La plongée à très haute altitude (> 3500 m) expose le plongeur à des conditions hyperbares à partir d'un milieu hypobare, en raison de la chute de la pression atmosphérique liée à l'altitude. Les risques d'accident de plongée (de décompression et barotraumatique) sont accrus et nécessitent une adaptation des procédures habituelles de plongée. Une expédition suisse a établi le record du monde de plongée en altitude en juin 2000, à une altitude de 5523 m, au Népal. Après un descriptif de cette aventure et une analyse des mécanismes physiopathologiques rencontrés en altitude et en plongée, la prise en charge préhospitalière des accidents de plongée sera présentée.
De tous temps l'homme a été attiré par l'extrême, son histoire étant émaillée d'aventures et d'exploits fantastiques. Le monde abyssal et les sommets inaccessibles lui offrent un terrain idéal pour assouvir ses passions, mais souvent avec une prise de risque non négligeable.
L'exploration et la pénétration du monde subaquatique ont été révolutionnées en 1943 par Jacques Cousteau et Emile Gagnon qui inventaient le scaphandre autonome (SCUBA pour Self-Contained Underwater Breathing Apparatus), permettant au plongeur d'évoluer librement en respirant un gaz ou un mélange, délivré à la pression ambiante. Héritière de ces pionniers, la plongée de loisir s'est considérablement développée ces dernières années.
De même l'accès aux sommets mythiques s'est popularisé depuis l'époque héroïque des Mallory (tentative de l'Everest, 1924), Herzog (Annapurna, 1950), Hillary (Everest, 1953) et le duo Habler-Meissner (Everest sans O2, 1978). Si l'altitude extrême reste l'apanage d'une minorité, le nombre de randonneurs évoluant en très haute altitude est en constante augmentation.
La plongée en altitude a la particularité d'exposer le corps humain aux contraintes d'un milieu hyperbare dans un environnement hypobare défini par une pression atmosphérique Patm
En juin 2000 une expédition genevoise (Himalaya High Altitude Diving, Swiss Expedition 2000) a établi le record du monde de plongée en altitude dans un lac à 5523 m au Népal, situé dans le Parc national de l'Everest.
Un des problèmes de la plongée en très haute altitude réside dans la difficulté d'accès aux lacs situés à plus de 4000 m. Deux régions dans le monde possèdent des eaux répondant à ce critère : La Cordillère des Andes essentiellement au Chili et en Bolivie et la chaîne de l'Himalaya. On définit la haute altitude entre 2500 et 3500 m, la très haute altitude entre 3500 et 5800 m et l'altitude extrême au-delà.1
La première plongée rapportée en très haute altitude a été réalisée par Cousteau en 1968 à 3810 m (Bolivie, lac Titicaca). La Marine indienne2 a effectué quelques plongées dans le Ladakh à 4328 m et une expédition anglaise a plongé en 1989 dans des lacs à 4877 m au Népal3 utilisant soit un mélange Nitrox (air enrichi en oxygène) soit de l'oxygène. Deux médecins français ont également organisé des expéditions en altitude : Gleises en 1992 dans le Dolpo (plongée à l'air à 4400 m)4 et Le Pechon en 1993 au Chili (plongée à l'air et au Nitrox à 4500 m).5
Elle s'est déroulée du 29 mai au 19 juin 2000 (période choisie après la saison froide en raison des lacs gelés et avant la mousson) et comprenait sept plongeurs : Dominique Neuenschwander, chef de l'expédition et instructeur responsable ; son épouse Valérie Neuenschwander, instructrice ; Michel-Albert Chamot, guide de haute montagne et instructeur ; Michel Freiburghaus, instructeur ; Elena Guex, Pierre-Antoine Clément et Jean-Yves Berney, médecin de l'expédition. Le staff était composé de 41 népalais (sherpas, sirdars) qui, aidés par trois yopkaks ou dzos (hybride issu du croisement entre un yack et une vache, remarquablement adaptés à l'altitude)6 ont acheminé une tonne de matériel en altitude. Les lacs choisis sont situés dans le Parc national de l'Everest, au Népal, dans la région de Gokyo au pied du Cho-Oyu, sommet grandiose de 8246 m. Le trajet de Katmandu à Namche Bazar (capitale des sherpas) s'est effectué en hélicoptère MI 17 en une heure, nous évitant une approche terrestre pouvant durer plus de dix jours mais du même coup nous privant d'une acclimatation progressive. Déposés à 3444 m, nous avons atteint notre camp de base (très proche de celui du Cho-Oyu) à l'altitude de 5170 m en quatre jours. (fig. 1).
Cela correspond à un dénivelé de 1720 m, un peu rapide pour une acclimatation optimale (300 m/j étant recommandés).7 Notre camp était en bordure du premier lac choisi, le lac Gyazumbha II, plongé par les sept membres de l'expédition. Le deuxième lac (Gyazumbha VI) à 5523 m a été exploré par les deux plongeurs les mieux acclimatés (D. Neuenschwander et M.A. Chamot) établissant ainsi le record du monde de plongée en altitude (profondeur atteinte 13,2 m, correspondant à une équivalence mer de 27,1 m). Les plongées ont été effectuées à l'air comprimé, d'une durée moyenne de 20 minutes, en combinaison étanche dans une eau à 0,9º C. Les bouteilles de plongées ont été gonflées sur place, avec un compresseur Coltri, non sans mal en raison de la diminution de la Patm qui rend difficile le fonctionnement des moteurs à explosion. Il n'y a eu aucun incident à déplorer, lié à la plongée. Quelques plongeurs ont souffert transitoirement du mal des montagnes, en particulier céphalées et insomnie. Le matériel médical, outre une pharmacie complète, comprenait 1200 litres d'O2 répartis dans trois bouteilles de 2 litres en kevlar avec masque haute concentration ainsi qu'un oxymètre. Nous avons renoncé à emporter une chambre de recompression d'altitude portable de type Gamow bag. Permettant de reconstituer une atmosphère pressurisée qui équivaut à une perte immédiate d'altitude d'environ 2000 m et idéale pour le traitement du mal des montagnes et de ses complications, elle est totalement insuffisante pour la prise en charge des accidents de décompression de la plongée.
La Patm au niveau de la mer correspond au poids de l'atmosphère d'une hauteur de 400 km. Elle est de 1 ATA (= 1,01 bar = 760 mmHg = 101 kPa = 1033 cm H2O). L'air étant un mélange gazeux compressible voit, par conséquent son poids spécifique diminuer avec l'altitude, la Patm évoluant de la même manière. 75% de l'air sont contenus dans les dix premiers km définissant la troposphère. La Patm diminue de manière exponentielle, mais à peu près de 0,1 bar tous les 1000 m jusqu'à 5000 m. Elle est de 0,5 bar à 5486 m et de 0,25 bar à 10 272 m (fig. 2).
La concentration d'O2 dans l'air est de 21%, quelle que soit l'altitude jusqu'à 100 km. Sa pression partielle (Pp), conformément à la loi de Dalton (la pression totale d'un mélange gazeux est égale à la somme des Pp de chacun de ses composants) va diminuer avec l'altitude et sera égale à : PO2 = Patm x 0,21. La pression inspirée d'O2, après correction de la Patm (soustraction de la pression de vapeur d'eau : 6.3 kPa à 37 ºC), passe de 19.6 kPa au niveau de la mer à 9,2 kPa à 5000 m réalisant l'hypoxie hypobarique soulignée par Paul Bert il y a déjà plus de 100 ans.7,8
Cette hypoxie va se répercuter sur tous les gradients d' O2 de l'alvéole jusqu'à la mitochondrie. Majorée par une réponse ventilatoire insuffisante chez certains individus et également par une respiration périodique, typiquement observée en altitude durant le sommeil, cette hypoxie va aboutir à une augmentation de la pression intracrânienne (PIC) par des mécanismes complexes et encore mal élucidés, pour réaliser le tableau du mal aigu des montagnes (MAM) associant céphalées, insomnie, anorexie, nausées, sensation de malaise et fatigue, et de sa terrible complication, l'dème cérébral d'altitude9 (fig. 3).
Au niveau pulmonaire, l'hypoxie va résulter en une vasoconstriction artérielle avec troubles de la perméabilité, pouvant conduire à un dème pulmonaire d'altitude (fig. 4).
L'acclimatation est un phénomène mal compris, indépendant de la condition physique et sujet à une variabilité inter-individuelle considérable.10 Les mesures de la saturation de l'hémoglobine en oxygène effectuées lors d'une expédition médicale jusqu'au camp de base de l'Everest en 1994 illustrent bien cette variabilité inter-individuelle1 (fig. 5).
Cette variabilité peut être intra-individuelle avec l'âge, comme le démontre Sir Edmund Hillary, prestigieux vainqueur de l'Everest en 1953 à l'âge de 33 ans (en compagnie du sherpa Tenzing Norgay), et qui par la suite souffrira d'dème cérébral à des altitudes «peu élevées» de 5200 m.11
L'acclimatation commence par une hyperventilation (adaptation ventilatoire hypoxique par stimulation des chémorécepteurs carotidiens et aortiques) dès 1500 m, rapidement limitée par l'hypocapnie. La compensation rénale (élimination de bicarbonates) de l'alcalose respiratoire induite, va permettre à nouveau une augmentation de la ventilation si l'altitude croît. C'est le mécanisme d'action de l'acétazolamide (Diamox ®), qui en stimulant la ventilation trouve ses indications dans la prévention et le traitement du mal aigu des montagnes. L'adaptation cardiovasculaire se traduit par une tachycardie augmentant le débit cardiaque de 20%. La fréquence cardiaque retourne à sa valeur habituelle au fur et à mesure de l'acclimatation, excepté en extrême altitude. L'adaptation rénale, la plus importante, avec sécrétion d'érythropoïétine, peut s'avérer délétère si une viscosité sanguine trop importante interfère avec le transport d'O2.10
Les phénomènes d'acclimatation semblent possibles jusqu'à 5500 m environ. Au-delà se réalise un équilibre fin entre adaptation et détérioration due à l'hypoxie chronique. Les habitants permanents les plus hauts de la planète se trouvent au Chili, à Aconquilcha (5340 m). Au-dessus de 8000 m une exposition prolongée est incompatible avec la vie.
La pression hydrostatique (Ph) est représentée par le poids de la colonne d'eau au-dessus du plongeur. Elle est de 1 bar ou 1 ATA pour 10 m d'eau douce, légèrement plus pour l'eau de mer en raison de son poids spécifique plus élevé. La pression absolue pour le plongeur sera : Patm + Ph. Ainsi au niveau de la mer, un plongeur à 40 m de profondeur sera soumis à une pression de 5 bar (1 + 4) (fig. 6).
Le détendeur lui délivrera le mélange gazeux à la pression environnante, à savoir dans l'exemple précédent à 5 bar. Pour occuper le volume intra-thoracique habituel, ce mélange sera cinq fois plus dense qu'en surface. Conformément à la loi de Boyle et Mariotte (à température constante le volume d'un gaz est inversement proportionnel à la pression qu'il subit) ce volume va quadrupler à la surface s'il n'est pas expiré, exposant le plongeur aux barotraumatismes pulmonaires, ORL, digestifs et dentaires. La surpression pulmonaire est la plus dangereuse avec sa complication redoutée, l'embolie gazeuse cérébrale.
L'azote (N2) gaz inerte du mélange respiré (air, Nitrox ou autre) va se dissoudre dans l'organisme et saturer les tissus, d'autant plus que la pression (donc la profondeur) augmente et que la plongée se prolonge. A la remontée, en raison de la loi de Henry (la quantité de gaz dissous est proportionnelle à la Pp de ce gaz), les tissus vont se désaturer de l'azote emmagasiné et des bulles vont se former. Interstitielles et intravasculaires in situ puis circulant dans le sang veineux, elles vont être piégées par le filtre pulmonaire et éliminées par la respiration alvéolaire. Si la capacité du filtre pulmonaire est dépassée en raison d'une quantité de bulles trop importante (décompression explosive due à une plongée trop profonde et/ou non respect des paliers et/ou remontée trop rapide), une hypertension artérielle pulmonaire avec insuffisance cardiaque droite va se manifester, tableau décrit sous le nom de chokes, pouvant aboutir à un collapsus cardiovasculaire. Le blocage de la circulation veineuse de retour par effet rétrograde explique la genèse des accidents médullaires. Si les bulles sont shuntées (foramen ovale perméable, shunt intrapulmonaire), elles vont se comporter, en passant sur le versant artériel comme de véritables embolies et être à l'origine d'accidents cérébraux et peut-être labyrinthiques. La formation de bulles extravasculaires expliquent les accidents cutanés, ostéo-arthro-musculaires et labyrinthiques.
Les accidents de décompression sont divisés en type I et II selon leur gravité (tableau 1). Leur physiopathologie implique des phénomènes de blocage circulatoire et de lésions endothéliales avec activation des systèmes de la coagulation, du complément, des bradykinines et libération de nombreux autres facteurs humoraux (les bulles étant de véritables corps étrangers). Les puces correspondent à une sensation prurigineuse discrète, les moutons à des papules violacées et les bends à des douleurs articulaires intenses touchant les grosses articulations (épaule, hanche, genoux) (tableau 1).
Les facteurs favorisant les accidents de décompression sont la fatigue psychologique et physique, le stress, l'exercice physique avant/pendant/après la plongée (q +++ du débit cardiaque : effet shaker), le froid (fermeture de la périphérie R Q dégazage), l'obésité (q volume de distribution du N2), l'âge (> 45 ans), la déshydratation (hémoconcentration avec effet sludge), une PCO2 augmentée (hypoventilation durant la plongée) et la consommation d'alcool.
Un des avantages de la plongée en altitude est la «guérison» du mal aigu des montagnes. La pression totale augmentant, la PO2 sera normalisée après quelques mètres de profondeur, faisant disparaître rapidement dyspnée, malaise et céphalées. Ce phénomène ne durera évidemment que la durée de la plongée, et l'hypoxie se développera à la remontée durant les derniers mètres. Ce phénomène a été ressenti lors de la plongée à 5523 m, avec palpitations et dyspnée intense chez les deux plongeurs, symptômes à anticiper pour éviter une remontée panique dangereuse. Un autre avantage de plonger en altitude est que l'on peut respirer les mélanges (Nitrox, Trimix (O2/He/N2)) plus profond qu'en mer, les gaz étant moins toxiques à même profondeur en raison de leur Pp moindre et également en raison de la charge en N2 dissous diminuée.
Mais les désavantages de la plongée en altitude dépassent nettement ses avantages. En raison des lois de Boyle et Mariotte et de Henry, plonger en altitude va modifier considérablement la décompression. A la remontée les gaz dissous vont atteindre un volume inversement proportionnel à la pression environnante. A 5500 m (Patm 0,5 bar) le volume de gaz sera doublé par rapport à la surface de la mer (le bouillonnement en surface des bulles expirées est éloquent). Une autre manière d'exprimer le même phénomène est de réaliser qu'à cette altitude, la Ptot de 1 bar (niveau de la mer) est atteinte à une profondeur de cinq mètres (= 0,5 bar Patm + 0,5 bar Ph). Il reste donc cinq mètres de «décompression» à faire. Même si l'azote dissous initial est diminué par rapport au niveau mer, la décompression totale est beaucoup plus longue, nécessitant adaptation des tables de plongée mer, diminution de la vitesse de remontée et de la hauteur des paliers. En surface le plongeur est hypoxique. Les risques d'accident de décompression et de barotraumatisme sont donc fortement augmentés et leur gravité également. Mais d'autres facteurs liés à l'altitude entrent en jeu. La polyglobulie associée à une diminution du volume plasmatique, une augmentation des plaquettes et de leur agrégabilité, et une réduction de la déformabilité érythrocytaire vont ralentir la microcirculation10 et par conséquent le dégazage. L'adhésion des plaquettes à l'interface bulle/plasma sera favorisée. Une prévention par l'aspirine peut être théoriquement indiquée, cependant aucun travail n'a encore été conduit sur son effet dans la prévention du mal des montagnes, a fortiori dans celle des accidents de plongée. Le froid, par son effet vasoconstricteur va réduire la perfusion de la peau, organe le plus lourd et le plus étendu (10 kg pour 2 m2), et contribuer au mauvais dégazage. Il est donc primordial, comme au niveau de la mer mais davantage encore, d'assurer une protection thermique efficace (vêtement étanche).
Finalement l'acclimatation du plongeur doit être considérée.
Sur un plan général, l'hypoxie et l'insomnie du mal des montagnes vont engendrer une fatigue, reconnue comme facteur de risque pour les accidents de décompression.
Sur le plan cardiovasculaire, l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) induite par l'hypoxémie d'altitude est susceptible d'ouvrir un foramen ovale perméable (25-30% de la population générale) et de favoriser le passage de bulles dans la circulation artérielle systémique. L'augmentation immédiate lors de toute immersion des valeurs de pression artérielle pulmonaire de l'ordre de 10 à 12 mmHg va renforcer ce mécanisme.12 Cette HTAP va également diminuer la capacité du filtre pulmonaire à éliminer les bulles avec risque augmenté de chokes ou d'accident médullaire. Les risques d'dème pulmonaire lié à l'altitude et à la plongée elle-même peuvent se cumuler, leurs mécanismes physiopathologiques étant cependant différents. La déshydratation rencontrée en altitude, si elle n'est pas corrigée peut limiter le débit cardiaque, donc le dégazage et s'additionner à la déshydratation propre se développant en plongée. La diminution du volume plasmatique est un facteur de risque reconnu pour l'accident de décompression. Il est fondamental d'assurer une hydratation suffisante avant et après la plongée. En outre les contraintes cardiovasculaires en plongées sont importantes (augmentation du travail cardiaque).
On comprend aisément qu'un plongeur mal acclimaté à l'altitude est à risque augmenté de développer un accident de décompression. Les plongées en haute altitude sous nos latitudes, en particulier sous glace sont de plus en plus recherchées par les plongeurs, et le facteur acclimatation est à prendre absolument en considération.
Finalement l'isolement dû à l'altitude, avec les difficultés d'accès et de transport rendent la prise en charge d'un éventuel accident de plongée plus difficile. De surcroît dans un pays comme le Népal qui ne possède aucun caisson de recompression. Pour être complet il faut encore citer les conditions climatiques parfois difficiles et le mauvais ou non fonctionnement du matériel de plongée à ces altitudes (détendeurs, ordinateurs de plongées).
La prise en charge des accidents de plongée doit être aussi précoce que possible afin de limiter au maximum les séquelles. Les plongeurs accidentés ont tendance à minimiser leurs symptômes et omettent de rapporter leurs erreurs de procédure durant la plongée. On s'attachera à reconnaître toute fatigue anormale, sensation de malaise, vertiges et céphalées. Une erreur de procédure lors de la plongée (plongée trop profonde, remontée trop rapide, paliers non respectés) chez un plongeur asymptomatique doit être traité comme un accident potentiel avec acheminement vers un centre hyperbare. Il faut établir une feuille de route avec l'heure de la sortie de l'eau, des examens cliniques qui seront répétés très régulièrement (symptomatologie neurologique très rapidement variable dans le temps) et des traitements effectués. L'examen clinique se résume à la mesure des signes vitaux, une auscultation cardiopulmonaire et un status neurologique complet à la recherche d'un déficit sensitivomoteur, d'une atteinte vestibulaire (nystagmus, Romberg), de troubles sphinctériens. En présence d'une détresse respiratoire, on recherche un emphysème sous-cutané témoin d'un barotraumatisme.
En cas de suspicion d'accidents de type II (troubles neurologiques existant ou ayant existé, troubles vestibulaires, chokes) ou d'erreurs de procédure patentes, l'attitude à adopter est la suivante :13 (les premiers gestes peuvent être effectués par les plongeurs accompagnant)
I Arrêt de tout effort physique (allonger immédiatement).
I Positionnement en décubitus latéral gauche avec Trendelenburg si détresse respiratoire.
I Oxygénothérapie normobare avec masque haute concentration (débit 15 l/min). But : FiO2 de 100%.
I Appel des secours en précisant qu'il s'agit d'un accident de plongée afin de planifier l'acheminement très rapide vers un caisson hyperbare (hélicoptère si possible à une altitude de vol minimale).
I Hydratation orale, si possible, de 1000 ml d'eau plate en 30 à 45 minutes.
I Protection contre le froid (sécher et couvrir).
I Administration d'aspirine 2-3 mg/kg.
I Rassurer le plongeur.
L'oxygénation reste le traitement fondamental avant la recompression en chambre hyperbare. La FiO2 doit s'approcher au maximum de 100%, ceci à l'aide d'un masque à haute concentration. L'oxygène permet de lutter contre l'hypoxie tissulaire et augmente le gradient de la PN2 (accélération de la dénitrogénation). Ces mécanismes seront multipliés avec l'oxygénothérapie en caisson, auxquels s'ajouteront l'action rhéologique de l'oxygène hyperbare (amélioration de la déformabilité érythrocytaire) et la diminution de la taille des bulles par la recompression (relevant seulement dans les trois heures suivant l'accident).
L'hémoconcentration (fuite plasmatique par augmentation de la perméabilité vasculaire, hypovolémie liée à la vasoplégie des troubles neurologiques) s'ajoute à la déshydratation classique du plongeur (débit urinaire six fois plus grand en situation d'immersion par rapport à la normale : != perfusion rénale, Ø ADH, != peptide natriurétique)12 et doit être corrigée. Elle est en effet délétère pour le dégazage (compromission de la microcirculation). Si disponible, une voie veineuse (18 G) sera placée pour un remplissage volémique efficace. Les solutés glucosés doivent être évités en raison de leur effet nocif sur les cellules nerveuses ischémiques. Les hydroxyéthylamidons (500 ml en 60 minutes), à défaut du NaCl ou du Ringer-lactate sont les fluides recommandés. Le Dextran malgré ses propriétés idéales anti-agrégantes et d'expansion volémique ne peut être retenu en raison des risques allergiques. Malgré l'absence de travaux contrôlés, l'administration de corticoïdes (méthylprednisolone 1-2-mg/kg) est souvent recommandée.
Le transport de l'accidenté doit être parfaitement organisé, sans interruption de l'administration d'O2 ni déplacement autonome du plongeur (brancard). Il s'agit d'une urgence médicale et même d'une course contre la montre. L'hélicoptère devra voler à l'altitude minimale possible afin de ne pas augmenter davantage la décompression, conformément à la loi de Boyle et Mariotte.
Notons finalement qu'il est important de récupérer l'ordinateur du plongeur afin de pouvoir éditer le profil de la plongée en cause.
La plongée en altitude augmente les risques d'accidents barotraumatiques et de décompression, ainsi que leur gravité. Les procédures de décompression doivent être adaptées et les plongées soigneusement préparées. Elles ne doivent s'adresser qu'à des plongeurs expérimentés, entraînés et bien acclimatés qui auront, au préalable été déclarés aptes à cette activité par un médecin compétent en matière de médecine de plongée et d'altitude.
La prise en charge d'un accident grave de plongée doit être effectuée le plus rapidement possible, en privilégiant l'oxygénothérapie normobare et l'hydratation, et le patient doit être transférer au plus tôt dans un centre hyperbare.