L'assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et la société américaine Genzyme Biosurgery (Cambridge, Massachusetts) viennent de conclure un accord visant à développer à court terme un nouveau traitement pour l'insuffisance cardiaque sévère basé sur la thérapie cellulaire autologue. L'AP-HP va notamment lancer dans les prochaines semaines un essai clinique international multicentrique de phase II visant à «établir l'efficacité de la greffe de cellules musculaires autologues dans le muscle cardiaque infarci en vue de la restauration de la fonctionnalité du muscle endommagé». Cet essai fait suite aux premières tentatives faites en 2001 par le Pr Philippe Menasché, chirurgien cardiologue à l'AP-HP.
Les Drs Jean-Pierre Marolleau (Hôpital Saint-Louis) et Jean-Thomas Vilquin (chargé de recherche au CNRS, Hôpital Pitié-Salpétrière) sont à l'origine du procédé d'obtention des cellules musculaires autologues. Ce procédé a d'ores et déjà fait l'objet d'un dépôt de brevet (intitulé «Procédure permettant d'obtenir des populations cellulaires bien caractérisées d'origine musculaire») codétenu par l'AP-HP et l'INSERM. La société française Myosix bénéficie d'une licence exclusive d'exploitation de ce brevet qu'elle sous-licencie à Genzyme Biosurgery pour le territoire nord-américain.
«On évalue à plus de 20 millions dans le monde le nombre de patients souffrant d'insuffisance cardiaque, rappelle-t-on auprès de l'AP-HP. L'insuffisance cardiaque constitue un problème majeur de santé publique. Dans la moitié des cas, elle est consécutive à un infarctus du myocarde qui peut aboutir à la nécrose d'une zone plus ou moins étendue du muscle cardiaque. Comme les cardiomyocytes (cellules constitutives du muscle cardiaque) ne possèdent pas de capacité de régénération chez l'adulte, la nécrose sera suivie de l'expansion d'une cicatrice fibreuse non fonctionnelle.»
Le procédé fort original développé par les Drs Menasché, Marolleau et Vilquin, vise à coloniser la zone fibreuse par un tissu sain qui va améliorer les performances du tissu cardiaque. A cette fin, une biopsie est effectuée dans la cuisse du patient d'où les myoblastes sont extraits et amplifiés avant d'être réinjectés dans le muscle cardiaque au décours d'un pontage coronarien. Il s'agit donc bel et bien d'une thérapie cellulaire autologue.
L'injection des cellules se fait dans des zones dont le caractère irréversiblement non fonctionnel est documenté par l'échocardiographie et éventuellement par l'imagerie par résonance magnétique et la tomographie à émission de positons. L'évaluation objective sera donc centrée sur la récupération des fonctions des zones ainsi greffées en utilisant des protocoles d'imagerie par échocardiographie avec doppler tissulaire systématique et éventuellement par IRM et TEP. L'essai clinique international de phase II impliquera au total une trentaine de centres et plus de 300 patients en France, Europe et Amérique du nord. Il sera cofinancé, en ce qui concerne les études menées en France, par l'AP-HP dans le cadre d'un programme hospitalier de recherche clinique ainsi que par Genzyme Biosurgery. Cet essai fait place à l'essai de phase I mené avec succès auprès de dix patients français et dont les premiers résultats avaient été présentés à l'occasion du congrès 2001 de l'American Heart Association. Des résultats préliminaires avaient aussi été publiés dans les colonnes du Lancet (daté du 27 janvier 2001). «L'essai clinique de phase II se déroulera selon un protocole qui a déjà reçu l'approbation des autorités réglementaires françaises, précise l'AP-HP. Les cellules utilisées dans les essais cliniques seront produites par le laboratoire établi à l'Hôpital Saint-Louis (Paris) et par Genzyme Biosurgery à Cambridge. Genzyme Biosurgery est actuellement en discussion avec la Food and Drug Administration (FDA) afin d'ouvrir des centres pour cette phase II aux Etats-Unis.»
Cet essai multicentrique randomisé sera centré sur l'efficacité de cette thérapeutique de l'insuffisance cardiaque ischémique. Il est prévu que les premiers patients français soient inclus dès le mois d'octobre 2002. Le Pr Menasché sera l'investigateur coordonnateur de cet essai qui réunit plusieurs équipes de l'AP-HP et dont l'évaluation sera centralisée à l'Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP). Le Pr Desnos (cardiologue HEGP) est en charge de la coordination médicale, le Pr A. Hagège coordonnera les protocoles d'imagerie et le Pr G. Chatellier sera responsable de l'exploitation biostatistique des données.
On précise, de part et d'autre, que le fait d'adosser l'activité de promoteur de l'AP-HP sur cet essai à un partenaire industriel disposant d'une surface financière et méthodologique suffisante la société Genzyme est spécialisée dans des produits de thérapeutiques autologues (notamment production de substituts cutanés et de cartilage) et dans la génomique garantira la validation de cet essai de phase II. La répartition des tâches a été prévue de façon très précise entre les fonctions qui seront dévolues à l'AP-HP en tant que promoteur de l'essai pour la France (environ 100 patients) et la réalisation du même essai selon les mêmes procédures avec les mêmes garanties de bonnes pratiques cliniques dans les différents pays européens et nord-américains sous la responsabilité directe de Genzyme ou d'une CRO (Clinical Research Organization) mandatée par Genzyme.
Enfin, il est acquis que toutes les fonctions spécifiques liées à la réalisation de l'essai (souscription d'une assurance, conception et recueil des données, soumission aux autorités compétentes, expédition des cellules, gestion de la liste de randomisation, etc.) seront réparties entre l'AP-HP et Genzyme. L'AP-HP assurera non seulement la réalisation totale de l'essai pour la partie française mais également la randomisation centralisée pour les 300 patients et l'ensemble des centres européens, ainsi que la lecture et l'interprétation standardisée de l'ensemble des échocardiographies de tous les pays concernés. L'AP-HP maîtrisera ainsi jusqu'au terme de la phase II les conditions de réalisation de l'essai clinique et l'analyse des données qui en seront issues. Ce partenariat exemplaire, d'une ampleur sans précédent, permettra ainsi, dans la mesure où l'efficacité thérapeutique de ces cellules humaines mises en culture est démontrée, d'envisager à une échelle internationale une phase III tendant à une amélioration fonctionnelle du myocarde.