Il y a trois ans comme le temps passe ! le gouvernement français décidait de ne pas suivre la disposition européenne concernant la levée de l'embargo sur les viandes bovines britanniques. Au nom du principe de précaution et sur la foi des conclusions de ses experts, Paris narguait ainsi, depuis septembre 1999, les belles âmes fonctionnarisées de la construction européenne et de la libre circulation des marchandises sur le sol du Vieux Continent. Cette situation va-t-elle durer ? Rien n'est moins sûr. A l'heure automnale où nous écrivons ces lignes, rien ne permet de prédire ce que sera in fine la décision française. Pour autant une série de symptômes convergents nous autorise à prendre les paris et à postuler que les temps du maintien de l'embargo sont révolus. Le changement majeur réside ici dans le texte que vient de rendre public Martin Hirsch, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Cette agence estime que depuis 1999 la situation britannique s'est améliorée sur trois points.«Le taux d'incidence a continué à diminuer. On observe une baisse régulière du taux d'incidence depuis 1999 pour ce qui concerne les cas cliniques au sein de la population bovine âgée de plus de 24 mois, peut-on lire dans le texte de l'Afssa. En effet, ce taux passe de 650 cas par million en 1999 à 262 en 2000, 156 en 2001 et 59 au 30 août 2002. Si l'on cumule les cas cliniques et les animaux à risque détectés positifs qui, dans les deux cas, sont exclus de la chaîne alimentaire, les taux d'incidence passent de 219 cas par million en 2001 à 127 du 1er janvier au 30 août 2002. Des programmes de surveillance relatifs à la sécurisation de l'alimentation animale ont été renforcés. Les autorités britanniques ont en effet mis en place depuis 1996 un programme de surveillance spécifique de l'alimentation animale dont les modalités ont été renforcées en janvier 2001. C'est ainsi que sur l'année 2001, les résultats des contrôles montraient un taux de non-conformité assez bas pour ce qui concerne la présence de protéines animales transformées interdites dans cette filière. Toutefois, les conclusions de la dernière mission de l'Office agricole vétérinaire en Grande-Bretagne ont souligné que le système de contrôle officiel n'était pas en mesure d'assurer l'application effective de l'interdiction des protéines animales transformées en alimentation animale. Les autorités britanniques se sont engagées à remédier aux différents points de faiblesse identifiés.»L'Afssa observe d'autre part qu'on dispose aujourd'hui de davantage de recul pour apprécier le bien-fondé des mesures britanniques de lutte contre l'épidémie bovine. En pratique, les animaux qui seraient concernés par la levée de l'embargo sont des animaux nés à partir de janvier 2000, c'est-à-dire nés à une date postérieure d'au moins trois ans et demi à celle correspondant au renforcement des mesures de sécurisation de l'alimentation animale en juillet 1996. «Ce recul supplémentaire est un des éléments à prendre en compte dans l'évaluation du niveau de risque qui peut être faite pour les animaux britanniques et les produits qui en sont issus, susceptibles d'être exportés vers la France» souligne l'Agence. Pour autant elle ajoute : «les données des programmes de dépistage sur les différentes catégories d'animaux de plus de 30 mois sont encore très fragmentaires et le retard qui a été pris dans leur mise en uvre diminue la qualité et la précision de l'information.»En ce qui concerne les taux de prévalence des cas d'ESB dans l'ensemble du cheptel, il convient de rappeler que l'écart était d'un facteur 300 en 1999 : il y avait 650 cas par million de bovins au Royaume-Uni en 1999, contre 2 cas par million en 1999 en France. Il faut préciser que, pour les deux pays, les seules données disponibles étaient celles issues de la surveillance des cas cliniques, en l'absence de programme de surveillance active jusqu'à cette période. En 2002, cet écart s'est très sensiblement réduit puisqu'il est d'un facteur compris, selon les données observées, entre 7 et 10.Outre le décalage temporel, le resserrement de l'écart est, selon l'Afssa, lié à deux phénomènes : la poursuite de la diminution du nombre de cas détectés au Royaume-Uni, (consécutive à l'application de mesures destinées à sécuriser l'alimentation animale et à la poursuite des programmes d'élimination d'animaux à risque) et l'amélioration de l'épidémiosurveillance en France, liée à la mise en uvre de programmes de dépistage, et qui contribue à un accroissement du nombre de cas détectés. On ajoutera que depuis 1999 la mise en place de programmes de tests a modifié très nettement la vision de l'épizootie qu'il était possible d'avoir dans les différents pays d'Europe. La détection de cas est cohérente avec l'analyse qui a pu être conduite par la Commission européenne sous l'égide du comité scientifique directeur, sur les facteurs de risque géographiques, au regard des pratiques d'élevage, de la circulation des animaux et des aliments pour animaux dans les années à risque.Conclusion : «En l'absence d'information nouvelle pouvant remettre en cause les données et les raisonnements proposés ci-dessus, l'agence considérerait que, désormais, la possibilité d'importer des viandes britanniques ne serait pas de nature à remettre en cause le niveau de sécurité actuellement garanti au consommateur en France». On appréciera ici le recours au conditionnel. Reste le dilemme du gouvernement tricolore qui dispose désormais de ce feu vert des experts mais qui redoute l'impact sur une opinion désormais habituée au discours sur le principe de précaution et rêvant du risque zéro. Que feront ceux qui gouvernent l'Hexagone ? Réponse dans quelques jours.