En référence à sa faculté d'augmenter l'empathie, l'ecstasy est parfois surnommée la «drogue de l'amour». Au niveau des neurones, il faudrait plutôt parler de drogue de la mort, tant les preuves de neurotoxicité s'accumulent sur la substance active, la MDMA (3,4-méthylendioxy-N-méthylamphétamine). Il y a deux ans, des chercheurs de l'Université Johns Hopkins et de l'Hôpital universitaire de Hambourg avaient déjà démontré que les consommateurs présentent des troubles de la mémoire, de la concentration et de l'attention liés à des dommages des neurones sérotoninergiques.Une nouvelle étude (Science 2002 ; 297 : 2260-3), réalisée chez le singe, laisse supposer que les neurones dopaminergiques sont encore plus gravement atteints. George Ricaurte et ses collègues de l'Université Johns Hopkins ont soumis des singes-écureuils, puis des baboins, à une prise de MDMA correspondant à une soirée branchée chez l'homme (3 doses de 2 mg/kg, espacées de 3 heures).Chez les deux espèces, ils ont constaté des réductions durables et localement importantes des taux de dopamine, ainsi que des atteintes importantes aux neurones dopaminergiques et à leurs axones, ceci plusieurs semaines après un traitement unique. Les dommages constatés, selon les auteurs, sont suffisamment graves pour faire craindre l'apparition de troubles parkinsoniens chez les sujets humains, comme «jeunes adultes ou plus tard».Ces symptômes n'ont pourtant pas été observés à ce jour chez des consommateurs, comme le confirme Jacques Besson, médecin chef de la Division abus de substances du CHUV. «Dans la pratique, il est très difficile de distinguer les effets secondaires d'une substance déterminée, explique le spécialiste. Les sujets consomment souvent plusieurs substances (six en moyenne pour les patients du centre de Saint-Martin à Lausanne), ils présentent fréquemment des comorbidités psychiatriques et ne réagissent pas de façon uniforme à une substance donnée.» De plus, les produits vendus sous l'appellation ecstasy peuvent contenir une soixantaine de composés différents en plus de la MDMA et sont synthétisés dans des laboratoires clandestins qui n'offrent aucune garantie.«Ces travaux sont d'abord l'occasion de renforcer le message préventif, estime Jacques Besson. Aucune drogue n'est dénuée d'effets secondaires, contrairement à un discours lénifiant trop répandu. Dans la pratique clinique, de tels résultats vont tout au plus nous inciter à être attentifs à d'éventuels symptômes de parkinsonisme. Pour le reste, les aspects neurologiques passent forcément au second plan dans la prise en charge de nos patients, souvent polytoxicomanes, confrontés à des difficultés sociales majeures ou à des troubles psychiatriques.»