Au terme d'un large essai clinique mené auprès de malades hypertendus, le losartan apparaît comme la première spécialité pharmaceutique à démontrer une supériorité sur l'aténolol un bêta-bloquant de référence en réduisant de manière significative le risque combiné de morbidité et mortalité cardiovasculaires. Ces résultats ont également montré que le losartan peut réduire le risque d'accident vasculaire cérébral de 25% (p = 0,001) par rapport à l'aténolol chez certains patients hypertendus. «Ces résultats sans précédent ouvrent une ère nouvelle dans le domaine du traitement des patients hypertendus, s'est enthousiasmé le Dr Bjorn Dahlof, professeur associé de médecine, Université de Göteborg et investigateur principal de cet essai financé par la multinationale Merck Sharp & Dohme, producteur du losartan (généralement commercialisé sous la marque Cosaar). Les bénéfices cardiovasculaires supérieurs de Cosaar jamais démontrés aussi nettement par un autre antihypertenseur associés à son excellente tolérance représentent une victoire pour les médecins, victoire qui peut directement s'appliquer dans notre pratique clinique quotidienne. Au final, ce sont les patients qui vont bénéficier de ces résultats, car ceux-ci montrent pour la première fois que si l'on choisit le traitement approprié, cela peut contribuer à prévenir les graves conséquences de l'hypertension artérielle.»Les résultats de cette étude dénommée LIFE (Losartan Intervention For Endpoint reduction) ont été présentés lors du 51e Congrès scientifique annuel de l'American College of Cardiology avant, quelques jours plus tard, d'être publiés dans The Lancet (daté du 23 mars). L'étude a été conduite en Scandinavie, aux Etats-Unis et dans d'autres pays, chez 9193 patients devant recevoir un traitement antihypertenseur. Il s'agissait de patients hypertendus âgés de 55 à 80 ans ayant une pression artérielle systolique comprise entre 160 et 200 mm de mercure et une pression diastolique entre 95 à 115. Deux groupes ont été constitués correspondant aux deux médicaments étudiés, l'efficacité de chacun d'entre eux étant en outre comparée à celle d'un placebo.Tous les patients présentaient également une augmentation du volume du cur ou hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), dont on sait qu'elle est une complication courante de l'hypertension artérielle chronique. En matière de risque combiné de morbidité et mortalité cardiovasculaires, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral inclus, le losartan a permis une réduction de 13% par rapport à l'aténolol. Pour Merck, ces résultats sont «impressionnants» dans la mesure où il était tenu pour acquis jusqu'à présent que la réduction de la pression artérielle obtenue grâce aux bêta-bloquants et aux diurétiques était le meilleur traitement possible pour la prévention des maladies cardiovasculaires et des décès d'origine cardiovasculaire, dont les infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux.Outre la réduction du risque combiné d'événements cardiovasculaires, le losartan a aussi réduit de manière significative le risque d'accident vasculaire cérébral parmi les patients de l'étude (réduction de 25% (p = 0,001) des accidents vasculaires cérébraux par rapport au traitement par l'aténolol). «Sur le plan économique, il s'agit d'un résultat extrêmement important car, en France, les coûts directs et indirects associés aux accidents vasculaires cérébraux dépassent 1,2 milliard d'euros, soulignent les promoteurs de l'étude. Si l'on isole l'accident vasculaire cérébral des autres maladies cardiovasculaires, l'AVC se classe en troisième position des principales causes de décès, après les maladies cardiaques et le cancer. En France, une personne subit un accident vasculaire cérébral en moyenne toutes les trois minutes.»Même si le losartan et l'aténolol ont le même impact en termes de réduction de la pression artérielle, l'étude LIFE a démontré que le premier procure des bénéfices supplémentaires au-delà de la réduction de la pression artérielle. Ainsi, au vu du suivi annuel de l'électrocardiogramme, il diminue significativement l'hypertrophie cardiaque par rapport à l'aténolol. Ces résultats sont partiellement expliqués par cette réduction de l'hypertrophie mais pourraient aussi être attribués à des propriétés spécifiques, données qui nécessitent des recherches complémentaires.Concrètement, le nombre de décès cardiovasculaires dans les groupes losartan et aténolol sont respectivement de 204 et 234 (p = 0,21). Toujours selon les promoteurs de LIFE, le losartan a également montré au cours de l'étude une tolérance supérieure à celle de l'aténolol, comme en témoigne l'incidence plus faible d'effets secondaires. «L'efficacité de Cosaar est constante pour tous les sous-groupes étudiés. Dans le sous-groupe des diabétiques, patients à haut risque cardiovasculaire, Cosaar apporte un bénéfice supérieur à l'aténolol sur le critère principal de morbi-mortalité, réduisant le risque de 24% (p = 0,031)» ajoutent-ils.«Il s'agit sans conteste d'un travail de très bonne qualité qui devrait en partie modifier la prise en charge médicamenteuse de certains malades hypertendus, a pour sa part déclaré au Monde le Pr Pierre-François Plouin, chef du service hypertension artérielle (pôle cardiovasculaire) à l'hôpital européen Georges-Pompidou (Paris). Pour autant, on peut se demander si les effets bénéfiques observés chez des personnes présentant une hypertrophie ventriculaire gauche le seront chez celles qui n'en souffrent pas. Il faut aussi observer que ces effets sont obtenus dans des populations qui sont connues pour être à plus haut risque d'hypertension que celles de l'Europe occidentale ou continentale.» Ces réserves faites, le Pr Plouin estime que de tels résultats permettront aux inhibiteurs du récepteur de l'angiotensine de rejoindre le groupe des quatre grandes catégories d'antihypertenseurs que sont, outre les diurétiques et les bêta-bloquants, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les inhibiteurs calciques.