L'agence nationale française dite «d'accréditation et d'évaluation en santé» (Anaes) vient de rendre public un rapport d'étape consacré à un sujet dont on sait à quel point il peut être riche d'actualité, celui de la stimulation cérébrale profonde à haute fréquence. Cette chirurgie fonctionnelle hautement originale est apparue à la fin des années quatre-vingts. «Une ou deux électrodes, implantées dans les noyaux cibles du cerveau, interfèrent par des impulsions électriques de haute fréquence avec les séquences de signaux électriques anormaux. Trois cibles sont utilisées actuellement : le noyau ventral intermédiaire du thalamus (VIM), le globus pallidus interne (GPi) et le noyau sous-thalamique (NST)» précisent les experts de l'Anaes.
Cette technique est une alternative à la chirurgie lésionnelle, qui détruit les mêmes noyaux. Elle s'adresse à une population restreinte de patients en échec thérapeutique. Cette technique émergente qui modifie les perspectives de traitement de la maladie de Parkinson reste à évaluer en termes d'efficacité et de tolérance. En France, à la demande de la direction des hôpitaux et organisation des soins, l'Anaes a réalisé un rapport d'étape sur la stimulation cérébrale profonde. L'efficacité, la sécurité d'utilisation et la procédure opératoire ont été étudiées. Le coût et l'organisation des soins n'ont en revanche pas été abordés.
En pratique, une analyse critique de la littérature clinique de langue française et anglaise a été réalisée portant sur la période 1996-2002. Le résultat de cette analyse a été présenté à un groupe de travail pluridisciplinaire et discuté lors d'une réunion. Le document ainsi élaboré a été relu par un deuxième groupe d'experts. Résultats : «Dix études cliniques ont été retenues, trois étaient comparatives et randomisées : deux études cliniques comparant la chirurgie lésionnelle à la stimulation cérébrale profonde et une étude comparant la stimulation unilatérale à la stimulation bilatérale. Deux études non randomisées comparaient la stimulation du GPi et du NST. Les autres études étaient des séries de cas étudiant un ou plusieurs noyaux cibles. Trois revues de synthèse étudiaient le traitement chirurgical dans la maladie de Parkinson et une quatrième a étudié spécifiquement la stimulation cérébrale profonde.»
Les experts de l'Anaes qualifient de «faible» la qualité méthodologique des études cliniques. «Pour une seule étude comparative randomisée, l'hypothèse testée a été décrite et le nombre nécessaire de patients calculé, soulignent-ils. La population étudiée différait selon les études. Les critères de sélection des patients étaient disparates et rarement décrits en détail. Les procédures opératoires étaient constamment variables et spécifiques à chaque centre y compris dans les études multicentriques. Les critères de jugement étaient multiples sous forme de scores cliniques dont certains étaient adaptés localement. Le critère principal a été défini dans une seule étude. Les conditions (nombre d'évaluateurs, aveugles ou non) dans lesquelles était menée l'évaluation manquaient souvent de précision et étaient différentes selon les études. Les résultats d'efficacité et de tolérance n'étaient pas tous donnés. La présentation des événements indésirables, plus particulièrement, manquait d'exhaustivité et n'était pas hiérarchisée selon la gravité. Le suivi des patients ne dépassait pas une année.»
Selon la conférence de consensus sur la maladie de Parkinson réalisée par l'Anaes en 2000, les indications sont, tout bien pesé, restreintes. Plus précisément, les patients doivent être atteints d'une maladie de Parkinson sévère échappant au traitement médical avec la persistance d'une bonne sensibilité à la dopathérapie. Leur état général et mental doit permettre l'acte chirurgical. En France, le nombre exact de patients relevant de cette chirurgie est estimé de 500 à 1000 nouveaux cas par an. Une étude épidémiologique en cours devrait permettre de préciser ce chiffre. Par ailleurs, selon l'Anaes, l'efficacité «réelle» de la stimulation cérébrale profonde «n'est pas connue». Les résultats des études cliniques suggèrent une efficacité à court terme sur les symptômes de la maladie dans le cas de la stimulation du GPi et du NST. La stimulation du VIM n'agit que sur les tremblements. La persistance des effets à long terme et le choix de la cible (GPi, NST) ne peuvent être déterminés à ce stade de développement.
Ajoutons, toujours selon l'Anaes, que l'évaluation de la tolérance n'est fondée que sur des études descriptives incomplètes. «Le problème lié à la sous-déclaration des événements graves lors des investigations cliniques peut être soulevé. Trois types d'événements indésirables sont décrits : ceux inhérents à la chirurgie (hémorragie), ceux dus au dispositif médical (infection, dysfonctionnement) et ceux dus aux paramètres de stimulation. Les données sur les complications dues à la stimulation elle-même affectant le statut fonctionnel, cognitif ou comportemental, nécessitent des investigations complémentaires», peut-on lire dans la synthèse du rapport. Pour le groupe de travail réuni sous l'égide de l'Anaes, la stimulation cérébrale profonde est une chirurgie stéréotaxique composée d'une séquence complexe d'actes diagnostiques et thérapeutiques. Un environnement hospitalier de haute technicité et une équipe pluridisciplinaire entraînée sont nécessaires.
D'un avis unanime, les experts considèrent «que la stimulation cérébrale profonde est efficace au vu de l'ampleur des effets thérapeutiques dans leur pratique». Le NST tend, en France, à devenir la cible privilégiée. Les experts reconnaissent le manque d'exhaustivité et de hiérarchisation du recueil des événements indésirables. Les complications, troubles du comportement et troubles métaboliques notamment, nécessitent de plus amples investigations. Au stade de développement actuel, le choix des différentes options chirurgicales leur semble devoir rester ouvert sous réserve d'une bonne efficacité et d'une faible morbidité et de se donner les moyens de recueillir ces informations. Une étude de cohorte longitudinale et prospective devrait être menée avec la participation de tous les centres pour permettre l'observation la plus rigoureuse possible des résultats selon les pratiques actuelles.