L'urétéroscopie (URS) flexible est une alternative technique utile pour le traitement de la lithiase de la voie urinaire haute en complément à la lithotritie extracorporelle et la néphrolithotomie percutanée. Elle permet également de traiter les sténoses de la jonction pyélo-urétérale ainsi que de préciser le diagnostic de certaines pathologies des cavités pyélo-calicielles et de l'uretère proximal. Les auteurs analysent rétrospectivement une série de 47 patients ayant bénéficié de l'URS flexible pour ces trois types d'indication. Le collectif est divisé en deux groupes afin d'analyser également la courbe d'apprentissage. L'URS flexible s'est révélée être une technique sûre et efficace permettant un bon accès aux cavités pyélo-calicielles.
Le premier urétérorénoscope (URS) flexible, introduit par Marshall en 1964,1 était un instrument purement diagnostique. La qualité de l'image n'était pas satisfaisante en raison de fibres optiques trop larges et du manque d'irrigation. Par ailleurs, son extrémité ne pouvait être fléchie et l'absence de canal de travail rendait tout geste actif impossible. Les progrès techniques de ces vingt dernières années nous permettent aujourd'hui de disposer d'instruments fournissant d'excellentes images, dont le bout peut être fléchi de 80 à 160 degrés dans deux directions et possédant des canaux de travail permettant des gestes thérapeutiques actifs. Ces endoscopes peuvent être qualifiés de miniaturisés (leur diamètre est de 3 mm) et permettent désormais d'accéder à l'ensemble de la voie urinaire haute, du bassinet et des calices jusqu'aux papilles. Néanmoins, cette endoscopie de haut de gamme est en concurrence avec d'autres techniques valables, telles que la lithotritie extracorporelle (LEC) et la néphrolithotomie percutanée (NLPC). La LEC, quasiment non invasive, est limitée dans son efficacité en cas de charge lithiasique importante2,3,4 ou en présence d'une lithiase du calice inférieur.5,6,7,8 Dans ces cas, la chirurgie percutanée (NLPC) est plus efficace mais également plus invasive et nécessite une durée d'hospitalisation plus longue.7,9 Des travaux récents de Grasso10 et Bagley11 ont démontré l'efficacité de l'URS flexible dans des mains expérimentées. Plus efficace que la LEC pour certaines lithiases et moins invasive que la NLPC, l'URS flexible est également particulièrement attractive pour traiter les sténoses de la jonction pyélo-urétérale et préciser le diagnostic de certaines pathologies de la voie urinaire haute. L'objectif de cette étude était d'évaluer l'efficacité de l'URS flexible dans notre collectif et d'interpréter la courbe d'apprentissage.
Nous avons rétrospectivement analysé les résultats de nos interventions avec l'URS flexible sur 47 patients pendant une période de quatre ans. L'âge moyen était de 60 ans (extrêmes de 20-90). 34 patients (72%) étaient de sexe masculin et 13 de sexe féminin (28%). Le contingent a été divisé en deux groupes : le groupe A, constitué des premiers 21 patients, opérés de janvier 1998 à juillet 2000 et le groupe B, constitué des 26 patients suivants, opérés d'août 2000 à maintenant, ceci afin de comparer le succès et les différentes techniques employées durant ces deux périodes.
Les indications retenues étaient : lithiase (n = 36), investigation diagnostique (n = 9), suspicion de tumeur du bassinet et sténose de la jonction pyélo-calicielle (n = 2).
Des 36 patients traités pour lithiase, 5 bénéficiaient de l'URS comme investigation primaire et 31 comme supplément, dont 12 suite à une LEC, 17 suite à une URS semi-rigide et 2 comme complément à une NLPC.
Le degré de succès peropératoire était défini, pour la lithiase, par l'extraction complète des calculs ou leur fragmentation inférieure à 2 mm. Pour les investigations à but diagnostique, nous exigions la capacité d'établir un diagnostic.
Après l'introduction d'un cystoscope, on effectue une opacification de la voie urinaire haute à l'aide d'une sonde urétérale. Sur un guide, le méat urétéral est dilaté au moyen d'un ballonnet hydraulique. Un deuxième guide est alors introduit et servira à l'introduction de l'URS flexible jusqu'au bassinet rénal sous contrôle radioscopique. Comme urétérorénoscope flexible nous avons utilisé des instruments de 6,9 à 7,5 Ch ( 2,3-2,5 mm de diamètre ; Storz et Olympus ). L'orientation dans le bassinet se fait sous vision directe et par radioscopie. La lithotritie s'effectue à l'aide d'un laser, qui permet une fragmentation par vaporisation du calcul. Pour l'extraction des fragments, nous utilisons des pinces à corps étranger flexibles ou des sondes type Dormia à panier sans pointe (fig. 1).
Les patients ont été regroupés par indication : traitement d'une lithiase, d'une maladie de la jonction et endoscopie à but diagnostique.
Les patients étaient au nombre de 36 (77%), dont 15 dans le groupe A et 21 dans le groupe B. Les diamètres moyens des calculs traités étaient comparables dans les deux groupes (tableau 1). Pendant la première période (groupe A), 73% des patients avec lithiase ont pu être traités avec succès, versus 95% dans la deuxième période (groupe B). Dans le groupe A, les trois cas (20%) présentant une lithiase du calice inférieur se sont avérés être un échec, tandis que dans le groupe B sept des huit patients (88%) ont pu être traités avec succès. La lithotritie in situ par laser a été effectuée chez dix patients (28%), l'extraction immédiate du calcul à l'aide de sondes à panier chez huit (22%) et les deux techniques combinées chez six patients (17%) (tableau 2).
En comparant les deux périodes, on note qu'avec plus d'expérience les gestes combinés avec l'extraction directe à l'aide de pinces ou de sondes à panier sont devenues majoritaires (20% (3 sur 15) dans le groupe A versus 62% (13 sur 21) dans le groupe B dont deux cas d'aspiration de fragments résiduels au niveau du bassinet et du calice haut/moyen après LEC) (tableau 2). La suspicion de lithiase résiduelle post-LEC et/ou URS semi-rigide n'a pas été confirmée chez deux patients du groupe A (13%) et trois du groupe B (14%).
Chez douze patients (33%), l'URS flexible servait à infirmer ou confirmer une suspicion de lithiase résiduelle après URS semi-rigide (n = 6) et/ou LEC (n = 6) dans un deuxième temps lorsque l'imagerie radiologique n'était pas conclusive.
Les échecs (tableau 3) ont été plus fréquents dans le groupe A (quatre patients, 20%) que dans le groupe B (deux patients, 8%). Dans le groupe A, ils étaient dus à des raisons anatomiques (n = 2) ou techniques (n = 2). Chez un patient, l'extraction immédiate du calcul s'est avérée impossible en raison de l'existence d'une sténose concomitante au niveau de l'uretère proximal et, chez un autre patient, c'est le petit diamètre de la jonction pyélo-urétérale qui a constitué le facteur limitant. Nous avons donc, chez les deux premiers patients, procédé à la fragmentation au laser et à la mise en place d'une endoprothèse. Les patients ne montraient plus de calcul après l'ablation de l'endoprothèse effectuée à dix jours. Chez un patient du groupe B, l'incision endoscopique de la sténose a été réalisée dans un deuxième temps opératoire à trois semaines de la pose d'une endoprothèse urétérale. A deux reprises, il n'a pas été possible d'accéder au calice rénal inférieur pour le traitement de la lithiase à cause de l'angle entre l'uretère et le calice. Un de ces calculs mesurait 20 mm dans son diamètre majeur et a été fragmenté partiellement ; la suite de la prise en charge a été assurée par une LEC. Six patients dans le groupe A (40%) et six dans le groupe B (28%) ont bénéficié d'une endoprothèse urétérale en peropératoire.
Sténoses de la jonction pyélo-urétérale
Les deux patients traités pour sténose n'ont pas montré de nouvelle obstruction au contrôle scintigraphique effectué à six mois et ne montrent pas de récidive à ce jour après 37 et 22 mois de suivi.
Neuf patients (19%) en ont bénéficié. Chez 75% (n = 3) des patients du groupe A et 80% (n = 4) du groupe B, nous avons pu établir le diagnostic (tableau 4).
Les échecs dans le groupe A (n = 1) et le groupe B (n = 1) étaient dus à l'impossibilité du passage en raison d'une sténose urétérale proximale et du petit diamètre de la jonction pyélo-urétérale. Chez le premier patient, le diagnostic a pu être posé à l'aide d'une cytologie de rinçage du bassinet et chez le deuxième lors d'une nouvelle URS flexible avec incision de la jonction pyélo-urétérale après mise en place d'une endoprothèse urétérale. Chez un troisième patient du groupe B, l'obstacle au passage de l'URS était dû à une sténose de l'uretère par infiltration tumorale d'un carcinome transitionnel du bassinet, confirmé par une biopsie et une néphro-urétérectomie ouverte par la suite.
Sur l'ensemble du collectif, les procédures endoscopiques ont échoué dans sept cas (15%). Dans le groupe B, les échecs (n = 2) étaient exclusivement dus à des raisons anatomiques en raison d'une sténose de la jonction pyélo-urétérale et de l'uretère proximal (les deux patients étaient parmi les premiers du groupe B). On note donc cinq échecs (11%) en raison de rétrécissements urétéraux auxquels nous avons été confrontés lors de la prise en charge des 30 premiers patients.
Parmi nos 47 patients, nous n'avons pas constaté de complications majeures. Deux patients ont présenté un état fébrile transitoire qui s'est résolu spontanément par anti-inflammatoires. Il n'y a pas eu de lésion de la voie excrétrice.
L'urétérorénoscopie flexible est destinée aux diagnostic et traitement des affections de la voie urinaire haute, en particulier des cavités pyélo-urétérales. Par rapport à l'URS semi-rigide, l'URS flexible étend l'accès de la voie urinaire haute jusqu'aux calices, notamment moyens et inférieurs.
En concurrence initialement avec d'autres techniques comme la LEC et la chirurgie percutanée rénale des lithiases (NLPC), les indications à l'URS flexible sont en train de devenir complémentaires. Reconnue pour son efficacité et son invasivité minimale, la LEC s'avère être un traitement efficace dans environ 70% à 80% de tous les calculs rénaux et urétéraux.2 Son succès est toutefois limité par la multiplicité des calculs2 et/ou leur taille (les lithiases de plus de 20 mm nécessitent souvent des LEC multiples),3 ainsi qu'en raison de complications telles que l'empierrement urétéral par les débris de fragmentation (Steinstrasse) nécessitant un geste endoscopique additionnel.4 L'obésité des patients peut également aboutir à une difficulté, voire impossibilité de centrage.12 Par ailleurs, les lithotripteurs de troisième génération ne demandent plus qu'une sédo-analgésie, mais aux dépens de l'énergie maximale dirigée sur le foyer lithiasique et donc avec une diminution de l'efficacité.7,13 Quant à la NLPC, elle s'est avérée très efficace pour les calculs pyélo-caliciels dépassant 2 centimètres avec des succès de 98%,9 mais nécessite un séjour hospitalier prolongé7,9 et peut entraîner une certaine morbidité.
Un problème particulier est représenté par les calculs du calice inférieur, dont l'élimination après LEC est limitée, avec un succès thérapeutique se situant entre 41 et 79%.5,6,7 Dans cette situation, l'URS flexible s'est avérée particulièrement efficace par rapport aux autres techniques.13 Ainsi, cinq des huit patients du groupe B traités pour une lithiase du calice inférieur présentaient des calculs résiduels après LEC. Lorsque l'angle de l'axe «uretère-calice inférieur» est inférieur à 45°, l'élimination des calculs caliciels inférieurs est difficile.7,8 Malgré cet angle, l'URS flexible peut accéder au calice inférieur. Jusqu'à une taille de 20 millimètres, le traitement de ces calculs avec l'URS flexible atteint des succès de 95%.13,14 La courbe d'apprentissage joue un rôle dans le franchissement de cet angle. Ainsi, deux des trois échecs sur le calice inférieur dans le groupe A lui sont attribuables, alors que ce problème n'a plus été rencontré dans la deuxième partie de notre collectif. Nous avons pu définitivement traiter 7/8 (88%) des calculs du calice inférieur dans le groupe B. Le seul échec d'accès étant dû à une jonction pyélo-urétérale infranchissable. Quant aux calculs du bassinet, des calices supérieur et moyen, ils sont plus faciles d'accès avec l'URS flexible, ce qui se traduit par un taux de succès de 92% déjà dans le groupe A.
L'URS flexible est une technique exigeante et nécessite une certaine expérience, ce qui se reflète dans la diminution des échecs thérapeutiques à 8% (n = 2) pendant la deuxième période (tableau 3). Cependant, nos résultats montrent que cette technique peut donc être maîtrisée avec une courbe d'apprentissage acceptable (environ vingt cas). Nous avons constaté que l'application combinée de la lithotritie au laser et l'extraction à l'aide d'une pince à corps étranger ou d'une sonde à panier rend le geste opératoire plus efficace. Tandis que la fragmentation «in situ» a prédominé dans le groupe A (40%, n = 6) et diminué à 19% (n = 4) dans le groupe B, nous avons favorisé une combinaison des techniques dans 62% du groupe B (n = 13) versus 20% (n = 3) dans le groupe A, ce qui a permis de régler le problème lithiasique en une fois.
Le diagnostic d'une pathologie suspectée de la voie urinaire haute fait partie des indications classiques de l'URS flexible. Ceci a été le cas chez neuf de nos patients. Chez deux tiers des patients, un diagnostic a pu être établi. Des pinces biopsiques permettent d'obtenir un échantillon adéquat pour l'histologie, l'application du laser un traitement palliatif ou thérapeutique,10 en particulier dans des cas choisis (rein unique, contre-indications à une chirurgie ouverte ou lésions différenciées et délimitées).
Les échecs dus à des rétrécissements de la voie urinaire haute peuvent être évités par la mise en place d'une endoprothèse urétérale une semaine avant l'intervention. Alternativement avec l'expérience actuelle, la dilatation ou l'incision au laser de ces sténoses permet également à l'endoscope d'atteindre son but.
Au plan des complications, nous n'avons pas eu à déplorer de lésion de la voie excrétrice. La nécessité de la mise en place d'une endoprothèse urétérale à la fin de l'intervention diminue avec l'expérience croissante. Dans le groupe B, seulement 23% (6/26) des patients ont bénéficié d'une endoprothèse par rapport à 40% (6/15) dans le groupe A.
L'urétérorénoscopie flexible est une technique sûre et efficace dont les applications sont multiples. Etant peu invasive, son indication dans le traitement de la lithiase de la voie urinaire haute se situe entre la lithotritie extracorporelle (LEC), qui ne peut pas résoudre toutes les situations, et la NLPC, geste opératoire comportant plus de morbidité. Par ailleurs, cet outil endoscopique permet de traiter la maladie de la jonction pyélo-urétérale et offre la possibilité de préciser le diagnostic dans une situation clinique équivoque. Un autre avantage de cette technique réside dans la résolution, en un temps opératoire, d'un problème donné.
La méthode implique une courbe d'apprentissage qui, lorsqu'elle a été franchie, permet de faire pleinement bénéficier un collectif sélectionné de patients de la technologie moderne de l'endoscopie.