouverte
La décisionTarMed est compliqué, c'est vrai. C'est épicier aussi, je le confesse. Mais c'est structuré et clair. TarMed, c'est la liberté de négocier et de ne pas se placer sous le joug des assureurs. En bref, TarMed est l'entrée en résistance des médecins et la possibilité pour eux de retrouver leur pouvoir.Dr Théodore HovaguimianRéponse à la réponse : Autopsie d'un «blanc»La veille de la parution dans Médecine et Hygiène de mon article sur «Tarmed : les dix mauvaises raisons qui feront voter oui» évoqué ici par J.-M. Guinchard, j'étais intervenu lors de l'Assemblée d'information de l'Association des médecins du canton de Genève pour en délivrer la substance. J'avais spontanément pris la parole présumant de mon détachement émotionnel, celui que j'affichais dans l'article. Sur son ton désabusé, je rapportais mes premiers arguments, me résignant apparemment à ce que Tarmed passe mais exhortant à ce qu'il ne soit, au moins, pas plébiscité. C'est à ce moment que j'ai eu le «blanc» tant redouté des orateurs.J'éprouvais le sentiment d'un terrible gâchis et les phrases qui se bousculaient dans ma tête devenaient de plus en plus indicibles à mesure que se prolongeait mon silence. Sans notes préparées qui m'auraient permis de sortir de l'émotion et me rattraper, je finis par reprendre la parole, pour clore sans conviction, après une minute qui avait duré une éternité.Un incident qui surprend et interpelle : ainsi je n'étais pas ce cynique observateur, ce chroniqueur impassible, mais un médecin plein de contrariété, qui se sentait soudainement défait, trahi, comme beaucoup de ses confrères, confrontant un raz-de-marée politique qui, malgré leur résistance, allait les submerger.Les affects refoulés me rattrapaient. Mon deuil, vêtu de blanc, venait, en pantomime, de s'exprimer à mes dépens.A présent, les dés sont jetés, il n'y a plus rien à dire. Je m'en tiendrai donc à ce que j'ai écrit, et l'avenir nous dira qui avait raison.