Congrès commun : 19th scientific meeting of the International Society of Hypertension (ISH)et12th European Society of Hypertension (ESH)Prague, 23 au 27 juin 2002Du 23 au 27 juin dernier s'est tenu à Prague le congrès annuel de l'International Society of Hypertension (ISH) et de la European Society of Hypertension (ESH). Cette année, comme tous les six ans, les deux sociétés étaient réunies pour un congrès commun. Parmi les centaines de présentations, nous avons choisi quelques sujets d'intérêt pour le praticien.Hypertension réfractaire : non-réponse au traitement ou non-compliance ?Le Pr Michel Burnier, lors d'un symposium satellite, a présenté quelques travaux sur la compliance chez le patient hypertendu, travaux publiés par son équipe du CHUV. L'hypertension réfractaire est définie arbitrairement comme une hypertension insuffisamment contrôlée malgré une trithérapie. Les causes d'hypertension dite réfractaire sont diverses (tableau 1) et il est capital de les reconnaître afin de prendre les mesures thérapeutiques adéquates. En effet, si le patient ne répond pas au traitement qu'il prend correctement, des investigations complémentaires et un changement thérapeutique (changement de classe d'antihypertenseur ou escalade thérapeutique) sont nécessaires. Par contre, si le contrôle de l'hypertension est insuffisant suite à une mauvaise compliance, les investigations et les changements thérapeutiques entraîneront un gaspillage de ressources sans efficacité. La question est donc de savoir comment détecter la non-compliance et en évaluer ses conséquences. Ces questions se posent pour tous les traitements que nous prescrivons et plus particulièrement pour des affections silencieuses et chroniques comme l'hypertension ou l'hypercholestérolémie par exemple. M. Burnier et ses collaborateurs ont utilisé des piluliers électroniques. Il s'agit de flacons dans lesquels on met le médicament, flacons dont le couvercle est équipé d'un compteur électronique. Le compteur permet d'enregistrer chaque ouverture du flacon et l'heure d'ouverture. On suppose que le patient prend par la suite son comprimé et qu'il ne le jette pas aux toilettes (il semblerait que ce cas de figure soit heureusement plutôt rare !). Dans un groupe de patients, adressés à la consultation d'hypertension du CHUV pour une hypertension réfractaire, les auteurs ont simplement fourni aux patients ces piluliers électroniques afin de contrôler la prise du traitement sans le modifier. Chez un tiers des sujets, il a été constaté une normalisation de la tension artérielle (TA), pour un autre tiers une baisse de la TA (sans atteindre la TA cible) et finalement aucune modification tensionnelle pour le dernier tiers. Les observations suivantes peuvent être faites. Premièrement, le simple fait de contrôler la prise des médicaments augmente la compliance (au moins sur la durée de l'étude). Deuxièmement, la compliance moyenne est la même dans les trois groupes. On trouve ainsi des patients qui atteignent les valeurs tensionnelles cibles avec seulement 60% de compliance (ce qui signifie qu'une partie du traitement a été ajoutée à un traitement qui n'était pas pris, le patient se retrouvant «surtraité») alors que d'autres avec une compliance de 100% n'atteignent pas les valeurs cibles thérapeutiques (vrais non-répondeurs pharmacologiques). Troisièmement, la compliance a tendance à augmenter au cours des jours qui précèdent la consultation (compliance «blouse blanche» !). Finalement, la compliance pour un patient donné est plus ou moins la même pour tous les médicaments qu'il reçoit. M. Burnier a rappelé en conclusion que les médicaments de longue durée d'action sont plus efficaces en cas «d'oublis» occasionnels et que certaines classes d'antihypertenseurs mieux tolérées que d'autres s'accompagnent d'une meilleure compliance (comme par exemple les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) ou les sartans).Commentaire : Dans la prise en charge des patients hypertendus, deux points sont capitaux. Premièrement, une mesure correcte de la TA (comment poser le diagnostic d'hypertension et juger de la réponse thérapeutique si la mesure de la TA est systématiquement erronée ?) et deuxièmement l'observance ou la compliance (à quoi servent les prescriptions et les études cliniques si le patient ne prend pas son traitement ?). Ces travaux de l'équipe du Pr M. Burnier apportent des éléments très importants sur l'évaluation de la non-compliance. Sur le plan pratique, il est difficile de dépister la non-observance. L'utilisation des piluliers électroniques reste pour l'instant du domaine des consultations spécialisées.Les différentes classes d'antihypertenseurs sont-elles égales ?Le Pr Bruce Neal (Australie) a présenté, lors d'un symposium satellite, des données récentes en complément de la méta-analyse OMS-ISH déjà publiée (Lancet, 2000). L'analyse porte sur l'efficacité des traitements antihypertenseurs dans la réduction des événements cardiovasculaires (accident vasculaire cérébral (AVC), maladie coronarienne, insuffisance cardiaque) et de la mortalité. Cette analyse montre que les IEC sont efficaces par rapport au placebo, aux diurétiques ou aux bêta-bloquants. Les anticalciques sont efficaces par rapport au placebo. Par rapport aux diurétiques ou aux bêta-bloquants, les anticalciques pourraient être plus efficaces sur la prévention des AVC. Par contre, comparativement aux anticalciques, les IEC semblent avoir un avantage en ce qui concerne la diminution du risque de maladie coronarienne et d'insuffisance cardiaque. En conclusion, les IEC et les anticalciques sont des classes d'antihypertenseurs dont l'efficacité est prouvée. Des différences d'efficacité sont possibles entre les différentes classes. La prochaine méta-analyse de ce groupe est prévue pour 2003 et devrait inclure des travaux publiés plus récemment.Au cours du même symposium satellite, le Pr J. A. Staessen (Belgique) a analysé les résultats d'études récentes (notamment Life et Progress) en utilisant la méthodologie d'une autre méta-analyse (Lancet, 2001). Dans cette étude, les auteurs ont chiffré la réduction attendue en termes d'événements cardiovasculaires pour une baisse tensionnelle donnée sur la base des grandes études thérapeutiques. Il ressort de ce modèle mathématique que des baisses tensionnelles qui peuvent sembler modestes, de quelques millimètres de mercure, peuvent correspondre à une efficacité thérapeutique significative. Dans des études récentes comme Life, Hope ou Progress, on observe à la fin de l'étude des différences tensionnelles entre les groupes randomisés. Ces différences peuvent, selon ce modèle mathématique, expliquer une grande partie (si ce n'est toutes !) des différences d'efficacité des traitements.Commentaire : Un conférencier (H. A. J. Struijker Boudier, Maastricht, Hollande) avait commencé son exposé intitulé «The right drug and the right dose» par dire : «What I need to talk is the right lawyer». La question du choix de l'antihypertenseur est un serpent de mer, qui a ressurgi récemment avec la publication de l'étude LIFE. Certains médicaments ont-ils des propriétés spécifiques qui leur confèrent un avantage en plus de leur effet purement antihypertenseur («Is there a benefit beyond blood pressure lowering ?»). De différentes présentations et discussions lors de ce congrès, on peut conclure qu'il y a peut-être des avantages à prescrire un antihypertenseur plutôt qu'un autre en termes d'efficacité mais que l'efficacité reste principalement liée à la baisse de la pression. A cela s'ajoutent des questions de coûts (les nouveaux médicaments étant plus chers) et de compliance (un médicament en une prise par jour ou un médicament avec moins d'effets secondaires aura plus de chances d'être effectivement pris). La publication de l'étude Allhat, attendue pour 2003, devrait apporter de nouveaux éléments de réponse, cette étude comparant entre eux un diurétique (chlortalidone), un IEC (lisinopril) et un anticalcique (amlodipine). L'étude comportait un groupe de patients sous alphabloquant (doxazosine). Ce bras de l'étude a été stoppé prématurément, les patients sous doxazosine ayant présenté 25% de plus d'événements cardiovasculaires par rapport au groupe sous chlortalidone (JAMA, 2000).Sel et hypertensionLe Pr A. Mimran, de Montpellier (France) a souligné dans sa conférence présidentielle le rôle du sodium dans l'atteinte des organes cibles. L'augmentation de l'apport sodé (principalement sous forme de sel ajouté dans notre alimentation) se traduit par une augmentation de la pression artérielle surtout systolique. Nous ne sommes pas tous égaux à l'égard du sel. Vingt pour cent de la population générale est dite sensible au sel (c'est-à-dire qu'un apport accru de sel va se traduire par une augmentation proportionnelle de la TA). Ce pourcentage atteint 35% à 50% au sein des hypertendus. L'âge augmente également la sensibilité au sel. Une observation encore plus intéressante est le rôle que semble jouer l'apport en sel dans les dégâts aux organes cibles dus à l'hypertension. En effet, pour des tensions égales, les patients avec un apport sodé plus important ont plus souvent une hypertrophie ventriculaire gauche et une microalbuminurie plus importante.Quelle est la relation entre la baisse de l'apport sodé et la baisse tensionnelle ? Le Dr F. J. He, de l'unité d'hypertension de l'hôpital St George de Londres, a présenté les résultats d'une méta-analyse portant sur les études randomisées à long terme (minimum quatre semaines) où l'apport en sel a été réduit chez des patients hypertendus. On observe une relation dose-réponse linéaire. En d'autres termes, pour chaque diminution de l'apport sodé on assiste à une diminution proportionnelle de la TA. Avec une diminution de l'apport de sodium de 100 mmol/ jour (soit une réduction de six grammes de sel/jour), on peut s'attendre à une diminution tensionnelle d'environ 7 mmHg pour la TA systolique et 4 mmHg pour la TA diastolique. Une telle relation a été observée dans l'étude DASH-Sodium (NEJM, 2001). Les médecins devraient donc encourager les patients hypertendus à diminuer leur consommation de sel.Commentaire : La réduction de l'apport en sel dans l'alimentation est probablement une des mesures les plus efficaces et les moins coûteuses dans la lutte contre l'hypertension au niveau de la population. A l'échelle individuelle, le patient hypertendu bénéficie d'une réduction de son apport de sel. La baisse tensionnelle peut sembler modeste mais toutes les études thérapeutiques montrent qu'une diminution de la TA de quelques mmHg s'accompagne d'une réduction significative des événements cardiovasculaires.PROGRESS : diminution du risque de démenceLe Pr C. Tzourio de Paris a présenté une analyse d'un sous-groupe de l'étude Progress. Cette étude a montré qu'un traitement avec un IEC seul (périndopril) ou en combinaison avec un diurétique (indapamide) permettait de réduire le risque de récidive d'AVC dans une population de patients peu ou pas hypertendus ayant souffert d'un AVC. L'analyse de sous-groupe présentée montre également une réduction du risque de démence post-AVC.Commentaire : L'intérêt de cette analyse porte surtout sur la crainte de voir les fonctions cognitives diminuer si on baisse la TA chez des patients «vasculaires». Cette crainte ne se vérifie pas, on assiste même à une réduction des démences secondaires à un AVC.