Nous achevons ici l'exposé des conclusions de la conférence de consensus sur les techniques diagnostiques de l'artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs (AOMI), organisée en France par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) et qui avait notamment comme objectif d'évaluer la performance dans le diagnostic et la prise en charge de l'AOMI de l'échographie-Doppler (ED), basée sur l'utilisation des ultrasons (Médecine et Hygiène du 23 octobre 2002).Pour l'ED artériel des membres inférieurs les protocoles de réalisation sont variables d'une équipe à l'autre de même que les critères utilisés pour le diagnostic de sténose. «La reproductibilité de l'examen a été trop peu étudiée pour que les chiffres publiés dans la littérature en soient un bon reflet. Les auteurs s'accordent pour dire qu'elle est meilleure si on simplifie les critères diagnostiques utilisés. La performance diagnostique de cet examen varie en fonction des segments artériels considérés et est bonne dans la majorité des études sélectionnées (sténoses > 50% et occlusions sur tous segments confondus : sensibilité 63 à 95%, spécificité 85 à 100%), peut-on lire dans les conclusions de la conférence de consensus. Néanmoins, la segmentation des artères qui augmente artificiellement le nombre de segments considérés comme normaux dans les comparaisons peut majorer les résultats de performance obtenus.»Pour les experts de l'Anaes, l'intérêt de l'ED a été évalué pour la décision, la réalisation et la surveillance d'un pontage. Cependant, les études portent sur des séries de faibles effectifs de qualité méthodologique moyenne. Les pontages sous-inguinaux ont été les plus étudiés. La planification d'un geste chirurgical sur les données d'un ED de bonne qualité diffère peu des décisions prises sur l'artériographie. Néanmoins, la chirurgie sans artériographie préalable est une pratique très peu répandue. La littérature disponible ne permet pas d'évaluer le bénéfice de cette pratique.D'autre part, l'ED est communément utilisé pour évaluer la qualité du réseau veineux superficiel avant réalisation d'un pontage veineux sous-inguinal. La détermination du site d'implantation des pontages par ED a été relativement peu étudiée. L'ED semble avoir une bonne valeur prédictive du ou des sites d'implantation des pontages sous-inguinaux. Le contrôle ED peropératoire d'un pontage et la correction d'éventuelles anomalies détectées augmentent la probabilité de perméabilité du pontage à distance. Sa mise en uvre est plus facile que l'artériographie. Au cours de la surveillance des pontages, l'ED a pour but de repérer ceux qui risquent de s'occlure, afin de proposer une correction préventive de l'anomalie par geste chirurgical ou angioplastie.«Son utilité pour la surveillance des pontages veineux sous-inguinaux est reconnue, alors qu'elle est actuellement discutée pour les pontages fémoro-poplités sus- ou sous-articulaires en polytétrafluoroéthylène (PTFE), soulignent les experts. Un seul travail qui distingue les pontages fémoro-poplités des pontages fémoro-jambiers en PTFE est en faveur d'une surveillance ED régulière pour ces derniers. Le rythme de surveillance dépend des équipes et du geste, mais la majorité des équipes insiste sur l'importance d'un suivi régulier pendant les deux premières années pour les pontages veineux sous-inguinaux. L'ED est utilisé pour la décision, la réalisation et la surveillance d'un geste de revascularisation endoluminale. Cependant, peu d'études sont publiées et la qualité méthodologique des données est moyenne. Pour les études qui évaluent l'utilité de l'ED avant la réalisation d'une angioplastie, dans plus de 80% des cas, l'ED permet de prédire la faisabilité d'une angioplastie avec la même pertinence que l'artériographie. De ce fait, ces auteurs proposent la réalisation de l'angioplastie dans le même temps que l'artériographie. Cette pratique est à discuter par les différentes équipes intervenantes et ne peut se concevoir que dans le cadre d'une prise en charge globale du patient polyvasculaire (avis du groupe de travail).» Au décours immédiat de l'angioplastie, l'évaluation par ED de la qualité de celle-ci a une valeur prédictive de la survenue ou non d'une resténose ou d'une occlusion au site dilaté. Enfin, la pratique d'une angioplastie sous contrôle ED reste très marginale.Quelle est au total la place de l'ED dans l'AOMI ? «Alors qu'il s'agit d'une technique ancienne, il est intéressant de noter le nombre d'études récentes, qui prouve l'intérêt de nombreux auteurs pour l'ED et pour sa standardisation. L'analyse de la littérature a montré que le déroulement des examens, les critères diagnostiques pour la quantification en échographie-Doppler des sténoses et occlusions, et sa place en fonction de la situation clinique n'étaient pas standardisés dans l'AOMI» soulignent les experts. Ces derniers expliquent que, de ce fait, leur groupe de travail propose un texte reflétant leur opinion consensuelle sur le minimum requis pour l'appareillage, la méthodologie de l'examen, et la place de l'ED en fonction de la situation clinique. Un groupe de lecture a également été sollicité pour valider ce texte ou fournir des opinions différentes. Rédigé à l'initiative du groupe de travail dans le cadre d'un dossier d'évaluation technologique, ce texte ne peut pas véritablement être considéré comme des «recommandations» car son élaboration n'a pas été conforme à la méthodologie spécifique que l'Anaes utilise pour la rédaction habituelle de recommandations. Il fait l'objet d'une publication séparée, complémentaire à cette synthèse.Le groupe de travail de l'Anaes comprenait les experts suivants : Dr Jean-Michel Baud, médecin vasculaire (Le Chesnay) ; Pr François Becker, médecin vasculaire (Besançon) ; Pr Luc Bressollette, médecin vasculaire (Brest) ; Dr Paul Brutus, chirurgien vasculaire (Limoges) ; Dr François Charles, radiologue (Marseille) ; Dr Pierre Chirossel, radiologue (Lyon) ; Pr Marc Coggia, chirurgien vasculaire (Boulogne) ; Dr Jean Devic, radiologue (Avignon) ; Dr Antoine Elias, médecin vasculaire (Toulouse) ; Dr Jean-Pierre Laroche, médecin vasculaire (Avignon) ; Dr Jean-Jacques Mourad, médecin vasculaire (Paris) ; Dr Marc Richer de Forges, chirurgien vasculaire et thoracique (Le Mans).