Réparer le cur malade avec des myoblastes ou des cellules de moelle osseuseLes progrès de ces greffes cellulaires sont spectaculaires mais la technique reste expérimentale. Une étude clinique internationale, baptisée MAGIC, devrait commencer incessamment.La percée annoncée il y a deux ans devant ce même congrès de l'Americain Heart Association (AHA), qui réunissait déjà plus de 25 000 spécialistes du monde entier, avait fait l'effet d'une bombe. L'équipe de Philippe Ménasché (de l'Unité 572 de l'INSERM, et à l'époque à l'Hôpital Bichat de Paris, mais dirigeant depuis peu le Service de chirurgie cardiaque de l'Hôpital européen Georges Pompidou) y révélait qu'elle avait greffé avec succès, dans le cur d'un malade de 72 ans, des myoblastes prélevés dans la jambe du patient. Et que ces cellules s'étaient ensuite révélées fonctionnelles, comme si elles avaient toujours été des myocytes cardiaques.Depuis lors, quelques autres équipes se sont inspirées de cette idée. Les résultats qu'elles ont présentés au congrès de Chicago sont très encourageants, même si la technique reste très expérimentale et ses mécanismes d'action encore mystérieux.Le premier chercheur que les participants au congrès étaient impatients d'entendre était évidemment Ménasché lui-même : à ce jour, il a appliqué sa technique à dix patients ayant eu un infarctus, âgés en moyenne de 60 ans, chez lesquels il a prélevé des myoblastes dans un muscle de la jambe. Après culture et multiplication jusqu'à en disposer de près de 900 millions, il les a injectés dans une trentaine de zones cardiaques endommagées de chaque malade.Non seulement a-t-il expliqué au congrès il n'y a eu aucune complication liée à cette greffe cellulaire, mais les deux tiers des zones endommagées dans lesquelles ont été injectées les cellules ont montré une nette reprise de fonctionnalité après trois mois, fonctionnalité qui n'a plus décru depuis. Seul problème, outre le décès de l'un des patients qui a succombé à un accident cérébrovasculaire, quatre membres du groupe ont souffert d'arythmie cardiaque, dûment corrigée par des médicaments.Vers une étude clinique de grande échelleEncouragée par ces résultats, l'équipe de Ménasché va entamer tout prochainement une étude multicentrique internationale (Europe et Etats-Unis) randomisée de phase II, l'étude MAGIC (pour Myoblast Autologous Grafting in Cardiomyopathy), qui devrait englober jusqu'à 300 patients.Cette étude clinique devrait notamment permettre d'expliquer précisément les mécanismes qui sont en jeu. L'autopsie du seul patient décédé semble montrer en effet que les myoblastes ne se transforment pas vraiment en cellules cardiaques comme on l'avait cru et espéré. Il est plus probable qu'ils suscitent plutôt une prolifération et une migration de cellules cardiaques fonctionnelles vers les zones «mortes» où a eu lieu la greffe, sans doute en raison des facteurs qu'ils expriment localement.Les chercheurs de Phoenix (Arizona, Etats-Unis) et de Poznan (Pologne) qui se sont inspirés de la technique de Ménasché ont présenté au congrès des résultats également prometteurs, bien que sensiblement en retard sur ceux des Français. L'étude réalisée par Nabil Dib, directeur de la recherche cardiovasculaire de l'Institut de cardiologie de l'Arizona, a porté sur seize patients, auxquels ont été greffés un nombre plus limité de myoblastes (de 10 à 300 millions) prélevés dans le bras ou la jambe, et chez lesquels il a aussi été possible de mettre en évidence une régénération tissulaire. Aucun effet secondaire sur le rythme cardiaque n'a été noté, probablement en raison des doses plus faibles de myoblastes mises en uvre. Quant à l'étude polonaise de l'équipe de Tomasz Siminiak, elle a porté sur dix patients, suivis aujourd'hui depuis six mois, et qui eux non plus n'ont souffert d'aucune complication liée à la greffe cellulaire.Au tour des cellules de moelle osseuseComme l'imagination et l'audace des chercheurs n'ont pas de limites, certains ont voulu aller encore plus loin. Tout en conservant l'idée de n'utiliser que des cellules propres au malade, ce qui évite les problèmes de rejet, quelques équipes ont ainsi décidé d'explorer les potentialités des cellules de la moelle osseuse pour la réparation du cur.C'est le cas entre autres d'un groupe de Leicester (Royaume-Uni) mené par Manuel Galinanes, qui présentait les résultats obtenus sur quatorze patients ayant souffert d'un grave infarctus myocardique. L'expérience a consisté à prélever de la moelle dans leur sternum, à la diluer dans une petite quantité de leur sang, puis à l'injecter dans les zones endommagées du muscle cardiaque. L'équipe allemande de Christof Stamm, à l'hôpital universitaire de Rostock, a décidé quant à elle de faire encore mieux : utiliser les cellules souches de la moelle osseuse, dûment filtrées à partir de la moelle du patient, et injectées ensuite directement, à l'occasion d'un pontage, dans le cur malade. Dans les deux cas les résultats sont encourageants, ont déclaré les chercheurs, qui ont souligné que l'avantage supplémentaire de ces techniques-là, comparées à l'injection de myoblastes prélevés dans les membres, résidait dans l'abondance naturelle des cellules de moelle osseuse, qu'il n'est donc pas nécessaire de multiplier en culture. Mais tous les spécialistes de ces techniques d'avant-garde ont tenu à souligner qu'il s'agissait de procédures encore très largement expérimentales, et que même si elles ne posaient pas de problème d'éthique particulier elles ne sauraient donner lieu à une application clinique avant de nombreuses années. Il reste qu'elles portent en elles un immense espoir : combler un jour le fossé qui se creuse de plus en plus entre le nombre de malades en attente de transplantation cardiaque et celui des donneurs potentiels.Néphropathie diabétique : on pourrait faire d'importantes économiesSelon une étude du centre médical américain Rush-Presbyterian-St-Luke, de Chicago, présentée à l'occasion du congrès de cardiologie qui a réuni près de 30 000 participants), une économie de 2,3 milliards de dollars pourrait être réalisée aux Etats-Unis, sur une durée de trois ans, si l'on traitait assez tôt les patients souffrant de néphropathie diabétique avec un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine (AIIA).Une étude similaire, portant sur deux pays européens (France et Belgique), montre que l'économie serait du même ordre de grandeur, et qu'on pourrait réduire les coûts par patient d'au moins 12 000 Euros et jusqu'à 23 000 Euros.Cette estimation s'appuie sur l'étude clinique IDNT (Irbesartan Diabetic Nephropathy Trial), qui a montré que ce médicament ralentissait l'évolution des insuffisances rénales chez les patients souffrant d'un diabète de type 2.On estime, ont rappelé les chercheurs américains, que la moitié des diabétiques de type 2 développeront tôt ou tard une maladie rénale, susceptible de mener à une insuffisance rénale grave nécessitant une dialyse, voire à une insuffisance rénale terminale fatale.Sur la base de l'efficacité relative de l'irbesartan, comparé soit à un placebo soit à un inhibiteur calcique (amlodopine), les chercheurs estiment que la mise en uvre de ce médicament permettrait de prolonger la vie des diabétiques atteints d'insuffisance rénale de sept à neuf mois, tout en faisant une économie sur les coûts de santé. Cela permettrait en outre d'éviter en trois ans, rien qu'aux Etats-Unis, au moins 35 000 cas d'insufisance rénale terminale. Quand on sait que la proportion de la population atteinte d'insuffisance rénale terminale a doublé en dix ans, et que le diabète de type 2 (dont on connaît le caractère de plus en plus épidémique dans les pays dits développés) est la cause majeure (44%) des insuffisances rénales terminales, on ne peut qu'être sensible à une telle estimation.A noter toutefois que cette analyse économique a été réalisée en collaboration avec les compagnies pharmaceutiques Sanofi-Synthélabo et Bristol-Myers Squibb, qui commercialisent l'irbesartan sous les marques Aprovel®, Avapro®, et Karvea®.L'étude CREDOL'étude clinique internationale CREDO débouche sur de grands espoirs mais va donner des sueurs froides aux économistes de la santéEn l'ayant baptisée ainsi, les responsables de cette étude ne pouvaient guère en attendre moins : les résultats objectifs présentés à Chicago, et publiés simultanément dans le JAMA, leur donnent raison.L'angioplastie, on le sait, bien qu'ayant déjà sauvé la vie de millions de patients, reste associée à un risque non négligeable de provoquer un infarctus ou un accident cérébrovasculaire, avec parfois le décès du patient, sans parler des cas de resténose qui obligent à répéter l'opération ou à prendre des mesures plus radicales.C'est pourquoi il est de coutume de traiter les patients qui subissent une telle intervention avec des médicaments destinés à fluidifier leur sang. L'approche typique, aujourd'hui, consiste à leur administrer, durant les deux ou quatre semaines qui suivent l'opération, un mélange de deux médicaments, du clopidogrel (Plavix®) et de l'aspirine. Le clopidogrel et l'aspirine se sont en effet révélés posséder un effet synergique important. Après le premier mois, les patients ne sont plus traités que par de l'aspirine.Cette procédure ne met toutefois pas complètement le patient à l'abri d'un problème, aussi les cardiologues se sont-ils demandé si l'extension sur une année de ce traitement combiné ne pourrait pas offrir une protection encore plus grande. C'est donc dans ce but qu'a été lancée l'étude prospective internationale CREDO (pour Clopidogrel for Reduction of Events During Observation), dont les résultats étaient révélés à Chicago. Ils ont simultanément fait l'objet d'une publication scientifique dans le JAMA.Des résultats qui étaient attendus avec impatienceCette étude, qui est l'une des deux grandes études prospectives randomisées en double aveugle dont les résultats étaient attendus avec impatience, a été menée durant un an sur 2116 patients ayant subi une angioplastie, recrutés dans 88 hôpitaux des Etats-Unis et 11 du Canada. Alors que le groupe d'intervention était soumis dès la cinquième semaine au nouveau protocole (75 mg de clopidogrel + 325 mg d'aspirine une fois par jour), le groupe de contrôle recevait un placebo à la place du clopidogrel.Pour mesurer l'efficacité de leur nouveau protocole, les responsables de l'étude ont choisi de comparer trois critères facilement mesurables : le décès, la survenue d'un infarctus, ou d'un accident cérébrovasculaire.Or, les résultats obtenus après une année se révèlent spectaculaires : non seulement il en ressort un bénéfice pour chaque critère isolé, mais quand on regroupe décès, infarctus et accident cérébrovasculaire, l'extension sur douze mois du protocole clopidogrel + aspirine permet de réduire le risque dit «combiné» de 26,9% !Pour profiter de l'occasion, les investigateurs ont également souhaité évaluer l'efficacité d'une administration préliminaire de clopidogrel (300 mg) de 3 à 24 heures avant d'entreprendre l'angioplastie. Mais là, les résultats apparaissent moins significatifs, sauf lorsque le patient reçoit le médicament plus de six heures avant l'intervention.La facture risque d'être saléeLes cardiologues présents à Chicago ont évidemment applaudi à de tels résultats positifs, qui vont remarquablement améliorer les chances des patients ayant subi une angioplastie.Leur souci est toutefois d'un autre ordre. Car avec plus d'un million et demi d'interventions de ce genre pratiquées chaque année dans le monde, le calcul est vite fait : l'extension sur onze mois supplémentaires d'un traitement coûtant environ 3 francs par jour représentera une facture additionnelle globale d'au moins un milliard et demi. Les investigateurs font toutefois remarquer qu'en échange, et selon leur estimation, ce devrait être environ 50 000 décès qui pourront être évités, toujours à l'échelle mondiale.Forts des résultats de cette étude CREDO, les mêmes investigateurs se sont d'ores et déjà lancés dans une étude similaire de plus longue haleine, baptisée CHARISMA, qui va suivre durant trois ans plus de 15 000 patients de plus de 45 ans ayant subi une angioplastie.Enfants obèsesAvertissement de médecins suédois au congrès mondial de cardiologie : les nombreux facteurs de risque enregistrés déjà chez les jeunes enfants obèses pourraient annoncer d'ici quelques décennies un abaissement substantiel de l'âge moyen des accident cardiovasculairesLes chiffres qu'ont présentés le Dr Peter Friberg et ses collègues, de l'hôpital universitaire Sahlgrenska de Göteborg, sont inquiétants. L'étude comparative qu'ils ont entreprise sur dix-neuf enfants obèses de 13 ans, et sur vingt enfants du même âge de poids normal, montre en effet que, déjà si tôt, les signes annonciateurs d'une affection cardiaque vont de pair avec un indice de masse corporelle élevé. Et quand on sait combien l'obésité chez les enfants et les adolescents prend chez nous des proportions de plus en plus grandes, à l'instar de ce que connaissent les Etats-Unis depuis de nombreuses années, il y a de quoi se faire du souci pour l'avenir de notre jeunesse, si l'on ne prend pas très vite des mesures énergiques en matière d'éducation à la santé.Les enfants des deux groupes, au sein desquels figuraient respectivement neuf et onze filles, étaient en bonne santé et ne prenaient aucun médicament. Mais les divers examens et analyses dont ils ont fait l'objet montrent déjà des signes qui, chez l'adulte, déboucheraient sur une intervention. Les chiffres de pression artérielle, par exemple, étaient nettement supérieurs chez les enfants obèses par rapport aux enfants de poids normal, alors que le taux d'insuline sanguin était quant à lui 2,5 fois plus élevé (indicateur d'un possible diabète futur), et celui des triglycérides augmenté de 58%. Le «bon» cholestérol, de son côté, était réduit de près de 20%.Des curs déjà hypertrophiésUn examen par résonance magnétique, le premier du genre à être effectué dans une étude de ce type, a révélé par ailleurs que le ventricule gauche des enfants obèses était hypertrophié, un signe vraisemblable de son adaptation à une pression artérielle et à un taux d'insuline plus élevés. Bref, un ensemble de facteurs inquiétants à cet âge, et qui augmentent sensiblement le risque de souffrir plus tard d'une maladie cardiaque.Cette hypertrophie cardiaque chez des enfants et adolescents a également été mise en évidence, dans des circonstances similaires, par l'équipe japonaise de Chisato Konto, de l'école de médecine universitaire de Tokyo, qui présentait ses résultats à Chicago. Les cinquante-cinq sujets obèses qui ont été étudiés par échographie, et qui étaient âgés de 5 à 19 ans, présentaient en effet également une hypertrophie du ventricule gauche par rapport aux treize enfants de poids normal pris comme référence. L'équipe japonaise a surtout mis en évidence chez les enfants obèses une dysfonction de la fonction endothéliale des vaisseaux, qu'ils soupçonnent de participer à l'hypertrophie cardiaque.«Nos données ont été soumises à un autre groupe de recherche, a ajouté le Dr Peter Friberg, qui les a entièrement confirmées. Il nous semble donc urgent de s'occuper davantage des risques de future affection cardiaque dans cette classe d'âge, si l'on ne veut pas avoir de mauvaise surprise plus tard».Génétique du bon cur ?Les enfants de centenaires ont un meilleur système cardiovasculaire.Mais l'influence relative de la génétique ou de l'environnement n'a pu être établie.Des études effectuées en Europe et aux Etats-Unis sur des cohortes de centenaires avaient déjà montré que les enfants de centenaires vivaient en moyenne plus longtemps en bonne santé, sans pour autant devenir eux-mêmes centenaires. Il semble désormais que ces individus aient en plus (ou en même temps, à voir) un avantage certain en terme de santé cardiovasculaire, comparés aux enfants dont les parents sont décédés à 70 ou 80 ans.C'est ce qu'a défendu une équipe du centre médical universitaire de Boston, dirigée par Dellara Terry. Leur étude a porté sur 177 individus âgés en moyenne de 71 ans, et sur 166 sujets contrôles de 70 ans en moyenne. Les premiers ont été pris dans la descendance de 192 centenaires (eux-mêmes issus de la base de données américaine NECS comprenant pas moins de 800 centenaires). Les sujets de référence ont été choisis quant à eux parmi les descendants de 1097 individus nés entre 1896 et 1900, et dont l'un au moins était décédé à 73 ans. L'âge moyen des parents centenaires couverts par l'étude était de 102,4 ans. En termes de santé cardiovasculaire, les différences se sont révélées significatives : alors qu'en moyenne 52% des enfants de contrôle avaient de l'hypertension, on n'en comptait que la moitié (26%) chez les enfants de centenaires. Pour les affections cardiaques les chiffres étaient respectivement de 27% et 13%, et pour le diabète, l'un des facteurs de risque des maladies cardiaques, de 11% contre 5%. Il est cependant impossible de dire, a relevé Dellara Terry, quelle est la part de la génétique et celle de l'environnement.L'élément le plus intéressant de l'étude réside dans le fait que pour d'autres maladies liées à l'âge, comme le cancer, l'ostéoporose, les démences séniles, ou le glaucome, aucune différence significative n'est ressortie des résultats.